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Variants pathogènes et risque de cancer du sein : quelle réalité en population générale ?


L’estimation du risque de cancer du sein associé à la présence de variants constitutionnels pathogènes dans les gènes de prédisposition au cancer est indispensable à l’évaluation et à la gestion personnalisée du risque de cancer du sein. Cependant, pour de nombreux gènes, les preuves d’une association avec le cancer du sein sont faibles et les estimations du risque sous-jacent sont imprécises et non spécifiques au sous-type histologique. Deux études cas-témoins ont été publiées début 2021. Elles tentent d’apporter plus de précisions à ce sujet, avec des résultats plutôt concordants et intéressants.

La première, rapportée par C. Hu et al. [1], a recherché l’association entre les variants pathogènes dans 28 gènes de prédisposition au cancer et le risque de cancer du sein. Parmi ces 28 gènes, 12 étaient des gènes de prédisposition établis et 16 des gènes de prédisposition en cours d’évaluation. Pour cela, ils ont effectué un séquençage multiplex parmi 32 247 femmes atteintes d’un cancer du sein et 32 544 femmes indemnes dans le cadre du consortium Cancer Risk Estimates Related to Susceptibility (CARRIERS) composé de l’association de 12 études. Ont été considérés comme variants pathogènes les mutations avec perte de fonction et les variants identifiés comme pathogènes ou probablement pathogènes dans la base de données ClinVar. Les données ont été ajustées sur l’étude d’enregistrement, l’âge, la présence ou non d’une histoire familiale et l’appartenance ethnique. 

La deuxième, rédigée par le Breast Cancer Association Consortium [2], est fondée sur un ensemble de 44 études, concerne un panel de 34 gènes de susceptibilité établis ou supposés (énumérés dans la figure 1). Un séquençage a été réalisé pour 60 466 femmes atteintes d’un cancer du sein et 53 461 femmes indemnes. Des analyses distinctes ont été réalisées pour les variants non-sens (protéine tronquée) et les variants faux-sens (changement d’un nucléotide) rares dans ces gènes pour le cancer du sein dans son ensemble et pour les sous-types histologiques.

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En ce qui concerne l’analyse tous types de cancer du sein confondus

Des variants pathogènes des 12 gènes de prédisposition au cancer du sein déjà établis ont été détectés chez 5,03 % des patientes et 1,63 % des témoins (tableau). Une histoire familiale de cancer du sein était rapportée chez 20,4 % des patientes et chez 14,3 % des témoins. Parmi les cas, les variants pathogènes les plus fréquents étaient BRCA2 (1,29 %), CHEK2 (1,08 %) et BRCA1 (0,85 %). Les variants pathogènes dans BRCA1 et BRCA2 ont été associés à un risque élevé de cancer du sein, avec des odds-ratio (OR) de 7,62 (IC95 : 5,33-11,27) et 5,23 (IC95 : 4,09-6,77), respectivement. Les variants pathogènes de CHEK2 et PALB2 ont été associés à un risque modéré : OR = 2,47 (IC95 : 2,02-3,05) et 3,83 (IC95 : 2,68-5,63), respectivement. Les variants pathogènes d’ATM et NF1 étaient associés à un risque faiblement augmenté de cancer du sein, avec des OR de 1,82 (IC95 : 1,46-2,7) et 1,93 (IC95 : 0,91-4,31), respectivement. 

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Les variants non-sens intervenant dans les 5 gènes majeurs (ATM, BRCA1, BRCA2, CHEK2 et PALB2) sont associés à un risque de cancer du sein (OR allant de 2,10 à 10,57 ; p < 0,0001). Les variants non-sens des 4 autres gènes (BARD1, RAD51C, RAD51D et TP53) ont été associés à un risque plus modeste de cancer du sein (p < 0,05, indice de Bayes < 0,05). Pour PTEN, NF1 et MSH6, le risque était également plus modeste, mais de manière non statistiquement significative (indice de Bayes > 0,10). Les autres gènes ont obtenu des OR dont la limite supérieure de l’IC95 était inférieure à 2, seuil retenu pour définir un allèle pathogène à risque modéré. Les variantes faux-sens rares dans ATM, CHEK2, BRCA1, CDH1, RECQL et TP53 ont été associés à un risque de cancer du sein (p < 0,001). Pour BRCA1, BRCA2 et TP53, les variants faux-sens qui seraient classés comme pathogènes selon les critères standard ont été associés à un risque de cancer du sein, le risque étant similaire à celui des variants non-sens.

En ce qui concerne les analyses de sous-types spécifiques

Les variants pathogènes de BARD1, RAD51C et RAD51D ont été associés à un risque accru de cancer du sein récepteur estrogénique (RE)-négatif et de cancer du sein triple-négatif, tandis que les variants pathogènes d’ATM, CDH1 et CHEK2 étaient associés à un risque accru de cancer du sein RE-positif. PTEN et TP53 n’ont pas pu être évalués au vu du peu de variants pathogènes détectés dans les populations analysées. Parmi les patientes avec une histoire familiale, les variants pathogènes dans BRCA1, BRCA2, CDH1 et PALB2 étaient associés à un risque élevé de cancer du sein (OR > 4) et les variants pathogènes dans ATM et RAD51D étaient associés à un risque modéré (OR > 2). Pour finir, il est intéressant de noter que des variants pathogènes dans BRCA1, BRCA2 et PALB2 ont été observés chez 8,13 % des patientes avec cancer du sein triple-négatif et 1,84 % des patientes avec un cancer du sein hormonodépendant.

Pour les variants non-sens dans ATM et CHEK2, les OR étaient plus élevés pour les cancers du sein RE-positifs que pour les cancers RE-négatifs (figure 1). Pour BARD1, BRCA1, BRCA2, PALB2, RAD51C et RAD51D, les OR étaient plus élevés pour les cancers RE-négatifs que pour les RE-positifs. Les variants faux-sens de CHEK2 et CDH1 ont été associés à un risque accru de cancer du sein RE-positif, alors que BRCA1 était associé à un risque accru de cancer du sein RE-négatif. L’analyse séparée des variants non-sens et faux-sens reste donc cohérente avec les résultats de la première étude.

En ce qui concerne le risque absolu en fonction de l’âge 

L’OR décroît rapidement avec l’avancement en âge pour les mutations BRCA1, BRCA2, CHEK2, PALB2, PTEN et TP53 (figure 2). De plus, la prévalence décroît rapidement à partir de 40 ans pour les porteuses de variants pathogènes BRCA1 et BRCA2, alors que la décroissance est plus constante et limitée parmi les porteuses de variants pathogènes d’ATM, CHEK2 et PALB2 entre 40 ans et 85 ans. Les variants pathogènes ATM, BRCA1, BRCA2, CHEK2 et PALB2 étaient associés à un risque absolu cumulé de plus de 20 % à l’âge de 85 ans dans la population caucasienne non hispanique. Les variants pathogènes BRCA1 et BRCA2 avaient un risque estimé de 50 % et les porteurs de PALB2 d’environ 32 %.

Pour les porteuses d’un variant non-sens de BRCA1, BRCA2, et PALB2, le risque absolu cumulé à 80 ans est de 30 %, alors qu’il est de 17 à 30 %, donc plus modéré, pour ATM, BARD1, CHEK2, RAD51C et RAD51D (figure 3)

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Finalement, les résultats de ces 2 études sont cohérents avec comme principaux “take home messages” :

  • Les variants pathogènes les plus fréquents et associés au risque le plus élevé de cancer du sein sont BRCA 1/2, PALB2, CHEK2 et ATM.
  • Toutes les mutations sont concernées, les mutations faux-sens rares et les mutations non-sens tant que ce sont des variants pathogènes ou probablement pathogènes.
  • Tous les sous-types sont concernés, les cancers du sein RE-positifs (CHEK2, ATM) et les cancers du sein RE-négatifs (BRCA et PALB2).
  • Le risque associé diminue avec l’âge.

Ces études fournissent des estimations sur la prévalence et le risque de cancer du sein associés à des variants pathogènes dans des gènes de prédisposition au cancer du sein connus en population générale. Ces données sont précieuses à l’aube d’une révolution organisationnelle concernant le dépistage théranostique précoce des variants pathogènes BRCA1 et BRCA2. La prochaine étape sera-t-elle un dépistage non ciblé en population générale incluant un panel élargi de gènes de prédisposition afin de guider la prévention, le dépistage et le traitement précoce personnalisé ?  Affaire à suivre…



Références

1. Hu C et al. A population-based study of genes previously implicated in breast cancer. N Engl J Med 2021;384(5):440-51. 

2. Breast Cancer Association Consortium, Dorling L et al. Breast cancer risk genes - Association analysis in more than 113,000 women. N Engl J Med 2021;384(5):428-39. 


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