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Tucatinib : et si une désescalade thérapeutique par tucatinib-trastuzumab était possible ?


Le tucatinib, un puissant inhibiteur sélectif de HER2 est actuellement à l’honneur depuis la publication des résultats de HER2Climb.

Dans l’étude HER2Climb (figure 1), le tucatinib + trastuzumab + capécitabine a démontré une amélioration statistiquement significative de la survie sans progression (SSP) et de la survie globale (SG) sur trastuzumab plus capécitabine, avec un profil de tolérance comparable, pour les patientes HER2+ mBC avec et sans métastases cérébrales. Ce résultat est d’autant plus important que les analyses en sous-groupes présentées en session poster à l’ESMO 2020 par Bachelot et al. [1] ont montré que le bénéfice en SSP était retrouvé dans tous les sous-groupes de patientes avec métastases cérébrales, qu’elles soient actives ou stables, prétraitées ou non. Pour les patientes avec métastases cérébrales, la SSP à 12 mois et la SSP médiane passait de 5,3 à 22 % et de 4,1 mois à 7,5 mois respectivement avec l’adjonction de tucatinib (HR = 0,45 ; IC95 : 0,33-0,62 ; p < 0,001) (figure 2).

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En ce qui concerne la SG, la tendance est en faveur du tucatinib dans l’ensemble des sous-groupes et statistiquement significative en cas de métastases cérébrales actives (HR = 0,40 ; IC95 : 0,30-0,80) (figure 3). L’adjonction de tucatinib réduit de 50 % le risque de développer de nouvelles lésions cérébrales ou de décès avec une médiane de survenue de nouvelle métastases cérébrales retrouvée à 11,7 mois dans le groupe placebo et non atteinte dans le groupe tucatinib (HR = 0,52 ; IC95 : 0,33-0,82 ; p = 0,005). 

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À l’ESMO 2020 ont été rapportés les résultats en qualité de vie liée au soins (QVLS) [2]. Les problèmes modérés, graves ou extrêmes étaient faiblement rapportés et équilibrés entre les 2 bras de traitement. Aucune différence cliniquement significative de la QVLS n’a été observée suite à l’adjonction du tucatinib. En plus d’améliorer de manière statistiquement significative la SSP et la SG, l’association tucatinib + capécitabine + trastuzumab n’induit pas d’altération de la QVLS. Cependant, restons prudents sur l’interprétation de ces résultats en qualité de vie, avec des effets indésirables qui sont non négligeables (tableau I).

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Et si le tucatinib seul associé au trastuzumab était efficace sans devoir être associé à la capécitabine ? C’est la question posée par O. Metzger Filho et al. dans Annals of Oncology en septembre 2020 avec cet essai de phase I d’escalade de dose du tucatinib en combinaison avec le trastuzumab, sans chimiothérapie, chez des patients présentant des métastases cérébrales HER2-positives nouvellement diagnostiquées ou progressives et mesurables [3]. Selon un schéma d’escalade de dose 3 + 3, l’étude a testé 2 schémas de tucatinib en continu : en prise deux fois par jour (cohorte A) ou une fois par jour (cohorte B). L’objectif principal était de déterminer la dose maximale tolérée (DMT) pour chaque cohorte. Les objectifs secondaires comprenaient la réponse objective (intracrânienne et extracrânienne) en utilisant les critères RECIST modifiés (critères RANO non encore pibliés lors de l’élaboration de l’étude), le taux de bénéfice clinique (CBR) et la tolérance.

Au total, 41 patients ont été recrutés (cohorte A, n = 22 ; cohorte B, n = 19). Les patients avaient en médiane deux traitements antérieurs pour un cancer du sein métastatique et 83 % avaient progressé après une radiothérapie cérébrale antérieure. La DMT de tucatinib était de 300 mg deux fois par jour pour la cohorte A (identique à la dose de HER2Climb) et de 750 mg une fois par jour pour la cohorte B. Les toxicités limitantes les plus courantes comprenaient la thrombocytopénie et l’élévation des transaminases. En parallèle, était observée une nette diminution des effets indésirables imputables à la capecitabine comme la diarrhée, la mucite, le syndrome main-pied et les vomissements (tableau II).

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Des réponses intracrâniennes ont été observées chez deux des 17 (12 %) patients de la cohorte A et chez un des 17 (6 %) patients de la cohorte B traités à la DMT (figure 3). Dans la cohorte A et B, la CBR à 16 semaines était de 35 % (n = 6) et de 53 % (n = 9) respectivement. Sur les 15 patients avec une CBR à 16 semaines, neuf patients (53 %) avaient déjà reçu du lapatinib, 3 patients (18 %) avaient déjà reçu du lapatinib et du nératinib, et tous avaient progressé après une irradiation cérébrale. La SSP médiane parmi les patients traités à la MTD dans les cohortes A et B était de 3,4 mois (IC95 : 1,6-11,0) et de 4,1 mois (IC95 : 2,8-4,4), respectivement. Le SG médiane pour la cohorte A était de 9,1 mois (IC95 : 3,6-24,1) et pour la cohorte B était de 17,9 mois (IC95 : 8,3-30,3).

Les résultats en SSP et SG sont difficilement comparables aux résultats de HER2Climb car la population d’étude est ici restreinte aux patients avec métastases de novo ou progressives (59,8 % de la population HER2Climb). Cependant, les résultats de la cohorte B (750 mg par jour) se rapprocheraient de ceux de HER2Climb en SG malgré une population d’étude avec un pronostic plus défavorable. Mais aucun test statistique de comparaison entre les 2 bras d’étude n’a été réalisé et le délai médian entre le diagnostic initial de métastases cérébrales et d’entrée dans l’étude était numériquement plus longue dans la cohorte A (33,9 mois dans la cohorte A contre 26,9 mois dans la cohorte B). Cette augmentation apparente de la SG pourrait être le résultat de caractéristiques de population initiales non équilibrées. Et par extension, aucune conclusion ne peut être tirée en l’absence de bras comparateurs quant à la superiorité ou à la non-infériorité d’un schéma d’administration par rapport à l’autre.

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Dans tous les cas, l’association du tucatinib et du trastuzumab montre un profil de tolérance acceptable, ce qui était l’objectif principal de cette phase I et a démontré des preuves préliminaires d’efficacité chez les patients présentant des métastases cérébrales HER2-positives. Par la suite, toute la question sera de savoir quel sera le traitement de référence en troisième ligne thérapeutique pour les patientes sans métastases cérébrales, avec métastases stables, avec métastases actives et avec progression cérébrale isolée : trastuzumab-deruxtecan, trastuzumab-capecitabine-tucatinib ou trastuzumab-tucatinib… La suite au prochain épisode.


Références

1. Bachelot T al, ESMO 2020, abstr. 239P.

2. Mueller V et al, ESMO 2020, abstr. 275O.

3. Metzger Filho O et al. Phase I dose-escalation trial of tucatinib in combination with trastuzumab in patients with HER2-positive breast cancer brain metastases. Ann Oncol 2020;31:1231-9.


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