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À la rencontre d’une oncologue connectée, le Dr Maya Gutierrez, à l’institut Curie


Propos recueillis par Denise Silber Le Dr Maya Gutierrez est oncologue et exerce au sein du CLCC (centre de lutte contre le cancer) de l’hôpital René Huguenin (Institut Curie) depuis 2005. Responsable d’un projet régional de télésuivi au domicile des patients atteints de cancer, le Dr Gutierrez fait également partie des groupes de travail PROMs (Patient Reported Outcomes Measures) et e-santé d’Unicancer.


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  • Pouvons-nous dire que vous êtes une oncologue connectée ?

Nous sommes tous connectés en oncologie ; désormais, cela fait partie de notre quotidien. Mais il y a ceux qui pensent que l’oncologie connectée peut apporter plus d’humanité à la relation patient, voire à la relation entre professionnels de santé, et à l’inverse ceux qui n’en sont pas convaincus. Ces derniers pensent aux dérives, à la robotisation, à la déshumanisation. Je partage l’avis de ceux qui pensent que, même avec la meilleure des volontés, il est impossible de garder un lien avec le patient à son domicile sans la santé connectée. Aujourd’hui, les infirmières de coordination peuvent suivre les patients à distance grâce aux outils connectés et agir en cas d’alerte, ce qui est très apprécié de tous.

Lors de la première vague de Covid, nous avions des files d’attente devant l’hôpital en raison des mesures mises en place (contrôle des convocations, prise de température…). Le déploiement rapide de la téléconsultation a permis de fluidifier le parcours des patients, tout en minimisant la prise de risque et sans entraîner de retard dans la prise en charge, dans un contexte difficile pour tous.

  • D’où vient votre intérêt pour la santé numérique ?

Il y a six ans, certaines de mes patientes devaient prendre un médicament administré par voie orale qui venait de recevoir une extension d’AMM. Il fallait surveiller de près les éventuels effets indésirables. Je faisais venir toutes les patientes très régulièrement, alors qu’elles n’avaient parfois rien à signaler, pour une consultation qui ne durait que cinq minutes. Cela m’a incitée à réfléchir au retard du monde médical sur Internet, alors que de si nombreuses tâches de notre vie quotidienne s’effectuent désormais en ligne. Après avoir remporté un appel à projets de l’ARS Île-de-France grâce à “Appli Chimio”, l’outil de télésuivi à domicile que j’ai imaginé pour les patients atteints de cancer en cours de traitement, j’ai bénéficié d’une mise à disposition à temps partiel, afin de pouvoir travailler sur le télésuivi au sein du groupement de coopération sanitaire francilien (GCS) Sesan. 

  • Que pensez-vous du potentiel des objets connectés en cancérologie ?

Les objets connectés nous offrent de nouvelles possibilités. Je pense aux saturomètres, aux tensiomètres connectés, deux exemples d’objets connectés qui vont devenir courants et qui redéfinissent les possibilités de la télésurveillance. L’arrivée de ces objets connectés est plutôt positive. Mais, bien sûr, tout ne peut pas se faire à distance. Les consultations d’annonce, l’examen clinique plaident en faveur d’un équilibre entre les deux options : la consultation en présentiel ou à distance. 

  • Comment s’organise l’intégration de ces nouveaux outils à l’hôpital ?

Notre démarche de mise en place des outils connectés ressemble à celle d’un essai clinique : respect de la réglementation, information du patient, traçabilité. Nous élaborons des process, puis nous mesurons la satisfaction du patient et celle des soignants, le temps requis pour bien utiliser le dispositif et, enfin, nous en tirons des leçons.

  • Qu’en est-il du développement du dossier médical informatisé en oncologie ?

Les dossiers médicaux électroniques internes aux établissements sont de plus en plus performants. Nous avons accès à des informations quasi exhaustives. À l’Institut Curie, nous disposons d’un système de dématérialisation des fax et de l’imagerie. Les bilans biologiques, les radiographies sont reçus directement sur l’ordinateur, et les fax sont adressés uniquement aux professionnels en charge du patient. Nous partageons l’imagerie avec d’autres établissements. Notre logiciel de validation de la chimiothérapie avec les pharmaciens fonctionne bien. Nos comptes-rendus sont dématérialisés. Pour les réunions de concertation, nous utilisons l’outil de vidéoconférence Teams, notamment en cette période de pandémie.

La difficulté apparaît lorsque nous dépendons d’éléments externes. Si nous nous occupons par exemple d’un patient en hospitalisation à domicile (HAD), il a un dossier papier avec lui, mais nous n’avons pas accès à son dossier numérique interne d’HAD. Face, par exemple, à une hyperkaliémie relevée sur un bilan biologique, si le patient n’est pas présent, je ne peux pas savoir s’il prend des traitements qu’il faudrait arrêter. Nous allons néanmoins vers un dossier partagé grâce à des expérimentations portant sur la relation ville-hôpital.

  • Avez-vous quelques difficultés à consolider les données patients provenant de plusieurs sources ?

Oui. La fusion de différents dossiers n’est pas toujours possible en l’absence d’une identification unique du patient. Les cinq traits d’identité stricts qui permettent théoriquement d’identifier un patient ne sont pas toujours renseignés dans les logiciels métiers, ce qui empêche le partage d’identité du patient. De plus, les premiers travaux de coordination remontent à 2014-2015. La logique était alors appliquée au niveau régional, alors qu’aujourd’hui elle est nationale. Si chaque région a son dossier patient avec une interface spécifique et une identification différente pour chaque patient, cela devient trop compliqué.

  • La relation ville-hôpital est-elle un axe clé du développement des outils numériques ?

Oui, car les outils numériques sont la clef de la relation ville-hôpital. Or, la multiplicité des outils peut compliquer la prise en charge des patients. Par exemple, il y a de plus en plus de portails dédiés aux patients, ce qui est positif car la prise de rendez-vous et la coordination sont plus efficientes. Mais, un même patient peut être inscrit sur le portail de l’AP-HP, celui de l’Institut Curie ou encore celui de l’Institut Gustave-Roussy. Pour le médecin traitant, il est difficile d’aller consulter tous ces différents portails contenant des informations sur leurs patients, parfois en passant par une double authentification. Cela peut décourager les praticiens à se connecter !

  • Êtes-vous optimiste quant à l’avenir de l’e-santé en oncologie ?

Oui, car depuis les premiers appels d’offres de télésuivi, en 2014, il y a eu d’énormes progrès réalisés en quelques années à peine. Avec la pandémie, beaucoup de nouveaux outils ont été déployés très rapidement et vont continuer à être utilisés, permettant de répondre à différentes situations.




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