Éditorial

Association statistique ou lien de causalité : ce que nous a appris Sir Austin Bradford Hill


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Sir Austin est un épidémiologiste anglais connu pour avoir démontré, sans doute le premier, en collaboration avec Richard Doll, le lien de causalité entre le tabac et le cancer du poumon. Il est connu également pour ses travaux de statisticien, avec la publication d'un livre dans les années 1930 intitulé Principles of Medical Statistics qui, paraît-il, a fait longtemps autorité, mais que je ne prendrais pas comme livre de chevet… En fait, Sir Austin est surtout passé à la postérité pour avoir posé 9 critères permettant de valider un lien de causalité. Ces critères peuvent être traduits ainsi : la force de l'association, sa répétition dans le temps et l'espace, sa spécificité et sa temporalité, la relation dose-effet, la plausibilité et la cohérence vis-à-vis des connaissances, les résultats confirmatoires des études expérimentales et l'analogie avec des situations ou des molécules proches. Est-ce une sorte de statistique “analytique” comparée à une statistique “toute mathématique” ? En fait, pour un simple utilisateur comme moi, il s'agit plutôt d'une analyse épidémiologique raisonnable et raisonnée qui permet d'aller au-delà de la simple association statistique et de rechercher des arguments pour un lien de causalité entre, par exemple, un toxique et une pathologie.

Ces critères de Hill restent d'actualité, comme en témoigne un article publié dans Gastroenterology en 2017 sur les complications du traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), qui détaille très bien l'emploi de ces critères (1). Mais sans doute le plus intéressant est leur utilisation possible dans les débats politico-scientifiques de notre société.
La question du risque carcinogène de certaines substances contenues dans l'alimentation ou dans des produits phytosanitaires en est un premier exemple bien connu. Les perturbateurs endocriniens en sont un second exemple. En effet, sur ces questions sanitaires complexes, les commissions dédiées des assemblées parlementaires sollicitent l'avis d'experts de haut vol (2). Encore faut-il que leurs arguments et leurs démonstrations soient compris de non-spécialistes et donc de nos représentants élus, au-delà des “évidences” assénées par les différents lobbies… À cet égard, la lecture des auditions (3) ayant abouti à un rapport parlementaire (4) montre bien le caractère pédagogique de ces critères de Hill sur ce sujet. Présentés et explicités par des scientifiques, ces critères sont accessibles à la compréhension de non-spécialistes, et donc à celle du citoyen et de l'homme politique qui le représente.

Merci, Sir Austin, pour cet outil démocratique !

Références

1. Vaezi MF, Yang YX, Howden CW. Complications of proton pump inhibitor therapy. Gastroenterology 2017;153(1):35-48.

2. Zoeller RT, Bergman A, Becher G et al. A path forward in the debate over health impacts of endocrine disrupting chemicals. Environ Health 2014;13:118.

3. http://www.senat.fr/rap/r10-765/r10-7656.html et suivantes.

4. Barbier G. Perturbateurs endocriniens, le temps de la précaution. Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST, 12 juillet 2011). http://www.senat.fr/rap/r10-765/r10-7651.pdf.


Liens d'intérêt

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, BMS, GENFIT, Gilead, Intercept, Mayoly Spindler et MSD.