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Altérations des gènes BRCA1 et BRCA2 en pratique clinique dans le cancer du sein : analyses constitutionnelles et tumorales


Recherche d’altérations constitutionnelles des gènes BRCA1 et BRCA2

Les consultations d’oncogénétique ont vu le jour au début des années 90. Très rapidement, avec l’identification de gènes de prédisposition au cancer de plus en plus nombreux, avec en particulier le gène BRCA1 en 1994 et le gène BRCA2 en 1995, les enjeux des tests constitutionnels proposés aux personnes se sont dessinés et ont guidé le déroulement de la démarche oncogénétique.

1- L’enjeu individuel d’abord, avec la mise en place de stratégies de surveillance, voire de chirurgies de réduction de risque, définies en fonction de la nature du risque associé à la présence d’une altération causale. Pour les femmes porteuses d’une altération – ou variant pathogène – de BRCA1 ou BRCA2, il est recommandé, en résumé, une surveillance mammaire annuelle par IRM, mammographie et échographie à partir de 30 ans, de discuter de l’option de mammectomie prophylactique et de recommander une annexectomie prophylactique à 40 ans [1].

2- L’enjeu familial ensuite, avec la mise en place de tests génétiques ciblés sur l’altération identifiée chez le cas index pour l’ensemble des apparentés désireux de connaître leur statut vis-à-vis de ce facteur de risque. 

Depuis 2017, grâce à l’arrivée du séquençage haut débit, les analyses constitutionnelles de BRCA1 ou BRCA2 sont réalisées dans un panel de gènes de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire (panel « HBOC » pour Hereditary Breast and Ovarian cancer) parmi lesquels on retrouve aussi, selon les recommandations du Groupe Génétique et Cancer (GGC-Unicancer), les gènes PALB2, TP53, RAD51C, RAD51D, CDH1, PTEN, MLH1, MSH2, MSH6, PMS2 et EPCAM[2].

Les analyses constitutionnelles sont proposées à des personnes qui ont une histoire personnelle ou familiale évocatrice d’une situation de prédisposition et donc d’une altération de l’un de ces gènes. Historiquement, ils correspondent aux situations dont la probabilité d’identifier une altération génétique est d’au moins 10%. Les capacités de tests augmentant, les critères tendent à s’élargir. On retient comme critères communément utilisés aujourd’hui par les consultations d’oncogénétique les critères suivants : 

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Mais depuis un peu plus de 5 ans, de nouvelles indications d’analyses constitutionnelles sont apparues dans un but théranostique puisque la présence d’une altération de BRCA1 ou BRCA2 va, dans certains cas, permettre la prescription d’un inhibiteur de PARP (PARPi). Ce nouvel enjeu a conduit à mettre en place des circuits de consultations et d’analyses constitutionnelles urgents en complément des circuits d’analyse théranostique appliqués au matériel tumoral. 

Dans une situation idéale, ces circuits devraient être activés dans toutes les situations où l’identification d’une altération constitutionnelle de BRCA1 ou BRCA2 permettrait la prescription d’un inhibiteur de PARP. Ils devraient comprendre :

  • Une consultation de génétique rapide (moins de deux mois le plus souvent) réalisée par un généticien ou un conseiller en génétique au cours de laquelle les enjeux et les limites du test sont expliqués ;
  • Le recueil d’un consentement signé par le patient et la prescription d’un test génétique constitutionnel ;
  • Une analyse à partir de l’ADN extrait d’un prélèvement de sang avec une confirmation possible à partir d’un second prélèvement (souvent un frottis jugal réalisé en même temps que le prélèvement sanguin) en cas de variant pathogène identifié. L’analyse en elle-même doit être réalisée par le laboratoire dans un délai compatible avec la prescription du PARPi ;
  • Une consultation de restitution de résultat dans les meilleurs délais avec transmission du résultat à l’oncologue.

En pratique, la mise en place de ces circuits de génétique constitutionnelle n’est pas toujours possible ou compatible avec les délais de prise en charge en oncologie, du fait d’un manque de disponibilité des équipes d’oncogénétique en particulier, et les circuits d’analyses tumorales peuvent être préférés par les oncologues qui ont la possibilité de prescrire directement ces analyses à visée théranostique.

Analyses tumorales des gènes BRCA1 et BRCA2

La détection de variants pathogènes des gènes BRCA1 ou BRCA2 n’est plus du seul ressort de l’oncogénétique. En effet rappelons que l’étude tumorale des gènes BRCA1 ou BRCA2 permet la détection de variants pathogènes, qu’ils soient constitutionnels ou somatiques, c’est-à-dire acquis au cours de la transformation tumorale. Alors que pour les cancers de l’ovaire, certains PARPi sont prescrits en cas de variants pathogènes d’origine somatiques ou constitutionnelle, pour les cancers du sein leur prescription (talazoparib, olaparib), est aujourd’hui restreinte aux patientes porteuses d’un variant constitutionnel. Ces 2 molécules sont actuellement autorisées dans le traitement du cancer du sein avancé HER2 négatif. 

L’expérience acquise par les laboratoires de génétique tumorale dans les cancers de l’ovaire, notamment grâce à l’essai PAOLA01, a montré que la recherche d’altération des gènes BRCA1 ou BRCA2 dans les blocs tumoraux fixés dans le formol et inclus en paraffine (FFPE pour Formalin Fixed paraffin embedded) est fiable et compatible avec les délais de prise en charge clinique [3]. En effet, les progrès du séquençage haut débit permettent aujourd’hui de rapporter dans un délai de 4-6 semaines des variants dont la fraction allélique est d’au moins 5 % et des réarrangements de grande taille sur de l’ADN fragmenté issu de prélèvements FFPE sans risque de faux-négatif dès lors que le prélèvement comprend au moins 20 % de cellules tumorales. Malgré l’obligation de séquençage de près de 20kb pour couvrir toute la séquence codante de ces 2 grands gènes suppresseurs de tumeur, le taux de non-contributivité pour ces analyses, d’environ 6 %, n’est pas plus élevé que celui observé pour la recherche d’altérations hotspots d’oncogènes tels qu’EGFR ou KRAS. Ainsi, s’il semble évident que les oncologues prenant en charge les femmes atteintes de cancers de l’ovaire demandent en première intention le statut BRCA1 et BRCA2 tumoral en vue de prescrire un PARPi, il en est de même pour les oncologues-sénologues alors même que la prescription des molécules dont ils disposent actuellement est conditionnée uniquement par la présence d’un variant constitutionnel. C’est l’existence même de ce circuit “BRCA tumoral” qui explique ce choix. Notons que l’Institut National du Cancer (INCa) va dans ce sens, tout en distinguant deux situations selon que la patiente atteinte d’un cancer du sein présente ou non des critères individuels ou familiaux évocateurs d’une prédisposition génétique [4]. Quelle que soit la situation, le délai d’examen complet des gènes BRCA1 et BRCA2 ne doit pas excéder 9 semaines en situation standard et est réduit à 4 semaines si la patiente est au-delà de la première ligne de traitement.

Les enjeux prédisposition et théranostiques se recouvrant partiellement, deux situations sont identifiées en cas d’indication théranostique.

  • Situation A : la patiente ne présente pas de critères individuels ou familiaux évocateurs d’une prédisposition génétique : prescription d’un test tumoral en première intention.

1)L’oncologue informe la patiente sur la portée familiale possible des tests génétiques tumoraux BRCA1 et BRCA2 et lui remet une note d’information ;

2)L’oncologue prescrit un examen complet des gènes BRCA1 et BRCA2 sur un prélèvement tumoral ;

3)En cas de positivité du test tumoral (variant pathogène ou probablement pathogène de BRCA1 ou BRCA2), une consultation d’oncogénétique est organisée en urgence pour réaliser une analyse constitutionnelle ciblée sur le variant détecté par l’analyse tumorale ;

4)L’oncogénéticien informe la patiente du résultat du test constitutionnel et le transmet à l’oncologue qui prescrira le PARPi.

Si l’analyse tumorale est non interprétable, elle doit être renouvelée sur un autre prélèvement tumoral ou sur le sang pour analyse de BRCA1 et BRCA2 constitutionnelle complète (dans le cadre de l’analyse du panel HBOC).

  • Situation B : la patiente présente des critères individuels ou familiaux évocateurs d’une prédisposition génétique au cancer : prescription d’un test constitutionnel en première intention.

1)L’oncologue demande une consultation d’oncogénétique en urgence pour sa patiente ;

2)Une analyse de génétique constitutionnelle des gènes BRCA1 et BRCA2 est systématiquement proposée, soit complète et étendue aux autres gènes (panel HBOC), soit ciblée sur le variant pathogène BRCA1 ou BRCA2 identifié dans la tumeur le cas échéant ;

3)L’oncogénéticien informe la patiente du résultat de l’analyse constitutionnelle et met en œuvre les mesures de prévention et de suivi adéquate pour celle-ci et ses apparentés. Il transmet le résultat à l’oncologue qui pourra prescrire un PARPi.

Les résultats de l’étude OlympiA récemment publiés [5] pourraient bousculer cette organisation mise en place depuis quelques années pour le cancer de l’ovaire et le cancer du sein métastatique. En effet, le nombre de patientes qui va désormais devoir bénéficier d’une analyse constitutionnelle des gènes BRCA1 et BRCA2 risque de significativement augmenter car il va s’étendre aux cancers du sein HER2 négatif de stade précoce. À moins de complètement repenser le déroulement de la démarche oncogénétique, les consultations ne vont pas pouvoir absorber l’ensemble des prescriptions de ces analyses constitutionnelles. D’autre part, la prescription d’une analyse tumorale à plus grande échelle à partir d’un prélèvement tumoral mammaire dont l’accessibilité n’est pas toujours évidente pourrait conduire à vouloir simplifier les circuits en réalisant les analyses à partir d’un prélèvement sanguin plus facilement accessible. Ainsi, la prescription des analyses constitutionnelles des gènes BRCA1 et BRCA2 pourraient être faite par les oncologues directement, qui devraient alors aussi se charger de recueillir le consentement éclairé des patientes et de les informer des enjeux du test notamment pour les apparentés. Ce nouveau circuit nécessiterait :

  • de s’assurer de la bonne transmission d’une information sur les enjeux des tests génétiques aux patientes. Des supports d’information différents (papier, vidéos, hotline téléphonique des équipes d’oncogénétique) pourraient être proposés ;
  • de s’assurer que la transmission d’un résultat BRCA1 ou BRCA2 positif à l’oncologue entrainera un contact systématique entre la patiente concernée et la consultation de génétique partenaire de l’oncologue ;
  • de s’assurer que les patientes sans altération identifiée mais avec une histoire individuelle ou familiale évocatrice d’une prédisposition génétique sous-jacente soient orientées systématiquement en consultation de génétique (la prescription d’une analyse des autres gènes du panel HBOC par un généticien ou un conseiller en génétique pourrait être indiquée).

Nous sommes bien conscients que c’est l’accessibilité et l’efficience des circuits locaux constitutionnel ou tumoral qui déterminera les pratiques.

En conclusion, l’arrivée des PARPi a bousculé les circuits traditionnels de prescription des analyses constitutionnelles des gènes BRCA1 et BRCA2 et déclenché la mise en place de circuits d’analyses tumorales. La convergence de ces circuits ne peut être que bénéfique pour une prise en charge optimale des patientes dans des délais contraints. 

Les indications de tests constitutionnels et tumoraux sont précises et il ne semble pas justifié de les élargir, alors que certains voudraient que les tests constitutionnels soient proposés à toute personne qui le souhaiterait. En effet, du fait de l’existence de facteurs modificateurs des risques tumoraux encore en cours d’identification, il n’y a pas aujourd’hui d’estimations fiables des risques individuels des femmes de la population générale porteuses d’une altération de BRCA1 ou BRCA2. Il n’est pas certain que la prise en charge d’une femme indemne et sans histoire familiale doit être identique à celle recommandée aux femmes présentant des antécédents familiaux.

Que les analyses moléculaires envisagées soient constitutionnelles ou tumorales, elles doivent être réalisées par des laboratoires experts et qualifiés. Lorsqu’une analyse tumorale est réalisée en première intention, il est important d’avoir en tête que si une altération de BRCA1 ou BRCA2 est identifiée, elle est d’origine constitutionnelle dans 75 à 80 % des cas [6]. Une information préalable au test par le prescripteur est donc indispensable. Des tests de qualité doivent être proposés à des personnes informées et accompagnées.

Nous remercions le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet et le Pr Ivan Bièche pour la relecture de l’article.


Références

1. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Synthese-Femmes-porteuses-d-une-mutation-de-BRCA1-ou-BRCA2-Detection-precoce-du-cancer-du-sein-et-des-annexes-et-strategies-de-reduction-du-risque 

2. Moretta J et al. Recommandations françaises du Groupe Génétique et Cancer pour l’analyse en panel de gènes dans les prédispositions héréditaires au cancer du sein et de l’ovaire. Bull Cancer 2018;105:907-17.   

3. Callens C, Vaur D, Soubeyran I et al. Concordance between tumor and germline BRCA status in high-grade ovarian carcinoma patients in the phase III PAOLA-1/ENGOT-ov25 Trial. J Natl Cancer Inst 2021;113(7):917-23. 

4. https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Inhibiteurs-de-PARP-preconisations-pour-un-parcours-en-genetique-oncologique 

5. Tutt A et al. Adjuvant olaparib for patients with BRCA1- or BRCA2-mutated breast cancer. N England J Med 2021;384(25):2394-2405. 

6. Riaz N et al. Pan-cancer analysis of bi-allelic alterations in homologous recombination DNA repair genes. Nat Commun 2017;8:857.


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