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KRAS, le nouveau challenge de la médecine de précision


Les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) représentent environ 12 % des cancers dans le monde. Cette revue (1) s’est focalisée sur les CBNPC KRAS-mutés, représentant environ 30 % des CBNPC dans la population occidentale, qui sont associés à une moins bonne survie.

KRAS est une protéine membranaire codée par le gène RAS. Lorsque KRAS est dans sa forme active, il promeut différentes voies de signalisation permettant la prolifération et la survie cellulaire dont les plus importantes sont : RAF/MEK/ERK ; PI3K/AKT/mTOR ; RALGDS/RAL et TIAM1/RAC. Les mutations de KRAS surviennent au niveau des codons 12 (80 %) ; 13 et 61 et sont plus fréquentes dans les adénocarcinomes bronchiques et chez des patients fumeurs, sauf la KRAS G12D. Ainsi, une mutation KRAS G12C correspond à une substitution ponctuelle de la glycine par la cystéine au niveau du codon 12.

Les mutations KRAS sont généralement mutuellement exclusives des autres drivers oncogéniques. Cependant, il existe d’autres mutations concomitantes comme TP53 (40 %) et STK11 (12-20%). Certaines comutations se retrouvent plus fréquemment associées à un type de mutation KRAS comme l’amplification ERBB2 et mutations ERBB4 avec KRAS G12C ou mutations PTEN avec KRAS G12V.

Les CBNPC KRAS-mutés semblent avoir une expression de PD-L1 plus élevée, probablement due aux mutations TP53 concomitantes ou au tabagisme, et également une charge mutationnelle plus importante. Ceci peut être une explication au fait que les patients atteints de CBNPC KRAS-mutés répondent mieux à l’immunothérapie que ceux non mutés avec une survie sans progression de 14,7 et 3,5 mois, respectivement, avec le pembrolizumab. Cependant, en présence d’une comutation STK11/LKB1, la réponse à l’immunothérapie semble moins bonne.

Quelles sont donc les stratégies d’inhibition des mutations KRAS ?

1)Les stratégies ayant échoués

a.Inhibiteurs farnésyl transférase

Au lieu d’inhiber directement KRAS, ces inhibiteurs interfèrent avec l’association de KRAS aux lipides de la membrane cellulaire en empêchant sa prénylation. Malheureusement les résultats prometteurs in vitro et dans les modèles murins, n’ont pas été retrouvés chez l’homme. Notamment à cause d’une voie annexe de prénylation, la géranylgéranyltransférase de type 1. Le salirasib a donc été développé pour inhiber ces 2 voies, mais n’a montré aucun résultat en phase II.

b.Inhibition des médiateurs des voies de signalisation clés de KRAS

  • La voie RAF/MEK/ERK

Les inhibiteurs de RAF actuels ne se lient qu’à certains dimères de RAF et surtout engendrent une activation paradoxale de cette voie de signalisation dans les cellules non mutées BRAF. Cette stratégie n’a pas été tentée dans les CBNPC KRAS mutés.

L’inhibition de MEK par des anti-MEK en monothérapie n’a pas montré de bénéfice clinique à cause d’une activation de ERK par une voie alternative ERBB3 et FGFR1. Ainsi, les inhibiteurs de MEK ont été couplés au docétaxel (pour leur effet synergique) sans succès. De même, une étude testant l’association d’un anti-MEK avec un anti-EGFR a été stoppée pour toxicité.

Ainsi, l’inhibition directe de ERK pourrait éviter l’hyperactivation par des voies alternatives. Cependant, des résistances apparaîtront à la moindre mutations d’un acide aminé dans le motif DFG de ERK. Cette piste n’a donc pas été plus développée.

L’abemaciclib (inhibiteur CDK4/6) avait montré des résultats encourageants in vitro et en phase précoce, qui n’ont pas été confirmés dans une étude phase 3 en association à l’erlotinib.

Le défactinib (inhibiteur de la Focal Adhesion Kinase) a montré son efficacité dans des modèles précliniques. Dans une étude de phase II chez des patients lourdement prétraités (médiane de 4 lignes), les résultats étaient plus modestes avec une SSP médiane de 1,5 mois.

  • La voie PI3K/AKT/mTOR

Bien que des inhibiteurs pan-PI3K ou anti-PI3K/mTOR combinés empêchaient la prolifération cellulaire in vitro, l’effet était très limité in vivo chez des patients. Une combothérapie d’un inhibiteur anti-PI3K à un anti-MEK a montré une toxicité trop importante.

2)Les stratégies prometteuses

La protéine SHP2 (Src Homology 2 domain-containing PTP2) joue un rôle important dans l’activation de cette voie. Étrangement son inhibition semble non efficace in vitro, mais montre des résultats prometteurs dans des modèles précliniques in vivo.

Les inhibiteurs de PARP en association aux inhibiteurs WEE1 permettent de détruire 25 à 40 % des cellules de CBNPC KRAS mutés in vitro. Des essais in vivo et chez l’homme devront être réalisés.

Bien qu’il soit dangereux d’inhiber directement KRAS par son rôle crucial physiologique dans toutes les cellules de l’organisme, il est possible de chercher à cibler uniquement la protéine KRAS mutées. C’est ce qui a été entrepris avec la mutation KRAS G12C, mais les premiers inhibiteurs spécifiques n’étaient pas assez efficaces. Depuis, 2 molécules font parler d’elles : le sotorasib (AMG150) et l’adagrasib (MRTX849). À l’ESMO 2020 des mises à jour concernant l’essai de phase I-II CodeBreak 100 (2) évaluant le sotorasib dévoilaient un taux de réponse objective de 32,2 % (que des réponses partielles) et un taux de contrôle de la maladie de 88,1 %. Le profil de tolérance de la molécule était bon avec 18 % de grade 3-4, tous réversibles. Actuellement, un essai de phase II (CodeBreak 200) évaluant le sotorasib en association au docétaxel est en cours. Concernant l’adagrasib, dans l’essai de phase I-II KRYSTAL-1 (3), il permet d’obtenir une réponse objective et un contrôle de la maladie dans 45 et 96 % des cas, respectivement. Le profil de tolérance révélait 30 % de grade 3-4 et 2 % de grade 5. À noter qu’en cas de comutation KRAS G12C avec STK11, l’adagrasib permet d’obtenir une réponse objective de 64 %.

3)Les stratégies futures

D’autres molécules ciblant KRAS G12C sont en cours d’essai de phase I comme le JNJ-74699157, le GDC-6036 et le LY3499446, voire même un pan-mutation KRAS nommé BI-1701963.

Des combinaisons d’immunothérapie avec le sotorasib ou l’adagrasib pourraient permettre de modifier le microenvironnement tumoral immunosuppresseur voire de permettre aux tumeurs comutées KRAS et STK11/LKB1 de répondre à l’immunothérapie.

La combinaison d’inhibiteurs de KRAS G12C ou MEK avec des inhibiteurs SHP2, dont 2 sont en évaluation dans des essais de phase I-II : TNO155 et RMC-4630.

Et bien entendu, l’inhibition par 3 traitements différents jouant sur différentes voies de signalisation de KRAS.

Ce que cet article apporte à ma pratique :

  • Les mutations KRAS, jusque-là non accessibles à une thérapie ciblée, font l’objet d’un regain d’intérêt avec différentes stratégies d’inhibition.
  • Il est important de proposer aux patients l’inclusion dans des essais randomisés de phase III.
  • Importance de la recherche de comutations lors de la découverte d’une mutation KRAS, que ce soit pour guider l’indication à une immunothérapie voire pour les futurs traitements ciblés.


Références

1. Burns TF et al. Targeting KRAS-Mutant non-small-cell lung cancer : One mutation at a time, with focus on KRAS G12C mutations. JCO 2020 oct 26; https://doi.org/10.1200/JCO.20.00744

2. Hong DS et al. Durability of clinical benefit and biomarkers in patients (pts) with advanced non-small cell lung cancer (NSCLC) treated with AMG 510 (sotorasib). Ann Oncol 2020;31(suppl_4):S754-S840. doi:10.1016/j.annonc.2020.08.1571

3. Janne PA et al. KRYSTAL-1: activity and safety of adagrasib (mrtx849) in advanced/metastatic non–small-cell lung cancer (NSCLC) harboring KRAS G12C mutation. Presented at: ENA 2020 EORTC NCI AACR 32nd Symposium; October 24-25, 2020 ; abstr. LBA-03.


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