Dossier

Lymphomes


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Lymphome à grandes cellules B

Résultats attendus de l'étude POLARIX comparant R-CHOP à­ R-CHP-Pola en 1re ligne de traitement : enfin du nouveau en 1re ligne ?

Le polatuzumab vedotin (Pola) est un anticorps monoclonal anti-CD79b conjugué à la mono-­méthylauristatine E. CD79b est un composant de signalisation du BCR, exprimé dans les lymphocytes B matures et dans les lymphomes à grandes cellules B (LGCB). Le Pola a montré une efficacité en phase précoce dans les LGCB en rechute ou réfractaires (R/R). Actuellement, certains pays approuvent son utilisation en association avec R-bendamustine. Le schéma R-CHP-Pola a été évalué en phase II, avec une efficacité et un bon profil de tolérance. POLARIX est une étude de phase III multicentrique internationale, randomisée en double aveugle, comparant R-CHP-Pola au standard de traitement R-CHOP dans les LGCB en 1re ligne (Tilly H et al., abstr. LBA 1). Les ­critères d'inclusion comprenaient notamment un IPI (International Prognostic Index) ≥ 2 et un PS (performans status) à 0-2. Les patients étaient stratifiés selon l'IPI, la présence d'une masse > 7,5 cm et la zone géographique. L'objectif principal était la survie sans progression (SSP) évaluée par l'investi­gateur. Il s'agit des premiers résultats avec un suivi médian de 28,2 mois. Au total, 879 patients ont été randomisés : 439 dans le bras R-CHOP et 440 dans le bras R-CHP-Pola. L'âge médian était de 61 ans ; les groupes étaient comparables, avec 62 % de stade IPI à 3-5 dans les 2 bras, une masse bulky chez 44 % des patients de chaque bras, et plus d'une localisation extraganglionnaire pour 48 % des patients. L'objectif principal de l'étude est atteint, avec un gain de SSP dans le bras R-CHP-Pola (HR = 0,73) : la SSP à 24 mois est de 76,7 % dans le bras R-CHP-Pola versus 70,2 % dans le bras standard, soit une réduction de 27 % du risque de progression, rechute ou décès (figure 1). Le taux de rémission complète (RC) n'est pas significativement différent dans les 2 groupes : 88,6 % dans le bras R-CHP-Pola versus 82,7 % dans le bras R-CHOP. À 28,3 mois de suivi médian, il n'y a pas de bénéfice sur la survie globale (SG). Le profil de tolérance est comparable dans les 2 bras. La survenue d'une neuropathie périphérique, principalement de grade 1-2, est de 53 % dans les 2 bras. On retrouve un peu plus de neutropénies fébriles dans le bras R-CHP-Pola (13,8 %) que dans le bras R-CHOP (8 %). En pratique, POLARIX est la première étude, depuis l'adjonction du rituximab, qui montre un bénéfice du bras expérimental par rapport au R-CHOP. Ce bénéfice se traduit sur la SSP et sur la durée de réponse. Toutefois, l'écart peu important de SSP, significatif sur un grand nombre de patients, l'absence d'impact sur le taux de réponse et la SG laissent un sentiment mitigé. Ces résultats pourraient néanmoins faire l'objet d'un enregistrement du polatuzumab vedotin dans cette indication, avec un changement des pratiques.

Prophylaxie neuroméningée à base de méthotrexate haute dose (MTX-HD) : une question débattue

La rechute neuroméningée dans le LGCB est une complication grave, avec une survie médiane de l'ordre de 6 mois. L'atteinte secondaire du système nerveux central (SNC) survient dans 3 à 5 % des cas et concerne 10 % des patients ayant un score CNS‑IPI (central nervous system IPI) élevé compris entre 4 et 6. La prévention de l'atteinte neuroméningée est assurée le plus souvent par du MTX-HD, au prix d'une toxicité pouvant faire différer le traitement de 1re ligne.

Deux grandes études rétrospectives ont fait l'objet de communications orales, l'une posant la question de l'efficacité de la prophylaxie et l'autre, le timing de mise en œuvre de ce traitement.

K. Lewis (abstr. 181) a rapporté les résultats d'une large étude rétrospective multicentrique évaluant l'efficacité de la prophylaxie par MTX-HD. Cette étude a inclus 2 267 patients traités par immunochimiothérapie en 1re ligne d'un LGCB et considérés comme étant à haut risque de rechute neuroméningée (CNS-IPI 4-6, lymphome de haut grade double-hit, atteinte testiculaire ou ­mammaire). Les patients ayant une atteinte neuro­méningée étaient exclus. La prophylaxie par MTX-HD a été délivrée à 392 patients ; 1 875 n'en ont pas reçu. Les patients ayant reçu la prophylaxie avaient un IPIaa (IPI ajusté à l'âge) plus élevé. L'incidence cumulée de rechute neuro­méningée n'est pas significativement différente entre les 2 groupes : 9 % dans le bras sans prophylaxie versus 7,9 % dans le groupe avec prophylaxie. La rechute neuro­méningée survient précocement dans les 2 groupes, 6 à 8 mois après le traitement d'induction.

Le moment d'administration (précoce ou en fin de traitement) du MTX-HD au sein du traitement d'induction a été évalué dans une étude rétrospective multicentrique auprès de 1 400 patients atteints de LGCB et traités en 1re ligne par immunochimio­thérapie avec prophylaxie par MTX-HD. M. Wilson et al. (abstr. 452) ont ainsi comparé l'incidence cumulée de survenue d'une rechute neuro­méningée selon le moment de délivrance du MTX-HD : intercalé entre les cures de R-CHOP (n = 749) versus en fin de traitement d'induction. L'âge médian était de 62,5 ans. Les patients recevant la prophylaxie neuroméningée précoce avaient un stade plus avancé, et plus souvent une atteinte testiculaire ou mammaire. Les patients recevant le MTX en fin d'induction avaient plus fréquemment reçu le MTX par voie intrathécale. La dose cumulée de MTX-HD était plus importante dans le groupe prophylaxie précoce. Le taux de rechute à 3 ans est identique dans les 2 groupes : 5,7 versus 5,8 % (HR = 1,01 ; IC95 : 0,65-1,57). Le taux s'élève à 8,1 % chez les patients CNS-IPI 4-6. Par ailleurs, il existe un impact sur la SSP pour les patients ayant reçu le R-CHOP de manière différée de plus de 7 jours, avec l'âge comme facteur associé, mais également la délivrance intercalée de MTX-HD.

Pour conclure, le traitement par MTX-HD ne semble pas diminuer l'incidence des rechutes neuro­méningées. Toutefois, en l'absence d'étude prospective randomisée, il paraît difficile d'abandonner cette stratégie, notamment chez les patients avec CNS-IPI élevé. Si une prophylaxie est proposée, elle n'est pas moins efficace en fin de procédure.

CAR-T cells en 2e ligne : 3 communications ont fait l'objet de l'évaluation en 2e ligne de traitement des LGCB en R/R d'une stratégie par CAR-T cells comparée à la stratégie standard

L'étude ZUMA-7, présentée par F. Locke en séance plénière (abstr. 2), est une étude de phase III rando­misée comparant le traitement standard au traitement par CAR-T cells anti-CD19 (axi-cel) chez des patients de plus de 18 ans éligibles à une intensification en 2e ligne de traitement d'un LGCB en R/R. Les patients étaient stratifiés selon la réponse à la 1re ligne et selon l'IPIaa à la 2e ligne. Le traitement d'attente n'était pas autorisé dans le bras axi-cel. Le bras standard prévoyait 2 ou 3 cures d'immunochimiothérapie à base de sels de platine et une intensification avec autogreffe chez les patients répondeurs (réponse partielle (RP) ou RC). L'étude ne prévoyait pas de crossover, mais les patients en échec pouvaient recevoir des CAR-T en dehors du protocole. L'objectif principal était la survie sans événement (SSE) sur la base d'une relecture centralisée en aveugle selon les critères de Lugano. Parmi les 359 patients randomisés (âge médian : 59 ans), 74 % étaient réfractaires primaires et 46 % avaient un IPIaa 2-3. Sur les 180 patients du bras axi-cel, 170 ont été réinjectés. Dans le bras standard, 64 des 179 patients ont été autogreffés (36 %). L'objectif principal est atteint (HR = 0,398 ; p < 0,0001). Avec un suivi médian de 24,9 mois, la SSE moyenne est de 8,3 mois (IC95 : 4,5-15,8) dans le bras axi-cel versus 2 mois dans le bras standard (IC95 : 1,6-2,8) et la SSE estimée à 24 mois est de 40,5 % dans le bras axi-cel versus 16,3 % dans le bras standard (figure 2). Le taux de réponse était de 80 versus 50 %, avec une RC de 65 versus 32 %, respectivement. La SG était non atteinte versus 35,1 mois, respectivement (HR = 0,730 ; p = 0,027 (NS)). Dans le bras standard, 100 patients (56 %) ont reçu un traitement secondaire par CAR-T cells. Concernant la tolérance, 91 versus 84 % des patients ont développé une toxicité de grade 3 ou plus. Parmi les patients ayant reçu les CAR-T, 6 % ont développé un syndrome de relargage des cytokines (SRC) de grade 3 ou plus, et 21 % ont eu une neurotoxicité de grade 3 ou plus, soit un profil de tolérance comparable à celui des études antérieures. Cette étude, tout comme l'étude TRANSFORM (liso-cel versus traitement standard) rapportée par M. Kamdar (abstr. 91) avec néanmoins un suivi moins prolongé (6,2 mois), montre une supériorité de la stratégie à base de CAR-T cells face à l'autogreffe, en 2e ligne de traitement des LGCB.

La même question a été posée dans l'essai BELINDA, présenté par M. Bishop (abstr. LBA-6). Cette étude a randomisé l'utilisation du tisa-cel versus le traitement standard, toujours chez des patients en 2e ligne de traitement pour LGCB en R/R, dans les 12 mois après la 1re ligne. La conception est ici un peu différente : dans le bras standard, les patients non répondeurs à la chimiothérapie de rattrapage pouvaient recevoir une autre ligne avant l'autogreffe, et un crossover était prévu en l'absence de réponse. Les patients étaient stratifiés selon la durée de réponse de la 1re ligne, l'IPI et la zone géographique. Une chimiothérapie d'attente était autorisée dans le bras CAR-T. L'objectif principal était la SSE. La médiane de suivi était de 10 mois. Au total, 322 patients ont été inclus. Les groupes de traitement étaient comparables, avec notamment des lymphomes de haut grade : 24,1 % dans le bras tisa-cel et 16,9 % dans le bras standard ; 66 % des patients étaient réfractaires primaires dans les 2 bras. Parmi les 162 patients du bras tisa-cel, 155 ont eu une réinjection et 83,3 % ont reçu une chimiothérapie d'attente. Parmi les 160 patients du bras standard, 52 ont été auto­greffés (32,5 %) et 81 ont bénéficié d'un crossover. La SSE médiane est de 3 mois dans les 2 bras, avec un HR à 1,07 (IC95 : 0,82-1,4 ; p = 0,69) (figure 3). Le taux de réponse était de 46,3 % dans le bras tisa-cel versus 42,5 % dans le bras standard, avec un taux de RC de 28,4 % dans le bras tisa-cel versus 27,5 % dans le bras standard. Sur le plan de la tolérance, 84 versus 90 % des patients ont développé une toxicité de grade 3 ou plus. Chez les patients ayant reçu des CAR-T, 4,9 % ont développé un SRC de grade 3 ou plus et 1,9 % ont eu une neurotoxicité de grade 3 ou plus.

Ces études montrent des résultats différents dans des essais évaluant des populations différentes : les patients de l'étude BELINDA étaient plus gravement atteints et l'absence de “bridge” autorisé dans ZUMA-7 sélectionnait vraisemblablement des patients moins évolutifs. Toutefois, les résultats en termes de réponse sont un peu troublants dans l'essai BELINDA, non superposables à ceux obtenus dans l'essai JULIET en 3e ligne de traitement. Néanmoins, la stratégie de traitement par CAR-T cells en 2e ligne semble bénéfique pour certains patients et une AMM pourrait bien voir le jour dans cette indication.

LGCB en R/R : anticorps bispécifiques en association

Bien que les données soient encore immatures, les études évaluant l'efficacité des anticorps bispécifiques anti-CD20/CD3 en association dans les LGCB en R/R ont montré des résultats impressionnants. Le schéma mosunétuzumab (Mosu) + polatuzumab vedotin (Pola) (Budde LE et al., abstr. 533) a été évalué dans une étude de phase II incluant 60 patients avec LGCB en R/R ; 60 % avaient reçu au moins 3 lignes antérieures de traitement et 40 % avaient été traités par CAR-T cells. Une escalade de dose était observée pour le Mosu à la 1re cure, afin de limiter l'incidence des SRC. Le Pola était délivré à la dose de 1,8 mg/kg à J1 de chaque cure pendant 6 cycles ; le Mosu était délivré à J1 de chaque cure pendant 8 cycles. Les patients en RC après 8 cycles (C8) arrêtaient le traitement, les patients en RP ou ayant une maladie stable à C8 poursuivaient le Mosu jusqu'à 17 cycles. Le suivi médian est de 5,7 mois. Le profil de tolérance est bon, l'incidence des SRC est de 17,5 %, tous de grade 1-2. Une neurotoxicité est rapportée chez 7,9 % des patients, avec une neuropathie périphérique pour 33,3 % des patients, principalement de grade 1-2. Le taux de réponse est de 65 %, dont 48,3 % de RC avec une médiane de durée de réponse non atteinte. Pour les 24 patients ayant préalablement reçu les CAR-T cells, le taux de réponse est de 62,5 %, dont 41,7 % de RC. La SSP médiane est de 8,9 mois. Sur les 29 patients en RC, 28 ont une RC persistante. Une deuxième étude (Hutchings M et al., abstr. 525) confirme l'efficacité de l'association glofitamab + Pola dans la même population (n = 49). Avec un suivi médian de 3,7 mois, le taux de réponse est de 79,6 %, dont 51 % de RC.

Lymphome folliculaire

Comme pour les LGCB, l'immunothérapie a été à l'honneur pendant cet ASH 2021 dans les lymphomes folliculaires (LF), avec notamment l'actualisation des études ZUMA-5 et ELARA, mais également les très bons résultats des anticorps bispécifiques, en monothérapie ou en association.

CAR-T cells dans le LF en R/R

ZUMA-5 est une étude de phase II évaluant le traitement par CAR-T cell (axi-cel) chez des patients atteints d'un lymphome indolent en R/R (LF et lymphome de la zone marginale (LZM)) après au moins 2 lignes de traitement. L'objectif principal était le taux de réponse. Les premiers résultats ont été rapportés à l'ASH 2020, avec un suivi médian de 17,5 mois. S. Neelapu (abstr. 93) a présenté une actualisation de cette étude. L'essai a inclus 149 patients, parmi lesquels 110 (86 LF et 24 LZM) étaient éligibles pour l'analyse d'efficacité. Dans la cohorte LF, avec un suivi médian de 30,9 mois, le taux de réponse est de 94 %, avec 79 % de RC. La durée médiane de réponse est estimée à 38,6 mois, et la SSP médiane, à 39,6 mois. La durée médiane de réponse est de 38,6 mois pour les patients en progression précoce dans les 2 ans de la 1re ligne (POD24), et non atteinte pour ceux en rechute plus tardive. La médiane de SG est non atteinte, avec une SG à 2 ans de 81 %. Dans la cohorte LZM, avec un suivi médian de 23,8 mois, le taux de réponse est de 83 %, avec 63 % de RC. La durée médiane de réponse est non atteinte et la SSP médiane est de 17,5 mois. La médiane de SG est non atteinte, avec une SG à 24 mois de 70 %. Concernant la toxicité, les effets indésirables de grade 3 les plus fréquents sont les cytopénies (34 % de cytopénies prolongées de grade 3 après J30). Pour les toxicités spécifiques, 7 % des patients ont présenté un SRC de grade 3 ou plus et 21 %, une neurotoxicité de grade 3 ou plus.

C. Thieblemont (abstr. 131) a rapporté l'actuali­sation de l'étude ELARA sur le traitement de LF en R/R par tisa-cel, à 17 mois de suivi médian. Sur les 97 patients inclus, 94 étaient éligibles pour l'analyse d'efficacité. Après 17 mois de suivi, le profil de tolérance est inchangé, avec 48,5 % de SRC, tous de grade 1-2, et 4,1 % de neurotoxicité. Le taux de réponse est de 86,2 %, dont 69,1 % de RC, et la SSP à 12 mois est de 67 %. Concernant les patients en RC, la SSP à 12 mois est de 85,5 %. Avec un suivi plus long de 21 mois, la SSP médiane est de 29,5 mois. S'agissant de l'analyse en sous-groupes de haut risque, la POD24 et le volume tumoral métabolique total (TMTV) (> 510 mL) ont un impact sur la réponse et sur la SSP à 12 mois, avec 60,8 % (HR = 2,3 (IC95 : 1-5,3)) et 54,5 % (HR = 2,5 (IC95 : 1,3-5,6)) respectivement, avec toutefois de bons résultats par rapport aux traitements standard.

Bispécifiques CD20 × CD3

Les résultats des anticorps bispécifiques dans le LF sont également très enthousiasmants, venant concurrencer les résultats des CAR-T cells. Tout d'abord, une étude de phase II a évalué le Mosu en monothérapie dans les LF en R/R sur une population de 90 patients (âge médian : 60 ans), gravement atteints, ayant reçu en médiane 3 lignes de traitement, et dont 52,2 % étaient en POD24 (Budde LE et al., abstr. 127). Le Mosu était délivré à dose croissante au cycle 1 (C1), puis toutes les 3 semaines jusqu'à C8 pour les patients en RC, et possiblement jusqu'à C17 pour les patients en RP ou ayant obtenu une maladie stable. Le suivi médian est de 18,3 mois. L'objectif principal, qui était le taux de réponse, est de 80 %, avec 60 % de RC. La réponse est rapide : 1,4 mois (extrêmes : 1,1-8,9) de délai médian, 3 mois (extrêmes : 1,1-18,9) pour la RC. La durée médiane de réponse est de 22,8 mois et la SSP médiane est de 17,9 mois. La tolérance est bonne : des SRC sont rapportés dans 44,5 % des cas, principalement de grade 1-2, le plus souvent à J15 de la 1re cure.

L'association Mosu + lénalidomide a fait l'objet d'une communication de F. Morschhauser (abstr. 129), dans une étude de phase Ib. Le Mosu était également délivré en escalade de dose à C1, puis à J1 de chaque cure pendant 12 cycles. Le lénalidomide à 20 mg/j était adjoint à partir de C2 de J1 à J21 de chaque cycle de 4 semaines pendant 11 cycles. Les 29 patients inclus (âge médian : 59 ans) avaient déjà reçu 1 ligne de traitement en médiane (1-6), 44,8 % ayant reçu au moins 2 lignes. Le suivi médian est court, de 5,4 mois. Le profil de tolérance est bon, avec 24,1 % de neutropénies, toutes de grade 3-4. Les SRC, tous de grade 1-2, sont rapportés dans 27,6 % des cas, et on note une neurotoxicité chez 3,1 % des patients. Le taux de réponse est de 89,5 %, avec 65,5 % de RC. La réponse persiste pour 86,2 % des patients. Une étude de phase III (CELESTIMO) randomisée est en cours, comparant Mosu + lénalidomide à rituximab + lénalidomide en 2e ligne de traitement dans les LF.

Enfin, F. Morschhauser a également rapporté les données de tolérance et d'efficacité du glofitamab en monothérapie et en association avec l'obinutuzumab au sein d'une étude de phase I/II (abstr. 128). Un prétraitement par obinutuzumab était délivré à J–7, suivi d'un schéma d'escalade de dose du glofitamab sur les 1er et 2e cycles, puis d'une dose de 30 mg toutes les 3 semaines pendant 12 cycles. Une partie prévoyait une association avec obinutuzumab 1 g à partir de C2. Les patients étaient éligibles dès la 2e ligne de traitement. Dans la cohorte glofitamab seul, 53 patients ont été inclus, avec une médiane de 3 lignes antérieures (1-12) ; 30,2 % étaient doubles réfractaires et 35,8 % étaient en POD24. Le taux de réponse était de 81 %, avec 70 % de RC. Dans la cohorte glofitamab + obinutuzumab, 19 patients ont été inclus, avec une médiane de 2 lignes antérieures (1-5) ; 36,8 % étaient doubles réfractaires et 52,6 % étaient POD24. Le taux de réponse était de 100 %, avec 74 % de RC. Le suivi médian est court, de 4,4 mois et 5,4 mois respectivement, avec des réponses persistantes chez 32 des 37 patients répondeurs en monothérapie et 11 des 14 patients répondeurs dans le bras glofitamab + obinutuzumab. Les SRC, de faible grade, concernaient 66 % des patients du bras monothérapie et 72 % des patients du bras glofitamab + obinutuzumab. L'effet myélotoxique était plus important dans le bras glofitamab + obinutuzumab avec 58 % de neutropénies, le plus souvent de grade 3-4, versus 26 % dans le bras monothérapie, sans neutropénie fébrile.

Lymphome à cellules du manteau

Traitement d'entretien par rituximab + lénalidomide (R2) post-induction dans les LCM du sujet âgé

L'étude MCL-R2 Elderly du groupe européen MCL Network évaluait, chez des patients atteints d'un lymphome à cellules du manteau (LCM), âgés de plus de 60 ans non éligibles à une autogreffe et en 1re ligne de traitement, l'apport de l'introduction de cytarabine dans la séquence d'induction, avec une 1re randomisation 8 R-CHOP versus 3 R-CHOP/3 R-HAD (Ribrag V, abstr. 379). Les patients en RC ou en RP faisaient l'objet d'une 2e randomisation avec du rituximab par voie sous-­cutanée à la dose de 1 200 mg tous les 2 mois pendant 2 ans versus lénalidomide 15 mg 21 jours sur 28 en association avec le rituximab, selon les mêmes modalités pendant 2 ans. L'étude a inclus 620 patients (âge médian : 71 ans), dont 90 % de stade IV et près de 50 % avec un MIPI élevé. La communication a porté sur les résultats de l'entretien chez 447 patients : 99,5 % de répondeurs, 46 % en RC, sans différence entre les 2 bras. Le bras R2 est, comme attendu, beaucoup plus myélotoxique, avec une neutropénie de grade 3 ou plus chez 50 % des patients (versus 18,8 %), une infection respiratoire pour 5,5 % (versus 0,8 %) et des cancers cutanés pour 5,5 % (versus 2 %). Le suivi médian est de 2,1 ans. L'objectif principal est atteint, avec une SSP plus importante dans le bras R2 : SSP médiane de 5,1 ans (4,6-NA) versus 3 ans (2,3-4) dans le bras R (RR = 0,579 ; IC95 : ­0,429-0,781 ; p = 0,003). Il n'y avait pas de différence en SG. Les résultats de SSP sont intéressants dans une population de patients non autogreffés, avec toutefois un surcroît de toxicité. Par ailleurs, les données de suivi de la maladie résiduelle (MRD) pour cette étude ont fait l'objet d'une seconde communication (Delfau MH et al., abstr. 40). En fin d'induction, 61 % des patients avaient une MRD négative, sans différence entre les 2 groupes. La MRD positive en fin d'induction a un impact sur la SSP, avec une médiane à 2,7 ans quel que soit le type d'entretien versus 4,7 ans pour les patients avec MRD négative. En fonction du bras d'entretien, il n'y a pas de différence de SSP dans le bras R seul et, finalement, les patients bénéficiant de l'entretien par R2 sont ceux en MRD négative. L'association R2 n'améliore pas la SSP des patients en MRD positive post-induction. Ainsi, si l'entretien par R2 confère un gain en termes de SSP, cela n'améliore que les patients bons répondeurs.

Pirtobrutinib chez les patients réfractaires aux inhibiteurs de BTK

Le pirtobrutinib est un inhibiteur de BTK non covalent, sélectif, inhibant à la fois BTK sauvage et muté C481 (conférant une résistance aux autres inhibiteurs). L'étude de phase I/II BRUIN a évalué le pirtobrutinib chez des patients atteints d'hémo­pathie B en R/R (Wang M et al., abstr. 381). La cohorte LCM a inclus 134 patients (âge médian : 70 ans), principalement en bon état général, ayant déjà reçu 3 lignes de traitement en médiane (1-9) ; 90 % d'entre eux avaient déjà reçu un iBTK, interrompu du fait de la progression (83 %) ou pour toxicité (17 %). Pour les 100 patients antérieurement traités par iBTK et éligibles à l'évaluation de l'efficacité, le taux de réponse s'élève à 51 %, dont 25 % de RC. Pour les patients naïfs de iBTK (n = 11 évaluables), le taux de réponse est de 82 %, dont 18 % de RC. Pour les patients répondeurs (n = 60), la durée de réponse médiane est de 18 mois (4,6-NA). Avec un suivi médian de 8,2 mois, 60 % des patients répondeurs gardent une réponse persistante. Le traitement entraîne principalement fatigue, diarrhées, neutropénies et confusion, principalement de grade 1-2. Il est rapporté moins de 1 % de fibrillations auriculaires imputables au traitement, 2 % de cas d'hypertension artérielle et 2 % de syndromes hémorragiques. Le pirtobrutinib confère donc des résultats impressionnants chez des patients déjà exposés aux iBTK, avec un profil de tolérance favorable. Cette molécule fait actuellement l'objet d'une étude de phase III comparant pirtobrutinib versus iBTK covalent chez des patients en rechute de LCM naïfs de iBTK.

Résultats du Kte-X19 dans le traitement du LCM en R/R en vraie vie : données du registre français DESCAR-T

Le Kte-X19 est délivré en France dans le traitement du LCM depuis janvier 2021. Cette étude a évalué ce traitement chez 57 patients figurant dans le registre français DESCAR-T (Herbaux C et al., abstr. 743). Parmi eux, 55 ont fait l'objet d'un prélèvement de lymphocytes et 48 ont été ré­­injectés (3 échecs de production, 2 progressions, 1 toxicité cardiaque et 1 infection non contrôlée). L'âge médian était de 67,5 ans ; 76,7 % des patients avaient un Ki67 ≥ 30 %, 30 % avaient un MIPI élevé, 33,3 % avaient été autogreffés, et 100 % avaient reçu des iBTK. Sur les 48 patients traités, 42 ont reçu un traitement d'attente, soit à base de rituximab (64,3 %), soit avec chimiothérapie (57 %), soit par iBTK (26 %), soit par IMiD (14 %). L'évaluation pré-injection montre 45,3 % de patients en réponse, dont 14,3 % RC. Le délai médian entre la commande et la ré­­injection est de 56 jours (35-134). Avec un suivi médian de 6 mois (3,3-6,2), le taux de réponse est de 87,2 %, avec 63,8 % de RC. La SSP médiane est de 6,3 mois (3,8-NA), la médiane de SG n'est pas atteinte (12,1-NA) et 8 patients sont décédés (6 pour progression, 1 pour SRC de grade 5, et 1 de choc septique à levure). Concernant la tolérance, 84,8 % des patients ont développé un SRC (dont 8,7 % de grade 3 et plus) et 52,2 % ont présenté une neurotoxicité, là encore principalement de grade 1-2 (8,7 % de grade 3 et plus). Bien que la SSP semble plus courte, cette étude du traitement par Kte-X19 dans le LCM chez des patients en vie réelle confirme les taux élevés de réponse déjà publiés dans l'étude ZUMA-2 (Wang et al., N Engl J Med 2020) et soutient son utilisation dans le LCM en traitement de 3e ligne.

Lymphome de Hodgkin : inhibiteurs de checkpoint en association

Les inhibiteurs de checkpoint (iCP) sont actuel­lement autorisés en monothérapie chez les patients atteints d'un lymphome de Hodgkin (LH) en rechute après autogreffe ou ayant reçu 2 lignes antérieures de traitement. Le pembrolizumab a été testé en association avec la chimiothérapie en 1re ligne et en rattrapage. En 1re ligne, 2 équipes ont rapporté l'évaluation de l'association pembro­lizumab + AVD (APVD). Les séries ont de petits effectifs et le suivi est court, mais les résultats sont très prometteurs.

Une première étude (Lynch R et al., abstr. 233) a testé le pembrolizumab 200 mg tous les 21 jours, associé à AVD de J1 à J15, chez des patients adultes avec un LH de stade I-IV naïfs de traitement. Le nombre de cycles dépendait du stade. Sur les 30 patients inclus, 73 % ont reçu 6 cycles. L'âge médian est de 33 ans ; 60 % des patients ont un stade III-IV. L'objectif principal de l'étude est la tolérance : on observe 6 effets indésirables graves, 5 neutropénies fébriles et 1 syndrome occlusif de grade 4 en lien avec un abcès, sans colite immunologique. Six patients ont manqué au moins 1 dose de pembrolizumab, le plus souvent en lien avec une cytolyse hépatique. Les effets immunologiques sont principalement des hépatites cytolytiques (67,3 % ALAT, 33 % ASAT) et éruptions cutanées (43 %), pour la majorité de grade 1-2. Concernant l'efficacité, le taux de réponse après C2 est de 100 %, dont 61 % de RC. 81 % des patients sont en RC en fin d'induction. Avec un suivi médian de 16,2 mois, la SSP à 1 an est de 96 % et la SG à 1 an est de 100 %.

La deuxième étude (Allen P et al., abstr. 231) suit un schéma un peu différent, avec pembrolizumab seul pour 3 cycles suivis de 2 à 6 cycles d'AVD selon le stade. Cette série compte 30 patients de 29 ans d'âge médian, dont 60 % de stade III-IV. L'objectif principal, qui est le taux de réponse après 3 cycles de pembrolizumab, est de 63,3 %, dont 37 % de RC. Avec un suivi médian de 33 mois, la SSP et la SG sont de 100 %.

Ces taux élevés de réponses ne sont pas superposables à ceux obtenus dans une population de personnes plus âgées avec comorbidités. L'étude NIVINIHO (Lazarovici J et al., abstr. 232) a inclus 64 patients, avec des données d'efficacité possibles pour 56 patients. Ceux-ci ont reçu 6 cycles de nivolumab 240 mg tous les 15 jours. Pour les patients en RC, le même traitement est poursuivi pour 18 cycles. Chez les patients en RP, un complément de traitement par vinblastine est adjoint en association. L'âge médian est de 75 ans. 77 % des patients ont un PS 0-1, 72,2 % avec stade avancé. Dans cette population, le taux de réponse en fin de traitement est de 46,4 %, avec 28,6 % de RC. La SSP médiane est de 9,5 mois. La toxicité est importante avec des effets indésirables de grade 3 ou plus, notamment des neutropénies et des sepsis, pour près de la moitié des patients. Ces effets indésirables sont responsables d'un arrêt du nivolumab chez 23,3 % des patients pendant la phase d'induction, et chez 25,5 % pendant la phase de consolidation.

LH en rechute : pembrolizumab + ICE bridge vers l'intensification

Dans les LH en R/R, le traitement de référence chez les patients éligibles est la chimiothérapie de rattrapage suivie d'une autogreffe. Chez les patients chimiosensibles, la SG à 5 ans est de 80 %. Toutefois, les traitements de rattrapage permettent l'obtention d'une RC dans seulement 50 % des cas. B. Locke (abstr. 229) a rapporté les bons taux de réponse de l'association pembrolizumab + ICE en traitement de rattrapage avant autogreffe. Le schéma de traitement consiste en 2 cycles de pembrolizumab 200 mg/kg à J1 associé à l'ICE, avant recueil de cellules souches, puis 1 cycle de pembrolizumab seul. Les patients en RC (Deauville ≤ 3) bénéficient de l'intensification. Les patients traités (n = 37 ; âge médian : 36 ans) ont reçu en majorité ABVD en 1re ligne. 39 % sont réfractaires primaires. Le taux de RC est de 86,5 % ; 95 % des patients ont reçu l'intensification. La SSP est de 88,2 % à 2 ans, avec une SG de 95,1 % à 2 ans. La tolérance est celle attendue dans ce contexte, avec principalement une toxicité hématologique, des troubles ioniques et une mucite. Le recueil de cellules souches n'est pas affecté, comme la reconstitution hématopoïétique post-greffe. Un événement indésirable immunologique a conduit à l'arrêt du pembrolizumab. Toutefois, 2 décès sont à noter : un arrêt cardiaque pendant la cytaphérèse et un syndrome de détresse respiratoire aiguë sur prise de greffe. L'amélioration de la réponse prégreffe grâce à cette association est à confirmer sur une cohorte plus importante.

Les iCP avancent dans les lignes de traitement du LH avec des résultats prometteurs et viennent concurrencer les traitements à base de brentuximab ­vedotin dans cette indication.

Lymphome T

Aza-CHOP en traitement de 1re ligne dans les LNH-T avec phénotype TFH

Une équipe américaine (Ruan J et al., abstr. 138) a communiqué les données d'une étude de phase II associant azacitidine orale + CHOP chez des patients atteints d'un lymphome T périphérique (PTCL). En effet, les PTCL avec phénotype TFH sont caractérisés par des mutations récurrentes de régulateurs épigénétiques (TET2, DNMT3A, IDH2, RHOA). L'azacitidine, en inhibant une DNA méthyltransférase, modifie l'épigénétique et a déjà montré une efficacité en monothérapie et en combinaison. L'association CHOP + azacitidine oral (CC486) a été évaluée en traitement de 1re ligne chez 21 patients avec PTCL. Le CC486 est délivré à la dose de 300 mg/j de J–6 à J0, puis de J8 à J21 des cycles 1 à 5. Le CHOP est administré à J1 tous les 21 jours, pour 6 cycles. Les patients peuvent bénéficier d'une intensification avec autogreffe. Sur les 21 patients, 17 (81 %) ont une PTCL-TFH ; l'âge médian est de 66 ans ; la majorité des patients ont un stade III-IV, et 43 % ont un IPI à 3-5. La toxicité est comparable à celle du CHOP seul. Sur les 21 patients, 18 ont reçu les 6 cycles prévus, avec évaluation après C6 ; 8 sont restés en observation, 1 a reçu une allogreffe, et 9 une autogreffe. Le taux de RC est de 75 %, voire de 88 % si on s'intéresse aux PTCL-TFH. Avec un suivi médian de 21 mois, la SSP à 2 ans est de 65,8 % et la SG est de 68,3 %. On note dans cette série un impact du statut mutationnel avec des mutations TET2 corrélées à une meilleure SSP, tandis que les mutations DNMT3A sont plus défavorables. Cette association fait l'objet d'une nouvelle étude randomisée Aza-CHO(E)P versus duvélisib CHO(E)P versus CHO(E)P chez des patients avec PTCL en traitement de 1re ligne.

Lymphomes T intestinaux associés aux entéropathies (EATL) : vers une homogénéisation de la prise en charge

Les EATL sont des lymphomes T rares et graves, avec une SG à 2 ans de 20 à 40 % et une médiane de SG à 7 mois. Ces lymphomes expriment le CD30, les rendant potentiellement sensibles au brentuximab ­vedotin. L'étude française EATL-001 de phase II (Sibon D et al., abstr. 136) a évalué chez 14 patients l'association BV + CHP en induction, suivie de 2 cycles de VP16 méthotrexate, avant intensification par BEAM avec autogreffe. Chez tous ces patients, l'EATL est associé à une maladie cœliaque, le plus souvent non connue antérieurement. La majorité d'entre eux (79 %) a été diagnostiquée au décours d'une complication chirurgicale de type occlusion ou perforation, avec un OMS de 2-3 à la prise en charge initiale. Le taux de réponse après 4 cures de BV + CHP est de 79 %, avec 64 % de RC. La SSP à 2 ans est de 64 %, avec une SG à 64 %. Trois patients ont été réfractaires à l'induction. Chez les répondeurs, à 2 ans et 9 mois de suivi médian, il n'y a pas de rechute post-greffe. La tolérance du schéma BV + CHP est bonne, sans signal particulier dans cette population spécifique. Toutefois, 2 décès liés à une complication infectieuse sont survenus pendant la phase d'intensification, concernant des patients restant fragiles avec risque de complication digestive. Ce travail est la première étude prospective dédiée spécifiquement à cette pathologie, donnant des résultats prometteurs, avec un taux de réponse, une SSP et une SG meilleurs que ceux de la littérature. Un suivi prospectif de registre est envisagé chez ces patients.■

FIGURES

Lymphomes - Figure 1
Lymphomes - Figure 2
Lymphomes - Figure 3

Liens d'intérêt

J. Abraham déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche et Janssen.