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La téléconsultation s’installe-t-elle durablement en France ?


La pratique de la consultation à distance pendant la crise sanitaire a permis à de nombreux praticiens, patients et aidants de découvrir l’efficience de cet acte. La prise en charge de la téléconsultation par l’Assurance maladie, ayant été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2020, la téléconsultation, précédemment peu utilisée, semble s’installer dans la durée. Que faut-il savoir ?


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La téléconsultation fait partie des actes de la télémédecine, une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC). La télémédecine met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figurent un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. En France, l’adoption à grande échelle de la télémédecine, dont les bénéfices sont démontrés depuis plusieurs décennies, doit faire face à des obstacles majeurs, comme d’autres outils d’e-santé. 

L’irruption du Covid-19 sur le territoire français a eu pour conséquence la multiplication des actes de téléconsultation. Praticiens et patients ont découvert l’efficience de la téléconsultation, alors que l’objectif initial était simplement d’éviter de répandre la contagion.

L’histoire des pratiques médicales à distance commence dans la Grèce antique. En cas de problème médical local sans solution, un messager était appelé pour courir à la ville la plus proche, pour chercher de l’aide. Lors de la survenue d’une épidémie, une ville avertissait ses voisines en envoyant des signaux de fumée, voire de la lumière à distance.  

Dans les temps modernes, la télémédecine s’est structurée autour de 2 axes : la consultation à distance en temps réel et l’archivage et la transmission d’images, notamment d’images radiologiques. La première téléconsultation par vidéo a eu lieu en 1959 aux États-Unis à l’université du Nebraska1. Dans les années 1960, la télémédecine a profité d’innovations mises au point par les armées et les centres spatiaux cherchant à soigner à distance les hommes et les femmes en service. 

En 1989, l’Institut européen de télémédecine est créé et connecte l’hôpital Rangueil, à Toulouse, à l’hôpital Combarel (devenu l’hôpital Jacques-Puel), à Rodez, afin d’offrir aux patients une meilleure prise en charge.

Entre 2015 et 2020, plus de 300 articles scientifiques portant sur la télémédecine ont été publiés par des équipes françaises2. E. Andrès (Strasbourg) et son équipe ont publié en 2019 une revue de la littérature portant sur le diabète et la télémédecine. Après avoir analysé plusieurs grandes études (DIABETe, TELESAGE, et TELESCOT), les auteurs confirment l’effet positif de la télésurveillance sur la maîtrise de la glycémie, l’hémoglobine glyquée, l’hypertension, le poids, les dyslipidémies et la qualité de vie3. M. Montaleytang4 (Marseille) et son équipe ont examiné l’intérêt de la télémédecine pour réduire le risque iatrogène dans les Ehpad, en rapprochant l’expertise médicopharmaceutique des lieux de vie des personnes âgées.

L’inclusion de la télémédecine dans la loi française en 2009 marque une première grande étape. La loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires) définit 5 actes : la téléconsultation, le téléconseil, la téléexpertise, la télésurveillance et la téléassistance. 

Annoncée en 2014, ÉTAPES est une expérimentation nationale qui soutient le déploiement de projets de télésurveillance pour certaines pathologies ou profils de patients (insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, diabète et prothèses cardiaques implantables) sur tout le territoire. Elle a été reconduite en 2018 pour une durée de 4 ans. Ces projets impliquent que se coordonnent autour du patient les fournisseurs de la solution technique et les personnes qui assurent l’accompagnement thérapeutique5. Le rapport d’évaluation final est annoncé pour fin juin 2021.

La loi de financement de la Sécurité sociale de 2018 introduit, en son article 51, un dispositif qui encourage l’innovation organisationnelle afin d’améliorer l’accès aux soins, le parcours des patients, la qualité des prescriptions, l’efficience du système. Deux projets relevant de ce dispositif et faisant appel à la télémédecine ont été présentés lors de rencontres de la Société française de santé digitale :

  • AVK-Di@pason introduit la télémédecine dans le parcours de soins biologiques des patients traités par anticoagulants oraux ; cette innovation réduit à 15 minutes la durée du parcours, qui était comprise entre 6 et 12 heures, grâce à la biologie délocalisée connectée au laboratoire de biologie médicale et à la coordination des professionnels par le biais du numérique ;
  • MyDiabby6 est une plateforme en ligne active depuis cinq ans permettant le suivi du diabète gestationnel. Elle a fait l’objet d’une étude auprès de 124 professionnels de santé (médecins, paramédicaux) et de centres (CH, CHU, cliniques, cabinets), entre mars et juillet 2019. Toutes les équipes rapportent une amélioration de leurs pratiques : les consultations inutiles sont éliminées, la glycémie des patientes suivies pour un diabète gestationnel est mieux équilibrée. Professionnels et patientes se prononcent pour le maintien de la plateforme.

La téléconsultation sous l’effet du Covid-19

À partir du 15 septembre 2018, le remboursement de la téléconsultation devient effectif sous plusieurs conditions. Depuis le décret n° 2020-227 du 9 mars 2020, face à l’épidémie de coronavirus, ces conditions ont été assouplies. L’impact du Covid-19 sur le recours à la téléconsultation a été immédiat. D’après le bilan de l’Assurance maladie, seulement 60 000 téléconsultations sur les 500 000 attendues la première année ont été réalisées, alors qu’il y en a eu 935 746 au cours de la semaine du 30 mars 2020.

Le 1er avril 2020, le ministère des Solidarités et de la Santé a publié une liste de fournisseurs de solutions de télémédecine autodéclarés : il y en a 186. Depuis, cette liste est devenue une base de données qui s’enrichit régulièrement.

Doctolib bénéficiait déjà du plus grand nombre de médecins inscrits sur sa plateforme de gestion en ligne des rendez-vous médicaux. Environ 30 000 praticiens inscrits sur la plateforme de téléconsultation ont assuré 885 000 téléconsultations en 30 jours7. Le 24 avril 2020, Doctolib annonçait être passé à 100 000 téléconsultations par jour8

Dans le domaine de la téléexpertise née de l’épidémie, NeuroCovid est une plateforme neurologique dédiée aux médecins hospitaliers et animée par les équipes du centre hospitalier Sainte-Anne.

En mai 2020, une étude de l’Institut Paris Région montre que le développement de la téléconsultation pourrait entraîner la baisse de 500 000 déplacements quotidiens, majoritairement en voiture, dans la région en Île-de-France, liés à des motifs de santé9.

Des freins au développement de la téléconsultation existent. Certaines situations cliniques ne se prêtent pas à la téléconsultation. Mais, le virus circulant toujours, les propos de l’Assurance maladie publiés dans un communiqué de presse daté du 31 mars 2020 se confirment : “Dans ces circonstances sanitaires sans précèdent, la téléconsultation s’est ainsi installée auprès des médecins libéraux comme une modalité pertinente de prise en charge des patients […]”10.

Denise Silber

____________________

1 Bashshur RL, Shannon GW. History of telemedicine: evolution, context, and transformation. New Rochelle (New York, États-Unis): Mary Ann Liebert, Inc., 2009.

2https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/?term=Telemedicine+France&filter=simsearch1.fha&filter=ds1.y_5

3 Andrès E et al. Telemonitoring in diabetes: evolution of concepts and technologies, with a focus on results of the more recent studies. J Med Life 2019;12(3):203-14.

4 Montaleytang M et al. Telemedicine and drug iatrogenesis in nursing homes. Soins Gerontol 2019;24(139):30-6.

5 ÉTAPES : Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/etapes-experimentations-de-telemedecine-pour-l-amelioration-des-parcours-en

6https://www.mydiabby.com/post/impacts_telesurveillance_diabete_gestationnel

7Rolland S. La Tribune, 8 avril 2020. Coronavirus : explosion des téléconsultations en France, Doctolib grand gagnant. https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/coronavirus-explosiondes-teleconsultations-en-france-doctolib-grand-gagnant-844660.html

8 Cimino V. Siècle Digital, 24 avril 2020. Doctolib est passé de 1 000 à 100 000 téléconsultations par jour. https://siecledigital.fr/2020/04/24/doctolib-les-chiffres-de-la-teleconsultation-sont-tombes/

9https://www.institutparisregion.fr/mobilite-et-transports/le-developpement-de-la-telemedecine-pourrait-avoir-un-impact-insoupconne-sur-les-deplacements-en-ile-de-france.html?utm_source=email&utm_campaign=6clics_lactu_de_LInstitut_Paris_Region__122_14_mai_2020&utm_medium=email

10https://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/20200331_-CP_Teleconsultations_Covid_19.pdf



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