Éditorial

L'épidémie d'obésité n'est pas terminée…


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Depuis 20 ans, nous savons qu'il y a une véritable épidémie d'obésité dans le monde, qui touche non seulement les pays industrialisés, mais également, et de plein fouet, les pays émergents, qui connaissent une transition épidémiologique rapide. Il y a quelques semaines, le New England Journal of Medicine a publié une enquête épidémiologique américaine, établie à partir de 6 millions de sujets et d'un recul de 20 ans, qui projette que, en 2030, la moitié de la population adulte des États-Unis sera obèse (c'est-à-dire avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 30) et qu'un quart sera sévèrement obèse (avec un IMC supérieur ou égal à 35) [1]. Il y a des variations géographiques entre les États, avec, dans certains, une prévalence de l'obésité proche de 60 % de la population adulte.

Compte tenu des conséquences de l'obésité sur la santé, avec ses complications cardiovasculaires, métaboliques, respiratoires, ostéoarticulaires, et une prévalence accrue de cancer, ces résultats sont extrêmement inquiétants pour la santé publique aux États-Unis, mais ils sont également inquiétants pour le reste du monde, dont le mode de vie s'américanise rapidement. Ils appellent plusieurs observations :

  • L'obésité est une véritable maladie chronique, conséquence de l'interaction entre nos gènes, notre mode de vie et notre environnement. Elle n'est pas un inconvénient esthétique, elle est un handicap. Son importance ne doit pas être minimisée. Il ne suffit pas de répéter que nous devons manger moins et faire plus d'exercice. Il est encore pire de stigmatiser les obèses en insinuant qu'ils manquent tout simplement de volonté et de constance. Lorsque la moitié de la population est obèse, c'est que l'environnement dans lequel elle vit est “obésogène“. C'est d'autant plus inacceptable que nous savons que la prévalence de l'obésité est inégalement répartie, touchant plus souvent les catégories socioprofessionnelles défavorisées, les femmes et, aux États-Unis, les Afro-Américains.
  • La France est, dans une certaine mesure, moins affectée par l'épidémie d'obésité. Les dernières enquêtes, telles qu'ESTEBAN, suggèrent une prévalence actuelle d'environ 17 % chez les adultes et plutôt une évolution en “plateau” [2]. Les raisons de cette relative protection sont probablement multiples et ont trait au mode de vie et de déplacement (utilisation moindre de la voiture), au mode d'alimentation (alimentation en 3 repas structurés, limitation du snacking, portions de taille moindre qu'aux États-Unis), à la nature des aliments et une proportion d'aliments transformés moindre et à d'autres facteurs socioculturels. Mais nous n'avons aucune garantie de protection indéfinie, et il faut poursuivre une politique ambitieuse autour de programmes tels que le Programme national nutrition santé [3], et par exemple promouvoir vigoureusement, à l'échelle nationale et européenne, pour tous les aliments transformés, l'utilisation du Nutri-Score [4], score développé par l'équipe de recherche de S. Hercberg, et qui permet aux consommateurs de s'orienter en termes de choix alimentaires.
  • Lorsqu'un sujet sur 2 (aux États-Unis, demain) ou un sujet sur 6 (en France, aujourd'hui) est obèse, la prise en charge ne peut être du seul domaine du spécialiste. Elle doit impliquer tous les soignants et tout particulièrement les cardiologues, qui doivent s'investir dans les réseaux de soins alliant les multiples compétences (nutrition, diabétologie, diététique, chirurgie, réadaptation) nécessaires à l'accompagnement des sujets obèses ou à risque de le devenir.
  • Il est nécessaire de poursuivre les efforts de recherche sur la physiopathologie (depuis le microbiote jusqu'aux neurosciences) et la thérapeutique de l'obésité, pour proposer aux sujets obèses d'autres pistes de traitement que la chirurgie bariatrique, certes efficace, mais lourde, grevée de complications précoces et tardives et qui ne saurait être le traitement d'une affection présente à une telle échelle. De nouveaux traitements sont à découvrir et à tester rigoureusement. C'est un champ de recherche crucial pour la santé publique.

Références

1. Ward ZJ et al. Projected U.S. State-Level Prevalence of Adult Obesity and Severe Obesity. N Engl J Med 2019;381:2440-50.

2. https://urlz.fr/bRoD

3. https://www.mangerbouger.fr/PNNS

4. https://urlz.fr/beYU


Liens d'intérêt

P.G. Steg déclare avoir des liens d’intérêts avec Amarin, Bayer, Sanofi, Servier (bourses de recherche) ; Amarin, AstraZeneca, Bayer, Boehringer-Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Idorsia, Novartis, Pfizer, Sanofi, Servier (études cliniques) ; Amgen, Novo-Nordisk, Regeneron (orateur ou consultant).