Éditorial

COMPASS : un bouleversement dans la prise en charge de la maladie athéromateuse


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Les résultats récents de l'essai COMPASS donnent à plusieurs égards un nouvel élan dans la prévention secondaire. Cet essai de plus de 27 000 patients ayant une maladie coronaire ou une artériopathie chronique a comparé le rivaroxaban à faible dose (2,5 mg × 2 associé à l'aspirine, ou 5 mg × 2 seul) à l'aspirine seule pour réduire les événements cardiovasculaires. L'essai a été prématurément arrêté après un suivi moyen de 1,8 an, pour nette supériorité de l'association rivaroxaban-aspirine, avec notamment une réduction significative de 24 % du critère principal (décès, accidents coronaires et cérébraux), au prix d'un excès d'accidents hémorragiques (+0,7 % par an). Le bénéfice net incluant le critère principal et les hémorragies majeures est significativement en faveur de la bithérapie (HR = 0,79), comme en témoigne la réduction significative de la mortalité (−0,4 % par an). Aucun résultat probant n'a été obtenu avec le rivaroxaban seul (du moins dans la courte période de l'étude), ce qui souligne l'intérêt de l'association antithrombotique.

Ces dernières années, un nombre croissant d'études négatives nous a donné l'impression d'atteindre un “plafond de verre” dans la quête d'amélioration du pronostic de ces patients, et même les études positives n'ont pas démontré de réduction de mortalité. Le succès indéniable de COMPASS chez des patients bien traités par ailleurs (90 % sous hypolipémiants et 71 % sous IEC/ARA-2) devra changer le paradigme de la prise en charge de nos patients à plusieurs égards.

Nous prenons en charge les patients coronariens depuis 30 ans avec le “réflexe antiplaquettaire”, voire “double antiplaquettaire”, mettant au placard les anticoagulants, à la suite d'anciens essais révélant la futilité, voire le risque d'hémorragies sous antivitamine K à pleine dose. ATLAS 2 avait déjà démontré l'intérêt de l'adjonction de rivaroxaban 2,5 mg × 2 à la bithérapie antiplaquettaire en phase aiguë. COMPASS démontre pour la première fois la nette supériorité de la combinaison aspirine-rivaroxaban à “dose vasculaire” chez le coronarien stable, en agissant sur les 2 composantes de la thrombose.

Les résultats les plus probants concernent la maladie artérielle périphérique (artériopathie oblitérante des membres inférieurs [AOMI] ou atteinte carotidienne), traitée par aspirine et clopidogrel depuis les résultats d'un sous-groupe de l'essai “historique” CAPRIE, avec une qualité de prévention secondaire fort différente de nos jours. Récemment, l'essai EUCLID a été neutre en comparant le ticagrélor au clopidogrel. L'essai TRA-2P a montré l'intérêt du vorapaxar à réduire les événements “périphériques” (revascularisation et amputation), mais aux États-Unis où le traitement a obtenu son AMM, il n'a été que très faiblement prescrit. Ainsi, l'artériopathie a souffert d'un “désert” thérapeutique que vient de combler COMPASS. Non seulement le bénéfice chez les artériopathes est identique à celui des coronariens en termes de décès et d'accidents cardiovasculaires, mais on note aussi une réduction significative des événements périphériques (ischémie chronique, aiguë, et amputation), promettant une amélioration du pronostic vital et fonctionnel et de la qualité de vie de ces patients.

Reste à voir comment optimiser les résultats de cette bithérapie en limitant le plus possible les hémorragies. Il n'y avait pas d'excès de risque hémorragique cérébral durant la période de l'étude.
Le surrisque hémorragique est surtout digestif. COMPASS a un deuxième objectif, avec une randomisation parallèle, pour démontrer l'intérêt du pantoprazole chez ces patients. Cette partie de l'essai est toujours en cours. Rendez-vous fin 2018.


Liens d'intérêt

V. Aboyans déclare avoir des liens d’intérêts avec Amgen, Bayer, BMS, Novartis, Pfizer.