Atlanta, 11-14 décembre 2021
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Du neuf avec du vieux pour un cocktail tonifiant
L’avènement des inhibiteurs de BCL2 dans les LAM, et notamment du vénétoclax, permet d’envisager des combinaisons multiples en doublet et même plus, comme le montre cette session dédiée aux triplets. Ces triplets peuvent combiner des nouvelles molécules entre elles, mais également avec des stratégies plus anciennes basées sur la chimiothérapie. Dans cette étude de phase II non comparative, le MD Anderson Cancer Center présente l’actualisation d’une étude évaluant le vénétoclax en combinaison avec une chimiothérapie d’intensité moyenne (cladribine-cytarabine, CLAD/LDAC/VEN) en alternance avec des cycles plus classiques d’azacitidine-vénétoclax (AZA/VEN).
La cladribine, un analogue nucléosidique de purine qui a une activité en monothérapie et en association dans les LAM, peut induire une hypométhylation de l'ADN par son effet inhibiteur de la S adénosylhomocystéine hydrolase, mécanisme distinct de celui des inhibiteurs traditionnels de l'ADN méthyltransférase comme l’azacitidine ou la décitabine. On rappelle également le rationnel pharmacologique d’associer la cladribine avec la cytarabine par l’augmentation intracellulaire d’ara-CTP, aboutissant à une inhibition majorée de la synthèse d’ADN.
Cette étude a inclus 60 patients de 60 ans ou plus, ou des patients inéligibles pour la chimiothérapie intensive. Le premier cycle d’induction CLAD/LDAC/VEN comportait de la cladribine à 5 mg/m2 J1-J5, de la cytarabine 20 mg × 2, J1-J10 en sous-cutané. Cette induction est très cytopéniante et impose une hospitalisation prolongée (similaire à une induction standard). La consolidation alternait 2 cycles de CLAD/LDAC/VEN avec 2 cycles d’Aza-Ven standard jusqu’à 18 cycles. Le vénétoclax était donné à la dose de 400 mg de J1 à J21 de chaque cycle. Les caractéristiques générales des patients laissent supposer que la majorité de cette population d’étude était constituée de patients aptes pour un traitement intensif (âge médian, 68 ans ; PS 0-1, 82 % ; LAM de novo, 77 % ; risque cytogénétique intermédiaire, 78 % ; mutation NPM1 33 %). Le risque ELN 2017 était favorable dans 23 % des cas, intermédiaire dans 33 % et défavorable dans 43 % des cas. Le taux de réponse globale était de 93 % (RC, 80 % + RCi, 13 %) avec 84 % des répondeurs en maladie résiduelle négative. Les taux de RC/RCi étaient également > à 80 % dans les LAM secondaires ou de haut risque (cytogénétique et ELN). Le taux de mortalité à l’induction n’était que de 2 % à 4 semaines et 7 % à 8 semaines. Avec un recul médian de 20,4 mois, les médianes de durée de réponse, de survie sans rechute et de survie globale ne sont pas atteintes. L’estimation de la survie sans rechute et de la survie globale à 2 ans est de 60,5 % et 60,4 %, respectivement.
À titre comparatif, le même groupe avait publié les résultats de ce schéma de chimiothérapie alternant avec la décitabine sans vénétoclax (Kadia T, Lancet Oncol 2018) induisant un taux de RC/RCi de 68 % et une médiane de survie globale de 13,8 mois.
Ces résultats, encore préliminaires et non comparatifs, sont néanmoins très intéressants en termes de rémission complète et de durée de rémission. Ils montrent que l’utilisation des inhibiteurs de BCL2 dans une population de patients de plus de 60 ans mais présentant des critères d’éligibilité à un traitement intensif (et donc assez différente de la population de l’AMM d’Aza-Ven qui ne concerne que des patient inéligibles), pourraient permettre de nettement réduire l’intensité de la chimiothérapie, tout en augmentant le taux de rémission complète comparativement à la chimiothérapie intensive. Un essai prospectif randomisé défiant le 3 + 7 standard par ce schéma chez les sujets âgés éligibles pourrait aboutir à des changements de pratique.