Éditorial

Addictions et adolescents : l'impact du digital


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Bonne nouvelle, la consommation de sub­stances chez les jeunes diminue. D'après les données de l'étude ESCAPAD 2017, l'expérimentation du tabac (59 %), de l'alcool (86 %) et du cannabis (39 %) chez les jeunes âgés de 17 ans au cours de leur vie, n'a jamais été aussi basse depuis 2000 (respectivement 78 %, 95 % et 46 %) [1]. La consommation régulière (au moins 10 fois dans le mois) de tabac (34 %), d'alcool (8 %) et de cannabis (7 %) est également au plus bas depuis 2000 (respectivement 34 %, 11 % et 10 %).

Lors du dernier congrès de l'American Psychiatric Association, la directrice du National Institute of Drug Abuse (NIDA), Nora Volkow, a émis l'hypothèse que la baisse de la fréquence de consommation de tabac, d'alcool et de drogues chez les adolescents scolarisés, également constatée au États-Unis, pouvait être liée au temps, de plus en plus important, que les adolescents passaient sur les réseaux sociaux et les jeux vidéo sur Internet. Ces activités se feraient au détriment de celles passées avec les autres, notamment du temps passé à consommer diverses substances. On constate également que les addictions aux jeux vidéo et aux smartphones, explosent depuis une dizaine d'années. Elles sont aujourd'hui considérées comme des problèmes de santé publiques en Asie, particulièrement en Chine et en Corée du Sud.

L'addiction aux jeux vidéo “Gaming disorders” est apparue cet été dans la CIM-11. Elle est caractérisée par un comportement persistant ou récurrent de jeu digital ou vidéo sur Internet, durant au moins 12 mois, avec des difficultés à contrôler les comportements excessifs de jeu, de plus en plus au détriment des autres intérêts et des activités quotidiennes et la poursuite ou l'augmentation des activités de jeu malgré la survenue de conséquences négatives. Les comportements entraînent une gêne des activités personnelles, familiales, sociales, scolaires et professionnelles.

Une revue récente de 27 études de neurobiologie, notamment d'imagerie cérébrale structurale et fonctionnelle, a retrouvé des anomalies similaires chez les sujets présentant des addictions aux jeux vidéo et les sujets présentant des addictions aux substances. Elles sont caractérisées par des capacités de contrôle cognitif au niveau du cortex préfrontal, des capacités de mémoire de travail et de prise de décision et un fonctionnement auditif et visuel, plus faibles que les sujets témoins (2). Va-t-on assister au remplacement des addictions avec substances par les addictions aux écrans ?

Références

1. Spilka S, Le Nézet O, Janssen E, et al. Les drogues à 17 ans : analyse de l’enquête ESCAPAD 2017. Tendances, OFDT, n° 123, 2018, 8 p.

2. Kuss DJ, Pontes HM, Griffiths MD. Neurobiological correlates in Internet gaming disorder: a systematic literature review. Front Psychiatry 2018;9:166.


Liens d'intérêt

A. Dervaux déclare avoir des liens d’intérêts avec Astra Zeneca, Janssen, Lundbeck, Indivior, Otsuka, sans rapport avec le sujet de cet article.