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Épidémie de bronchiolite à VRS : de lourdes conséquences sur l'organisation des soins
Interview du Pr Etienne Javouhey


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  • Les bronchiolites dues au virus respiratoire syncytial (VRS) sont responsables d'un afflux de petits patients aux urgences pédiatriques au cours de la période automno-hivernale. Environ un tiers d'entre eux nécessite une hospitalisation. L'épidémie impose ainsi chaque année une réorganisation des services et des unités de soins intensifs pédiatriques. Une situation comparable à celle à laquelle sont confrontés les services adultes pour faire face à la pandémie de Covid-19, avec le report de soins médicaux et d'interventions chirurgicales non urgents et les conséquences de ces déprogrammations sur la santé des enfants, explique le Pr Etienne Javouhey.

On estime entre 200 000 et 250 000 le nombre d'enfants qui présentent chaque année une infection à VRS et qui viennent engorger le système de santé, les cabinets de ville et les urgences, mais aussi les services d'hospitalisation et les unités de soins intensifs. En effet, 25 à 30 % des nourrissons qui consultent aux urgences sont hospitalisés.

L'afflux de ce grand nombre de patients sur une période relativement courte, généralement de fin octobre à février, a de lourdes conséquences sur l'organisation des services de pédiatrie. Il faut augmenter la capacité en lits d'hospitalisation pour ces petits nourrissons, alors que les services sont déjà occupés par les patients souffrant d'autres pathologies, observe le Pr Javouhey.

Une situation de crise

La gestion des bronchiolites est un défi pour les structures hospitalières, qui doivent anticiper chaque année le début de l'épidémie, car il est impossible, pour la majorité des hôpitaux, de dégager en interne des personnels nécessaires pour accueillir cet excès de petits patients.

Au niveau médical, la prise en charge est le plus souvent assurée à effectif constant au prix d'un surcroît de travail pour les médecins, avec la nécessité de renforcer voire de doubler les gardes et d'augmenter les astreintes, précise le Pr Javouhey.

Pour les paramédicaux, cela n'est pas possible. Il faut absolument embaucher des infirmiers et des aides-soignants, alors que l'hôpital se heurte depuis quelques années à de grosses difficultés de recrutement, y compris en pédiatrie.

Cette situation de crise est anticipée par un plan élaboré en octobre et mis en œuvre généralement début novembre, puis suivi de façon très précise lors de réunions plurihebdomadaires visant à ajuster les besoins, à trouver des places et à établir les règles d'hospitalisation.

Déprogrammation des soins non urgents

L'afflux de nourrissons aux urgences, surtout dans les services d'hospitalisation et dans les unités de soins intensifs, impose une réorganisation des structures et la déprogrammation de nombreuses hospitalisations pour des interventions chirurgicales non urgentes et des bilans et traitements dans l'ensemble des services de spécialité (neurologie, néphrologie, pneumologie, etc.).

La situation que vit la pédiatrie chaque année est comparable à celle à laquelle sont confrontés les services adultes depuis le début de la pandémie de Covid-19, qui a entraîné, au cours des vagues successives, le report des opérations et des soins non urgents.

Comme chez les adultes, la déprogrammation de soins médicaux ou chirurgicaux est susceptible d'avoir des conséquences délétères sur la santé de l'ensemble de ces petits patients. Cet impact n'est, à ce jour, ni bien évalué, ni suffisamment pris en compte, souligne le Pr Javouhey.

Comment la pandémie de Covid-19 a-t-elle modifié l'épidémie de bronchiolite ?

L'épidémie commence en général fin octobre/début novembre dans le Nord de la France, puis, 10 à 15 jours plus tard, elle se développe à Lyon, à Marseille… et, globalement, tout le pays est concerné. Elle dure de 2 à 3 mois, avec un pic en décembre-janvier, à l'exception de ces 2 dernières années. La pandémie de Covid-19 a en effet considérablement modifié l'épidémie de bronchiolite et son profil temporel.

En 2020, l'épidémie hivernale a été minimale et a touché des enfants plus âgés. En 2021, une première petite vague est survenue en mars-avril jusqu'à juin, puis une deuxième, beaucoup plus importante, a commencé dès début octobre.

Cette épidémie précoce a beaucoup désorganisé les services pédiatriques, qui n'avaient pas encore mis en place les mesures nécessaires. Le recrutement du personnel paramédical n'avait pas débuté, alors que les besoins étaient déjà là.

Tous les petits nourrissons peuvent être touchés

La bronchiolite touche tous les nourrissons : 85 % des enfants hospitalisés n'ont aucun antécédent particulier. Toutes les familles peuvent ainsi être concernées.

L'âge constitue le facteur de risque majeur. L'âge moyen des patients en réanimation est de 1 mois, et il est d'environ 3 mois pour les nourrissons en hospitalisation conventionnelle.

Les tout petits bébés de moins de 6 semaines sont les plus à risque de présenter une bronchiolite sévère, avec une détresse respiratoire nécessitant une assistance respiratoire.

On commence par une canule à haut débit, puis on poursuit avec une ventilation à pression positive continue (Continuous positive airway pressure, CPAP en anglais) ; parfois, une vraie ventilation non invasive est nécessaire avec un masque facial, mais certains patients doivent être intubés, explique le Pr Javouhey.

Au cours des dernières années, le taux d'intubation a diminué, mais un petit pourcentage des nourrissons intubés évoluent vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) nécessitant parfois une technique d'assistance extracorporelle (ECMO).

Si la grande majorité des enfants hospitalisés n'ont aucun antécédent, on estime qu'environ 15 % des patients ont un facteur de risque : dysplasie bronchopulmonaire séquelle de prématurité, pathologie respiratoire chronique congénitale, cardiopathie congénitale, maladie neuromusculaire, encéphalopathie, trisomie 21, immunodépression.

Les patients immunodéprimés présentent un risque élevé de formes très graves d'infection à VRS, dont certaines sont mortelles. Une vigilance extrême s'impose pour éviter les infections nosocomiales pendant cette période et en particulier la contamination par le VRS des enfants transplantés ou atteints d'hémopathies.

VRS et SARS-CoV-2

Après une nette modification de l'épidémiologie des bronchiolites au cours de l'hiver 2020-2021, l'épidémie de 2021-2022 a été marquée par un début plus précoce, mais la proportion d'enfants présentant une forme grave ou nécessitant une assistance respiratoire a été comparable à celle des années pré-Covid.

Par ailleurs, la crainte de conséquences délétères d'une co-infection ­Covid-19/ VRS ne semble pas s'être confirmée. Nous n'avons pas observé une gravité particulière des bronchiolites alors que le SARS-CoV-2 et ses différents variants circulaient intensément pendant la période épidémique du VRS, précise le Pr Javouhey.



Liens d'intérêt

E. Javouhey déclare avoir des liens d’intérêts avec Sanofi-Aventis.

M. Joras déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.