Éditorial

Psychiatrie de la personne âgée : enfin la reconnaissance


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L'année 2017 aura été marquée par la reconnaissance de la psychiatrie de la personne âgée (PPA) comme une surspécialisation à part entière. Cette reconnaissance, attendue depuis de nombreuses années, n'avait pu être obtenue lors de la précédente réforme du troisième cycle des études médicales. La publication au Journal officiel de l'arrêté du 21 avril 2017 relatif aux maquettes des DES qui officialise la création de l'option PPA a été le fruit d'une forte mobilisation de la discipline et de ses différents représentants. Ce fut un combat de haute lutte et toutes nos forces de conviction ont dû être mobilisées, avec détermination et persévérance. Dans son article intitulé “Histoire d'une reconnaissance officielle”, Alexis Lepetit, psychiatre et gériatre au sein de l'équipe mobile maladie d'Alzheimer (AMMA) à Villeurbanne, revient sur toutes les étapes qui ont jalonné ce qui s'apparente à une véritable saga à rebondissements multiples.

La France rejoint donc, enfin, la majorité des pays européens qui ont déjà différencié un parcours de formation spécifique pour les internes de psychiatrie. À titre d'illustration, Jean-Pierre Schuster, Dan Georgescu et Armin von Gunten, du service universitaire de psychiatrie de l'âge avancé (SUPAA) de Lausanne, présentent le modèle helvétique de structuration de la PPA, dont l'excellence est reconnue au niveau international. Ainsi, le SUPAA est l'unique centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en PPA et a joué un rôle clé dans l'élaboration d'un consensus sur les missions liées à la psychiatrie de l'âge avancé, édité conjointement par la section de PPA de la World Psychiatric Association et l'OMS.

Les arguments en faveur de la création d'une option spécifique ne manquaient pas : vieillissement de la population, prévalence élevée des troubles psychiatriques, inauguraux ou non, chez les sujets âgés dont la proportion ne cesse de croître au sein de nos files actives, spécificités cliniques et nécessité d'adapter nos stratégies de soins. Caroline Masse, Julie Giustiniani, Djamila Bennabi et Pierre Vandel, du service de psychiatrie adulte du CHRU de Besançon, ont ainsi choisi de décrire l'anxiété, entité diagnostique qui, chez le sujet âgé, peut revêtir différentes formes et requérir des approches thérapeutiques spécifiques.

Si 2017 a été l'année de la reconnaissance officielle de la PPA comme véritable surspécialisation de la psychiatrie, 2018 doit être celle qui inaugurera un projet ambitieux de structuration de l'offre de soins en PPA au niveau national. Déjà, en 2007, dans une circulaire relative à la prise en charge des troubles psychiatriques des personnes âgées, la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) soulignait : “L'accessibilité aux soins des sujets âgés présentant des troubles psychopathologiques paraît encore insuffisamment développée en France, classée par l'OMS en 18e position mondiale en termes de structures et d'organisation des soins en psychiatrie de la personne âgée.” De même, le Plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 stipulait  : “L'organisation d'une psychiatrie spécifique du sujet âgé, enjeu majeur de santé publique pour les années à venir au regard de l'augmentation des besoins, doit être davantage identifiée, coordonnée et développée dans ses modalités d'intervention et de formation de professionnels.” Or, aujourd'hui, force est de constater que beaucoup reste à faire pour rattraper notre retard et développer une offre de soins lisible, homogène, structurée et déclinée sur l'ensemble du territoire. Cette offre de soins dédiée devra faciliter l'accès aux soins psychiatriques des sujets âgés et lutter contre la double discrimination que représentent le vieillissement et le trouble mental. Parmi les dispositifs qui ont fait la preuve de leur pertinence par des interventions précoces, au plus près du patient âgé, au domicile ou au sein des établissements médicosociaux de type établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les équipes mobiles bénéficient aujourd'hui d'une politique de soutien et d'un développement qui, à terme, devrait permettre de couvrir l'ensemble du territoire national. Pierre Lavaud, Stéphanie Malvoisin et Benoît Houbin, impliqués dans différentes équipes mobiles de PPA en Île-de-France, détaillent leurs missions et les modalités pratiques d'organisation et d'interaction avec l'ensemble des partenaires impliqués.

Il s'agit là d'un aspect essentiel de l'offre de soins en PPA : la nécessité de fédérer les professionnels impliqués, qu'ils appartiennent au champ sanitaire, médicosocial ou associatif, en créant un espace d'information, de concertation et de diffusion des recommandations de bonne pratique, tout en assurant des missions hospitalo-universitaires de recherche, d'enseignement et de recours pour l'évaluation et la prise en charge des cas complexes. Cécile Hanon, Anne-Sophie Seigneurie et Nicolas Hoertel présentent le centre ressource régional de psychiatrie du sujet âgé (CRRPSA) d'Île-de-France, à ce jour unique infrastructure de ce type dans l'Hexagone qui assure l'ensemble de ces missions.

Un autre enjeu est la promotion des stratégies thérapeutiques innovantes, qu'il s'agisse des techniques de stimulation cérébrale, de la télémédecine, sous forme de téléconsultations et de télé-expertises, ou encore des approches psychothérapeutiques adaptées au sujet âgé. Margaux René, psychologue clinicienne au sein du CRRPSA, et Benoît Verdon, professeur de psychologie clinique et psychopathologie à l'université Paris-Descartes, abordent ce dernier aspect.

Pour conclure, la PPA, bien que tout nouvellement intronisée comme surspécialisation officielle de la psychiatrie, doit déjà relever des défis majeurs. L'option du DES est la clé de voûte de cette évolution, en formant spécifiquement une nouvelle génération de collègues qui auront l'opportunité de participer activement à l'essor d'une offre de soins ambitieuse et coordonnée au service de patients encore trop souvent délaissés et stigmatisés.



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L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.