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Comment la formation à distance modifie-t-elle la technique pédagogique ? À la rencontre d’un praticien et enseignant connecté et passionnant, le Dr Pascal De March (Nancy)


Propos recueillis par Denise Silber

Le Dr Pascal De March, chirurgien-dentiste, est maître de conférences des universités, praticien hospitalier à la faculté d’odontologie de Lorraine et responsable du département de prothèses. Il exerce aussi une activité libérale à Metz et est également féru de science et de pédagogie.

Compte tenu du grand nombre de formations à distance instaurées pendant le confinement, l’épidémie de Covid-19 aura permis à leurs animateurs d’expérimenter de nouvelles modalités pédagogiques au sein de l’univers du numérique.

Le Dr Pascal De March, praticien et enseignant universitaire passionné par la pédagogie, livre ses secrets à notre spécialiste du digital, Denise Silber.


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  • Quel constat faites-vous en tant que maître de conférences et pédagogue connecté devant la multiplication de l’offre de formations continues en ligne, sous l’effet de la pandémie ?

Depuis l’épidémie, Internet a ouvert des possibilités différentes et nombreuses. J’apprends, en les pratiquant, à élargir mes approches pédagogiques, mais il faut savoir sélectionner les nouveautés qui se présentent. La nouvelle offre consiste souvent en des partages d’expérience, moins structurés que les formations que nous pratiquons et qui sont fondées sur une base scientifique démontrée. Certains sont réalisés par d’excellents praticiens ayant des qualités de pédagogue, mais ce n’est pas toujours le cas.

Une deuxième différence concerne le format. Avant la crise sanitaire, on disposait surtout d’enregistrements vidéo ; il y avait peu de transmission en direct. Le Pr André Tricot, professeur de pédagogie à Toulouse, nous a expliqué, lors d’un congrès annuel du Collège national des enseignants de prothèses odontologiques (CNEPO), la difficulté de conserver l’attention de quelqu’un pendant plus de 10 minutes en mode vidéo préenregistrée, alors même que certains sujets requièrent une durée plus longue pour bien les expliquer.

La postproduction – processus de mise en forme et de montage vidéo – implique de disposer de moyens importants. Une vidéo préenregistrée peut être plus synthétique et attractive qu’un cours animé par un formateur avec un support de présentation par slides. Mais la postproduction nécessite d’avoir des compétences professionnelles, c’est une activité consommatrice de temps. Parfois, la notoriété et la qualité d’orateur de l’intervenant, voire l’intérêt de la thématique, peuvent suffire pour engager les participants. Le Pr Stéphane Simon, spécialiste en endodontie, produit des modules de formation très bien faits. Ce sont des monologues courts, réalisés devant une webcam. Son propos, clair et pertinent, inspire confiance.

Lorsque la retransmission se fait en direct et à distance, l’auditoire peut s’exprimer par le biais du chat ou même demander à prendre la parole, et l’enseignant s’adapte alors aux besoins de son public. Cet usage du digital permet de créer du lien.


  • En tant que maître de conférences, vous avez une grande expérience de la formation initiale qui évolue, elle aussi, grâce à la technologie et sous l’impact du confinement. Qu’observez-vous concernant l’engagement et l’assiduité des étudiants en cours ou pendant les travaux pratiques dispensés à distance ?

Avec la pandémie, nous avons été contraints de développer le télé-enseignement. Nous avons d’abord utilisé Zoom puis Microsoft Teams qui répondait mieux à nos contraintes de sécurité et de stabilité ainsi qu’à la nécessité d’accueillir un grand nombre de participants. Des jurys de thèses ou de délibération ont aussi été réunis à distance.
Depuis la rentrée 2020, les travaux pratiques au sein de l’Université de Lorraine sont autorisés, mais avec une organisation particulière et des mesures barrières strictes en cette période d’épidémie. Les étudiants viennent une semaine sur deux. En revanche, tous les cours magistraux sont dispensés à distance. J’ai choisi de faire cours en visioconférence en utilisant Teams, qui me permet de projeter une présentation PowerPoint ; les étudiants peuvent poser ou répondre à des questions via un espace chat sur le côté de l’écran et même “lever la main” pour demander la parole. Ces dispositifs permettent de créer une interactivité en interrogeant directement les participants ou en rebondissant sur leurs interrogations.

Pour les travaux pratiques, nous avons depuis l’an dernier, et avant la crise sanitaire, introduit des tutoriels vidéo commentés sur le thème abordé, à chaque séance. Ces vidéos sont mises à disposition des étudiants avant les travaux pratiques. En début de séance, nous commentons la vidéo, sans le son, en direct, pour créer un lien direct avec nos étudiants. Ceux-ci trouvent important de pouvoir bénéficier de ces explications en direct. Et pendant les travaux pratiques, nous passons la vidéo en boucle, sans le son. Ces vidéos restent consultables par les étudiants tout au long de l’année.


  • Pendant le premier confinement, vous avez également fait appel à Facebook pourentretenir la relation avec les étudiants. Quel en a été le résultat ?

En effet, le premier confinement a totalement rompu les liens entre les étudiants et les enseignants. Nous avons créé un groupe fermé sur Facebook, réservé aux étudiants et aux enseignants volontaires de notre faculté, dont l’identité a été validée. Dans ce groupe, les étudiants en 4e et 5e année ont d’abord travaillé sur des cas cliniques que nous avions rédigés, chaque cas donnant lieu à un post publié sur Facebook. Pour les étudiants de 2e et 3e années, nous avons lancé “les quiz des 20 heures” portant sur les contenus de leurs cours. Une majorité d’enseignants a participé, fournissant les questions ou animant les quiz. Il s’agissait de questions relatives aux informations que nous considérions que les étudiants devaient avoir intégrées.

Au vu du succès de ces quiz, nous les avons étendus aux étudiants de 4e et 5e années en plus des cas cliniques. Puis, nous avons élaboré des cas cliniques “progressifs” où l’enseignant introduit des questions successives, en direct. Les enseignants du département de santé publique ont proposé des quiz en lien avec l’actualité portant par exemple sur l’hygiène des mains à l’occasion de la Journée mondiale de l’hygiène de mains qui a eu lieu en mai 2020. Pour susciter l’intérêt des étudiants, nous avons distribué des points, et des gagnants ont été désignés ; ils ont eu droit à un abonnement à L’Information Dentaire qui nous a soutenus !


  • Outre votre façon d’enseigner auprès des étudiants, les méthodes acquises durant le confinement ont-elles modifié votre façon de travailler ?

Lorsque nous sommes passés à un “enseignement distanciel”, j’ai réalisé que j’étais moi-même davantage concentré sur ma présentation quand je n’avais que mon écran devant moi, par rapport aux périodes où je me trouvais dans une salle de cours devant gérer à la fois ma présentation et le maintien de l’attention de l’assistance. De plus, j’ai vu l’utilité d’intégrer, à la fin d’un cours à distance, une session de restitution très interactive grâce aux questions/réponses par chat.

Prochainement, je vais participer à une nouvelle formation continue en ligne pour les omnipraticiens sur les restaurations partielles collées indirectes. Je suis libre de choisir les modalités selon lesquelles les cours seront dispensés, et je vais utiliser l’expérience que j’ai acquise avec les étudiants en formation initiale. Je vais ainsi enregistrer des vidéos à l’avance, afin de fournir aux apprenants une base de connaissances disponible “à la carte”, mais je tiens à faire aussi des séances de restitution en direct avec interaction grâce au chat. C’est un format hybride, de deux méthodes pédagogiques distancielles.

Le numérique m’aura donné envie de rendre les cours en présentiel plus interactifs, en déployant des applications comme Socrative, qui permettent de sonder son auditoire et de vérifier les connaissances des participants en temps réel, qu’ils soient présents ou non.

Merci pour ce retour de terrain très pratique concernant les avantages et les inconvénients de la formation en présentiel et/ou à distance.


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Edimark s’associe à l’UNIM pour vous proposer ce dossier thématique consacré au praticien connecté.