Éditorial

La dissociation : protection ou perte de raison


(pdf / 184,30 Ko)

Les définitions de la dissociation renvoient toutes à un mouvement de séparation, de rupture, de désagrégation, de disjonction, de désassociation. On observe chez les patients dissociés le mouvement inverse du processus d'association cérébrale continu entre cognitions, émotions, sensations, perceptions et mémoire. C'est en cela que consiste ce que l'on appelle la dissociation. Cette dernière, avant d'être un concept, de nouveau en vogue en ce début du XXIe siècle, est avant toute chose l'expression d'une souffrance majeure.

Pierre Janet et Sigmund Freud sont des auteurs importants dans le domaine du psychotraumatisme et de la dissociation traumatique. Les travaux du second se sont imposés trop longtemps au détriment de ceux du premier, injustement délaissés jusque dans les années 1980. À l'inverse, c'est la psychanalyse freudienne qui aujourd'hui perd du terrain au profit d'un regain d'intérêt pour Pierre Janet, dont on redécouvre et mesure la force contributive
dans ce domaine de la psychopathologie.

La théorie de la dissociation structurelle de la personnalité développée par Onno van der Hart propose un éclairage très intéressant. Les auteurs envisagent la dissociation comme une division de la personnalité en 2 ou plusieurs sous-systèmes à la suite d'une intégration insuffisante d'un événement traumatisant. Cette conception a été développée sur la base des travaux de Pierre Janet et de Charles Myers. Ce dernier distinguait déjà 2 sous-systèmes de personnalité ou parties dissociatives, qu'il avait observés chez des soldats lourdement traumatisés. Cette théorie permet d'expliquer les troubles d'origine traumatique, du plus simple, comme le trouble de stress post-traumatique (TSPT), au plus complexe, comme le trouble dissociatif de l'identité (TDI), en passant par le trauma complexe et les autres troubles dissociatifs ou de conversion. Cette théorie, encore mal connue en France, rencontre un large écho dans le champ de la psychotraumatologie.

Internationalement, on ne peut ignorer un nouvel engouement pour la dissociation, même s'il est timide au niveau de la psychiatrie française. Redécouverte majeure ou phénomène de mode ? En tous cas, on ne peut nier l'intérêt clinique de la dissociation dans le champ psychotraumatique. Les versions actualisées du DSM-5 (Diagnostic and statistical manual of mental disorders) et de la CIM-11 (Classification statistique internationale des maladies) ont tenu compte des évolutions de la recherche de ces 20 dernières années. Par principe critiqués, surtout en France, les nouveaux tableaux cliniques présentés sont pourtant de nature à faire évoluer les choses. Même si du chemin reste à faire, la dissociation et les troubles dissociatifs ne peuvent plus être ignorés par les psychiatres s'intéressant au psychotraumatisme.

Quelques distorsions et préjugés persistent sur les troubles dissociatifs. Alors, embarquons à bord de ce dossier “Dissociation et troubles dissociatifs” pour découvrir autrement ces territoires cliniques passionnants, et souvent mal connus, grâce à ces différents articles.

“Ce patient, il est dissocié !” On parle donc de schizophrénie !

Découvrez dans l'article “Concept et historique de la dissociation” pourquoi les Français font cette erreur pour désigner, en fait, le phénomène de désorganisation mentale.

Être dissocié, c'est pathologique !

Le concept de dissociation est riche : absorption dans l'imaginaire, mécanisme de protection face au trauma, dissociation structurelle de la personnalité…
Nous aborderons la diversité de ce phénomène d'altération de la conscience au quotidien et en psychopathologie.

Les troubles dissociatifs, c'est exceptionnel !

Non, ces troubles sont fréquents et concernent entre 10 et 30 % des patients consultant en psychiatrie, mais ils restent mal identifiés. Découvrez dans l'article “Clinique et diagnostic” comment mieux les diagnostiquer.

Ces troubles ne sont pas encore compris !

L'article “Physiopathologie des troubles neurologiques fonctionnels et de la dissociation : de l'implication des réseaux au ‘spectre dissociatif'” propose une mise au point très pédagogique sur l'état des connaissances relatives aux anomalies cérébrales sous-jacentes.

Il n'y a pas de traitement validé pour soigner les troubles dissociatifs.

L'article “La prise en charge de la dissociation” vous propose de vous guider à travers une stratégie thérapeutique en 3 étapes. Le traitement de ces troubles est captivant : il requiert à la fois d'en avoir une bonne compréhension et de développer une réflexion stratégique pour mener le mieux possible cette thérapie, qui peut être très intégrative et inventive.

Amnésie de son crime : dissociation ou simulation ?

Nos experts psychiatres apportent un éclairage très intéressant sur la problématique de la dissociation et des troubles dissociatifs au niveau médicolégal.

Le TDI, cela n'existe que dans les films américains !

C'est une idée reçue alimentée probablement par le sous-diagnostic de ces troubles et une mauvaise connaissance. Les études internationales avancent des prévalences se situant entre 1,5 et 5 %. Retrouvez un cas clinique passionnant… Et si une partie de nos patients aux antécédents psychotraumatiques lourds diagnostiqués avec une schizophrénie souffrait d'un TDI ? Question un peu dérangeante, mais pertinente.

Nous espérons que vous vous poserez peut-être plus souvent la question du diagnostic de trouble dissociatif après avoir lu ce dossier.

Bonne lecture !


Liens d'intérêt

C. Hingray et C. Tarquinio déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.