Neurosyphilis : la ceftriaxone peut-elle remplacer la pénicilline ?
La benzylpénicilline par voie intraveineuse est le traitement de référence de la neurosyphilis, mais cela nécessite une hospitalisation prolongée. La ceftriaxone est un traitement alternatif possible, dont l'efficacité reste incertaine. Les auteurs de cette étude française ont cherché à évaluer l'efficacité de la ceftriaxone (2 g/j) par rapport à la benzylpénicilline (3-4 millions UI toutes les 4 h) dans le traitement de la neurosyphilis (durée de traitement : au moins 10 j). Il s’agit d’une étude rétrospective, multicentrique, incluant les patients atteints de neurosyphilis et qui ont été traités dans l'un des 8 centres de soins tertiaires en France, du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2017. La neurosyphilis était définie de la façon suivante : tests tréponémiques et non tréponémiques positifs et au moins un des éléments parmi : syphilis ORL (surdité), syphilis oculaire (uvéite), symptôme neurologique avec un résultat positif aux tests VDRL ou PCR du liquide céphalorachidien (LCR), ou plus de 5 leucocytes dans une numération cellulaire du LCR. Les patients atteints de neurosyphilis ont été identifiés à partir de la base de données du département d'information médicale de chaque centre et affectés à l'un des 2 groupes sur la base du traitement initial reçu (groupe benzylpénicilline ou ceftriaxone). Le critère principal d’évaluation était la réponse clinique globale (proportion de patients ayant une réponse complète ou partielle) 1 mois après le début du traitement. Les critères d'évaluation secondaires étaient la proportion de patients qui présentaient une réponse complète à 1 mois et une réponse sérologique à 6 mois, ainsi que la durée de l'hospitalisation. Sur 365 patients ayant reçu un diagnostic codé de neurosyphilis dans l'un des 8 centres de soins, entre 1997 et 2017, 208 ont été inclus dans cette étude (42 dans le groupe ceftriaxone et 166 dans le groupe benzylpénicilline). L'âge moyen des patients était de 44,4 ans (extrêmes : 13-4), et 193 (93 %) étaient des hommes. Les résultats (tableau) font état de 41 cas de réponse clinique globale (98 %) dans le groupe ceftriaxone contre 125 (76 %) dans le groupe benzylpénicilline ([OR] brut = 13,02 ; IC95: 1,73-97,66 ; p = 0,017). Après application du score de propension, les taux de réponse clinique globale sont restés différents entre les groupes (OR = 1-,2 ; IC95: 1,12-1,33 ; p < 0,0001). 22 (52 %) patients dans le groupe ceftriaxone et 55 (33 %) dans le groupe benzylpénicilline ont eu une réponse complète (OR brut = 2,26 ; IC95: 1,12-4,41 ; p = 0,031), sans différence significative après pondération par score de propension (OR = 1,08 ; IC95: 0,94-1,24 ; p = 0,69).

La réponse sérologique à 6 mois ne différait pas entre les groupes (21 [88 %] sur 24 dans le groupe ceftriaxone contre 76 [82 %] sur 93 dans le groupe benzylpénicilline ; OR brut = 1,56 ; IC95: 0,42-5,86 ; p = 0,50), alors que la durée d'hospitalisation était plus courte pour les patients du groupe ceftriaxone que pour ceux du groupe benzylpénicilline (moyenne de 13,8 jours ; IC95: 12,8-14,8, vs 8,9 jours ; IC95: 5,7-12,0 ; p < 0,001). Aucun effet indésirable majeur n'a été signalé dans les 2 groupes.
En conclusion, ces résultats suggèrent que la ceftriaxone est d'une efficacité comparable à celle de la benzylpénicilline pour le traitement de la neurosyphilis, ce qui réduit potentiellement la durée du séjour hospitalier. Des essais randomisés et contrôlés doivent cependant être réalisés pour confirmer ces résultats issus d’une analyse rétrospective.







