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Rechute


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IKEMA confirme l'intérêt de l'association anti-CD38 + carfilzomib + dexaméthasone

L'étude CANDOR, présentée à l'ASH 2019 [1], avait montré la supériorité de l'association daratumumab + car­filzomib + dexaméthasone (Dara-Kd) par rapport au carfilzomib + dexaméthasone (Kd) en rechute, avec un bénéfice en survie sans progression (SSP) (non atteintes dans le bras Dara-Kd contre 16,3 mois dans le bras Kd). L'étude IKEMA, présentée par P. Moreau à l'EHA (LB2603), confirme l'intérêt des associations anti-CD38 + Kd, mais cette fois-ci avec l'isatuximab. 302 patients en rechute ont été inclus et randomisés pour recevoir un traitement par isatuximab + Kd (Isa-Kd) (n = 179) ou un traitement par Kd (n = 123). Les patients devaient avoir reçu entre 1 et 3 lignes de traitement. Le nombre médian de lignes reçues était de 2. La médiane d'âge était de 65 ans. Moins de 10 % des patients avaient plus de 75 ans. Environ 25 % étaient à haut risque.
Un tiers était réfractaire au lénalidomide. Les résultats montrent un bénéfice de SSP pour le bras Isa-Kd (SSP non atteinte contre 19,15 mois ; HR = 0,531 ; p = 0,0007), ce qui correspond à une diminution de 47 % du risque de progression ou de décès (figure 1). Le bénéfice en SSP est observé dans tous les sous-groupes de patients, y compris chez ceux réfractaires au lénalidomide et chez les patients à haut risque. Les taux de réponse globale (RG) sont comparables entre les 2 bras (86,6 % dans le bras Isa-Kd contre 82,9 % dans le bras Kd), mais avec un taux de très bonne réponse partielle (TBRP) supérieur dans le bras Isa-Kd (72,6 contre 56,1 % ; p = 0,0011). Les taux de réponse complète (RC) étaient respectivement de 39,7 % et de 27,6 %. La MRD était évaluée par NGS avec une profondeur de 10−5. Une MRD négative était observée chez 29,6 % des patients du bras Isa-Kd et chez 13 % de ceux du bras Kd (p = 0,0004). Avec un suivi médian de 20,7 mois, il n'y a pas de différence significative de survie globale (SG) entre les 2 bras. La durée médiane du traitement était de 80 semaines dans le bras Isa-Kd et de 61 semaines dans le bras Kd, ce qui montre la faisabilité de ce traitement. Les données de tolérance sont celles attendues. On note un peu plus d'effets indésirables de grade ≥ 3 dans le bras Isa-Kd (76,8 contre 67,2 %). Cependant, il n'y a pas eu plus d'événements indésirables ayant conduit à l'arrêt définitif du traitement dans le bras Isa-Kd. Comme attendu, des réactions à la perfusion sont observées chez 44,6 % des patients, mais seulement 1 cas de grade ≥ 3. Le taux d'insuffisance cardiaque est de 7,3 % (n = 13) dans le bras Isa-Kd et de 6,6 % (n = 8) dans le bras Kd.

Un nouveau CELMoD prometteur : le CC-92480

L'iberdomide, premier CELMoD, a un petit frère, le CC-92480. P.G. Richardson et al. (abstr. S208) ont présenté les premiers résultats du CC-92480 en association avec la dexaméthasone chez les patients en rechute en ligne avancée. 78 patients ont été inclus dans cette étude d'escalade de doses évaluant plusieurs schémas de prises. Le nombre médian de lignes antérieures était de 6 (extrêmes : 2-13). 58 patients (76,3 %) avaient reçu une autogreffe. 73,7 % des patients étaient réfractaires au lénalidomide, 78,9 %, au pomalidomide, 69,7 %, aux anti-CD38, et 50 % des patients étaient triple-­réfractaires. Le taux de RG était de 21,1 %, mais augmentait jusqu'à 54,4 % lorsque le schéma de prise était de 1 mg pendant 21 jours sur 28 (n = 11). Des données de toxicité, on retiendra surtout les cytopénies (73 % de cas de neutropénie, 30,3 % de grade 3 et 34,2 % de grade 4). Des études sont en cours pour évaluer ce CELMoD en association avec les standards de traitement.

Étude BOSTON : le sélinexor, une efficacité statistiquement significative mais peu pertinente cliniquement et une tolérance digestive difficile

Les résultats de l'étude BOSTON ont été présentés par M.A. Dimopoulos et al. (abstr. 8501). Cette étude, qui a inclus 399 patients, a comparé un traitement associant sélinexor + bortézomib + dexaméthasone (SVd) (n = 195) à l'association bortézomib + dexa­métha­sone (Vd) (n = 204). Dans le bras SVd, les injections de bortézomib et les prises de sélinexor étaient hebdomadaires. Dans le bras Vd, les injections de bortézomib étaient bihebdo­madaires pour les 8 premiers cycles puis hebdomadaires. 50 % des patients étaient à haut risque. 70 % avaient déjà été exposés au bortézomib. Les résultats montrent un bénéfice en SSP dans le bras SVd (13,93 contre 9,46 mois ; HR = 0,70 ; p = 0,0075) (figure 2). Les taux de réponse étaient respectivement de 76 et 62 %. Les données de tolérance illustrent la toxicité digestive habituelle du sélinexor : diarrhées (32,3 contre 25 %), nausées (50 contre 9,8 %), vomissements (20,5 contre 4,4 %), amaigrissement (26 contre 12 %). On retient également un nombre de cas de cataracte augmenté dans le bras SVd (21,5 contre 6,4), dont 8,7 % de grade ≥ 3. Il faut noter que le nombre de cas de neuropathie était plus important dans le bras Vd (47,1 contre 32,3 %), mais cette différence s'explique très probablement par le fait que le bortézomib était hebdomadaire dans le bras SVd.

Étude BELLINI : impact majeur du vénétoclax chez les patients ayant une translocation t(11;14) ou une hyperexpression de BCL2

Une actualisation des résultats de l'étude BELLINI a été présentée (Kumar S et al., abstr. 8509). Cette étude de phase III a comparé une association vénétoclax + bortézomib + dexaméthasone (Ven-Vd) au bortézomib + dexaméthasone (Vd). 291 patients ont été inclus (Ven-Vd : 194 et Vd : 97). Dans les 2 bras, le bortézomib était bihebdomadaire pendant 8 cycles puis hebdomadaire et poursuivi jusqu'à progression. Les patients avaient reçu entre 1 et 3 lignes de traitement. Dans le bras Ven-Vd, 20 patients (10 %) avaient une translocation t(11;14) et 93 patients (78 % des patients testés), une hyperexpression de BCL2.

Les résultats montrent un bénéfice en SSP pour le bras Ven-Vd (médiane de 23,2 contre 11,4 mois ; HR = 0,6 ; p = 0,0013). Le taux de réponse est supérieur dans le bras Ven-Vd (84 contre 70 %). Les données de SG objectivent un taux de décès plus important dans le bras Ven-Vd (médiane de SG : 33,5 mois dans le bras Ven-Vd et non atteinte dans le bras Vd), avec notamment une augmentation des décès d'origine infectieuse dans le bras Ven-Vd. Les analyses de sous-groupes montrent le bénéfice important de l'association Ven-Vd chez les patients porteurs d'une translocation t(11;14) et/ou ayant une expression augmentée de BCL2, et ce bénéfice est observé quels que soient les autres marqueurs cytogénétiques associés (figure 3).

Commentaire

Les résultats d'IKEMA confirment donc l'efficacité des associations anti-CD38 + Kd en rechute. Ils sont d'autant plus impressionnants que le bras de référence est un bon bras de référence, avec une SSP médiane de 19,15 mois, comparable à celle observée dans l'étude ENDEAVOR [2]. Il est bien sûr impossible de comparer l'efficacité des associations Dara-Kd et Isa-Kd. Cette association anti-CD38 + Kd donne des résultats beaucoup plus impressionnants que l'association daratumumab + bortézomib + dexaméthasone (Dara-Vd), qui est approuvée et déjà utilisée dès la première rechute (SSP médiane de 16,7 mois dans l'étude CASTOR [3]). Il est impossible de comparer les résultats d'IKEMA et de CANDOR avec ceux de l'association isatuximab + pomalidomide + dexaméthasone (Isa-Pd) qui est actuellement disponible en ATU de cohorte. En effet, dans l'étude ICARIA [4], qui avait validé l'intérêt de l'Isa-Pd, les patients avaient reçu un plus grand nombre de lignes de traitement, et plus de 90 % étaient réfractaires au lénalidomide (contre seulement 30 % environ dans IKEMA et CANDOR). Comment se fera le choix entre les différentes possibilités d'association à base d'anti-CD38 en rechute ? Au-delà des AMM et remboursements, il faudra tenir compte des traitements antérieurement reçus, de leur tolérance, du terrain, de l'agressivité du myélome et des caractéristiques cytogénétiques. Schématiquement, chez un patient non réfractaire au lénalidomide, il paraît légitime de proposer en première intention l'association daratumumab + lénalidomide + dexaméthasone. Chez un patient réfractaire au lénalidomide, on peut proposer actuellement l'association Dara-Vd ou Isa-Pd, avec une préférence personnelle pour l'Isa-Pd, car l'association anti-CD38 + IMiD est très efficace et l'association Dara-Vd, un peu décevante (probablement parce que le bortézomib est arrêté après 8 cycles et le daratumumab poursuivi en monothérapie). Lorsque les associations anti-CD38 + Kd seront approuvées et disponibles, la question du choix entre Isa-Pd et anti-CD38-Kd se posera. Il se fera cas par cas en RCP, mais devra tenir compte des contraintes liées au carfilzomib (2 perfusions hebdomadaires) et à son profil de tolérance. Il sera ainsi difficile de proposer cette association à des patients âgés ayant des antécédents cardiovasculaires et habitant loin de l'hôpital. Pour conclure, ces discussions sur le traitement de rechute à base d'anti-CD38 vont devenir rapidement obsolètes puisque, à court terme, la majorité des patients seront exposés aux anti-CD38 dès la première ligne. Les patients non éligibles sont exposés jusqu'à progression au daratumumab. Chez les patients éligibles, la question du daratumumab en entretien après l'autogreffe reste posée, et plusieurs essais en cours devraient nous apporter des réponses importantes. À moyen terme, le problème va donc devenir celui de la prise en charge de la rechute chez les patients réfractaires aux anti-CD38 (et au lénalidomide)… La question du retraitement par anti-CD38 chez les patients déjà exposés n'est pas complètement résolue, et certains essais évaluent l'intérêt d'un retraitement par anti-CD38 notamment en association avec le Kd. Mais, en l'absence de résultats, il est difficile de proposer un retraitement pour les patients ayant progressé sous anti-CD38.

Le CC-92480 confirme le potentiel des CELMoD. Nous attendons avec impatience les résultats des associations de l'iberdomide et du CC-92480 avec les standards de traitement, mais nul doute que les CELMoD auront une place importante dans le paysage thérapeutique du myélome à l'avenir.

Une nouvelle étude positive pour le sélinexor avec un bénéfice de SSP modeste qu'il faut analyser en regard d'une toxicité digestive et oculaire importante. Ce traitement est toutefois disponible en ATU en association avec le bortézomib.

L'association vénétoclax + Vd confirme son efficacité principalement chez les patients porteurs de la trans­location t(11;14) et/ou ayant une expression augmentée de BCL2, ce qui en fait potentiellement la première association de thérapie personnalisée du myélome.■

AVIS D'EXPERT

Les résultats d'IKEMA confirment les données de CANDOR quant à la grande efficacité des associations anti-CD38 + Kd. Ces associations seront très vraisemblablement prochainement un standard de traitement. Espérons qu'elles seront rapidement approuvées par nos agences et disponibles en routine.

En ce qui concerne les “nouvelles molécules”, les CELMoD confirment leur potentiel, le sélinexor ne convainc pas et reste pénalisé par sa toxicité, le vénétoclax confirme son intérêt et ouvre la porte à une prise en charge personnalisée des patients.

FIGURES

Rechute - Figure 1
Rechute - Figure 2
Rechute - Figure 3

Références

1. Usmani SZ et al. Carfilzomib, dexamethasone, and daratumumab versus carfilzomib and dexamethasone for the treatment of patients with relapsed or refractory multiple myeloma (RRMM): primary analysis results from the randomized, open-label, phase 3 study CANDOR (NCT03158688). Blood 2019;134(Supplement_1):LBA-6.

2. Dimopoulos MA et al. Carfilzomib and dexamethasone versus bortezomib and dexamethasone for patients with relapsed or refractory multiple myeloma (ENDEAVOR): a randomised, phase 3, open-label, multicentre study. Lancet Oncol 2016;17(1):27-38.

3. Palumbo A et al. Daratumumab, bortezomib, and dexamethasone for multiple myeloma. N Engl J Med 2016;375(8):754-66.

4. Attal M et al. Isatuximab plus pomalidomide and low-dose dexamethasone versus pomalidomide and low-dose dexamethasone in patients with relapsed and refractory multiple myeloma (ICARIA-MM): a randomised, multicentre, open-label, phase 3 study. Lancet 2019;394(10214):2096-107.


Liens d'intérêt

Olivier Decaux déclare avoir des liens d’intérêts avec Janssen, Celgene, Amgen, Takeda, GSK, AbbVie, Novartis, Roche, The binding site, Siemens et Sebia.