Éditorial

La saga sclérose en plaques (SEP) : de nouveaux épisodes en attente


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L'art de l'éditorial est complexe. Tout autant que le choix de l'éditorialiste par la rédaction… Choisir un éditorialiste “mûr”, âgé, garantit des propos pondérés, dits d'expérience, mais qui peuvent parfois être pontifiants, dogmatiques, tellement loin du quotidien. Choisir un auteur trop “aux affaires”, défendant des convictions d'actualité, éloigne parfois du recul indispensable à l'exercice. Quel gageure d'être entre 2 âges ! Sans aucune retenue et même avec une certaine indécence et partialité, je m'autorise ces quelques lignes. Je suis ébloui par le travail des neurologues impliqués dans la SEP, appelés hideusement “SEPologues” !

Ces 20 dernières années, les SEPologues, pourtant peu nombreux, se sont organisés, ont découvert et ont traité leurs patients de façon moderne. À partir du terrain, dans chaque grande région, des réseaux de soins se sont créés grâce à la bonne volonté et à l'enthousiasme des neurologues. Leurs collègues de modalités d'exercices différents ont vite adhéré pour partager, apprendre et comprendre. C'est à partir de ce socle “terrain” devenu de plus en plus solide avec les années que des structures officielles et pérennes vont prendre le relais. Les 23 centres de ressources et compétences français vont coordonner la prise en charge de la SEP. La démarche est inhabituelle − du terrain aux structures −, l'inverse étant le plus souvent de mise !

Que dire d'EDMUS et de l'Observatoire français de la sclérose en plaques (OFSEP) ? Plus de 65 000 malades sont inclus dans la base de données la plus exigeante pour un suivi rigoureux des malades, pour un langage commun entre neurologues et, surtout, pour faciliter la recherche. L'OFSEP permet ces recherches, qu'elles soient cliniques, thérapeutiques, d'imagerie ou multicentriques. Et en plus ils découvrent ! La découverte de nouvelles maladies ou la remise en cause de concepts sont rares en neurologie. Les maladies du spectre de la neuromyélite optique (NMOSD) ont été identifiées puis inventoriées à partir de la découverte de biomarqueurs (1). Le syndrome clinique isolé (RIS) [2] ou la “SEP radiologique” isolée bouscule le principe sacré de la “dissémination dans le temps” et du début réel de la maladie. Cette identification a précipité la rédaction de nouveaux critères diagnostiques de la SEP (3), fondés sur le “au plus vite, au plus tôt, au plus simple”. En fait, les SEPologues s'échinent à vouloir dompter le temps ! Ils sont devenus des thérapeutes experts. Ils savent manier les médicaments à risques. Ils partaient de loin et ont donc appris à manier les thérapeutiques de l'ère moderne : ils maîtrisent les essais thérapeutiques, la pharmacovigilance, les RCP, le rapport bénéfice-risque, la stratification du risque, les effets rebonds à l'arrêt des traitements, les désirs de grossesse, le besoin de collaborer avec d'autres spécialistes.

Pourtant, malgré les réussites, les étapes à venir restent de hautes montagnes à gravir… et surtout aux extrêmes ! D'abord, repenser, voire penser, la phase “progressive” de la maladie. Nos connaissances sur sa progression restent parcellaires : sa physiopathologie, plus inflammatoire qu'on a bien voulu le dire et l'écrire, son évolution moins linéaire que décrite, son évaluation imprécise en quête de biomarqueurs pertinents et surtout son traitement. Les sociétés savantes internationales de SEP ont bien compris la priorité de l'enjeu en créant MS Alliance, dont l'objectif est de mettre à disposition des fonds importants pour les chercheurs sur ce thème. En amont, le “traiter très tôt” doit être évalué avec précision pour définir les stratégies de demain. Deux essais thérapeutiques contre placebo sont en cours dès le RIS. Appliquons enfin nos connaissances épidémiologiques sur les facteurs de susceptibilité à la maladie aujourd'hui repérés (tabac, MNI, virus d'Epstein-Barr et autres), qui doivent susciter des politiques de santé préventives à l'échelle de populations. Parallèlement, les facteurs modifiables pouvant infléchir l'évolution de la SEP méritent des études de niveau “essais thérapeutiques” pour mieux conseiller les patients, comme pour l'alimentation, l'exercice physique, la supplémentation vitaminique, etc. (4).

Comme c'est bon de faire l'éditorialiste ! Puisse mon enthousiasme pour cette époque exaltante dans le domaine de la SEP faire pardonner ma coupable subjectivité. Mais je suis certain que, dans tous les domaines de notre formidable neurologie, de nombreux éditorialistes militants de leur cause vont me succéder pour exprimer leur optimisme, leur enthousiasme et leur passion.

Références

1. Weinshenker BG, Wingerchuk DM. The two faces of neuromyelitis optica. Neurology 2014;82(6):466-7.

2. De Stefano N, Giorgio A, Tintore M et al. Radiologically isolated syndrome or subclinical multiple sclerosis: MAGNIMS consensus recommendations. Mult Scler 2018;24(2):214-21.

3. Thompson A, Banwell B, Barkhof F et al. Diagnosis of multiple sclerosis: 2017 revision of the McDonald criteria. Lancet Neurol 2018;17(2):162-73.

4. Coetzee T, Thompson A. When are we going to take modifiable risk factors more seriously in multiple sclerosis? Mult Scler 2017;23(4):494-5.


Liens d'intérêt

T. Moreau déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.