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Quelle est l’utilité de Twitter pour un spécialiste ? Témoignage du Dr Clarisse Audigier-Valette


Propos recueillis par Denise Silber Le Dr Clarisse Audigier-Valette est pneumocancérologue et responsable du service d’oncologie thoracique au centre hospitalier Sainte-Musse de Toulon. Elle publie régulièrement des articles dans la Lettre du Cancérologue et est présente sur Twitter (compte @CAudigierValett).


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  • Vous êtes inscrite sur Twitter depuis janvier 2017 et près de 1 200 personnes sont abonnées à votre compte en août 2020. Que pourriez-vous dire de Twitter aux praticiens français ?

Je leur dirais que c’est dommage que Twitter ait une si mauvaise image en France. L’intérêt de Twitter pour les praticiens réside dans l’échange et le partage de publications, de référentiels et de recommandations, de nouveautés. Les thèmes varient. Nous pouvons discuter de la qualité d’un essai thérapeutique, connaître les nouveaux remboursements. Actuellement, il y a beaucoup d’échanges sur les recommandations de santé publique en lien avec la Covid-19. En outre, j’obtiens via Twitter les communiqués, les présentations des grands congrès médicaux en temps réel, voire la veille en avant-première. Je pense notamment à l’ASCO et aux courbes de survie des patients traités par certaines molécules qui précédaient la présentation des exposés l’année dernière, lors de la conférence de presse. Cette année, le congrès de l’ASCO étant virtuel, nous avons vu paraître immédiatement sur Twitter des synthèses et des critiques plus complètes.

En observant le comportement des praticiens français sur Twitter, je scinderais mon analyse en deux parties, selon qu’il s’agisse du médecin généraliste ou du spécialiste. Certains médecins généralistes, isolés dans leur cabinet, utilisent Twitter pour demander leur avis à un confrère sur un cas qui pose problème. Ils insèrent le hashtag #doctoctoc dans leur tweet, et tous les praticiens qui suivent ce hashtag peuvent le lire et répondre. Ces praticiens utilisent souvent un pseudonyme en pensant que cela permet de mieux respecter le secret médical. Je ne donnerais évidemment ni sur Twitter, ni ailleurs un avis sur le cas d’un patient précis sans connaître son dossier, mais je conçois que le hashtag #doctoctoc puisse aider certains praticiens dans leur stratégie diagnostique.

Concernant les spécialistes français, jusqu’à l’apparition de la Covid-19, ils n’étaient pas très présents sur Twitter. Jusqu’alors, sur Twitter, les échanges à visée médicale avaient lieu en anglais. Dans ma spécialité, la cancérologie thoracique, nous communiquions en anglais par habitude. 

Twitter dans le domaine médical est devenu un peu plus francophone pendant l’épidémie de Covid-19, car des spécialistes comme les urgentistes se sont manifestés pour discuter de cette épidémie et y ont découvert des contenus intéressants. 


  • Quel est votre avis concernant l’usage de l’anonymat sur Twitter ?

Cette pratique de l’anonymat n’est pas quelque chose que je recommanderais aux praticiens. L’anonymat contribue à la mauvaise image de ce réseau. Ce serait d’ailleurs une bonne chose si l’anonymat était davantage réglementé, car il limite l’un des grands avantages de Twitter : la possibilité de repérer et d’échanger avec des personnes que nous ne rencontrerions pas dans la “vraie” vie. Grâce à Twitter, j’ai pu échanger à propos de la Covid-19 avec des experts en dehors de ma sphère professionnelle que je n’aurais pas connus autrement. Si nous voulons améliorer l’image de Twitter, cela passe en partie par la réduction de l’anonymat.


  • Concernant la cancérologie, pourquoi recommanderiez-vous l’usage de Twitter à vos confrères ?

Le cancérologue français qui crée un compte sur Twitter peut suivre une communication internationale très riche. Si je prends l’exemple de ma spécialité, le cancer du poumon, on voit que des experts américains renommés, comme Nathan A. Pennell (@n8pennell), MD, PhD, FASCO à la Cleveland Clinic, et H. Jack West (@jackwestmd), professeur au centre médical City of Hope en Californie, sont très actifs sur Twitter. Jack West propose des Livetweets, c’est-à-dire des sessions d’une heure auxquelles nous participons et pendant lesquelles nous répondons en temps réel à une série de questions annoncées à l’avance. En hématologie, les praticiens retrouveront sur Twitter un grand spécialiste de l’hémato-oncologie, Vinay Prasad (@VPrasadMDMPH), MD, MPH à l’UCSF, qui écrit beaucoup de critiques d’essais. Il est suivi par près de 50 000 abonnés. 

Ce ne sont que trois exemples. Dans chaque spécialité, il y a des personnalités très intéressantes et des organisations à suivre. Dans mon domaine, la Société de pneumologie de langue française (SPLF) a un compte Twitter (@splf_SocPneumo) que je recommanderais de suivre. Je citerais aussi le compte Twitter de Mon Réseau du Cancer du Poumon (@reseauKpoumon). Et il est également intéressant de suivre certains hashtags comme #LCSM (Lung Cancer Social Media) par exemple, qui regroupe tous les sujets consacrés au cancer du poumon. 

Concernant les messages de santé publique, je recommanderais de suivre et d’inclure deux hashtags dans des tweets appropriés #JamaisSansMonMasque et #MonMasqueTeProtege.

Le praticien peut créer son compte et débuter sur Twitter en suivant seulement une dizaine de personnes et organisations, selon ses centres d’intérêt.

Rien n’empêche de créer des comptes séparés pour suivre d’autres thèmes.


  • Et pourtant, en France, les deux réseaux sociaux Twitter et Facebook sont souvent décrits par les professionnels comme une perte de temps. Que répondez-vous à cela ?

Je répondrais que ces deux réseaux ne sont pas équivalents. Sur Facebook, le contenu est plus familial. En outre, il est difficile d’avoir sur Facebook un échange scientifique avec une personne précise. Certes, il existe des groupes privés de praticiens présents sur Facebook, mais sur le thème de la Covid-19 par exemple, je préfère les groupes que l’on trouve sur WhatsApp, comme celui des réflexions médicales sur ce virus.

Concernant le potentiel d’utilité de Twitter pour un praticien, ce réseau est unique de par son immédiateté. Les informations arrivent, s’échangent et s’en vont. Un nouvel abonné peut rapidement avoir un usage efficace de Twitter en consultant les tweets des professionnels qu’il choisit de suivre. Le praticien peut repérer les comptes pertinents de différentes façons :


- en recherchant leurs noms grâce au moteur de recherche interne à Twitter ;

- en répertoriant les comptes suivis par un autre expert ;

- en faisant des recherches sur un thème grâce à un hashtag, puis en sélectionnant les comptes qui interviennent sur ces hashtags.


  • Que pensez-vous de la multiplication des préprints sur les réseaux sociaux que l’on trouve sur Medxriv.org par exemple ?

Si un praticien fait circuler des publications non validées par les pairs, sans commentaires critiques, les abonnés qui lui font une confiance aveugle risquent de tenir pour vraies des informations fausses ou trompeuses. En revanche, Twitter permet surtout l’inverse : bénéficier d’analyses critiques, dont nous n’aurions pas eu connaissance autrement, si toutefois nous choisissons de suivre les bonnes personnes. Par ailleurs, il peut être intéressant de connaître les prépublications refusées. Cela permet de se faire une idée des sujets du moment et de comprendre ce qui fait ou non la qualité d’un article.


  • Pour conclure, à quel rythme fréquentez-vous Twitter ?

Je me connecte environ dix minutes, trois fois par jour : tôt le matin, lors d’une pause et le soir. Les informations sur Twitter étant éphémères, je vois des choses nouvelles à chaque fois.





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