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Résultats finaux du brigatinib versus crizotinib dans les CBNPC avancés ALK+
Le brigatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase qui a une forte activité dans les réarrangements EML4-ALK présents chez 3 à 5 % des CBNPC. De plus, il possède une activité contre plusieurs mutations ALK de résistance. Le brigatinib a déjà montré sa supériorité par rapport au crizotinib en 1re ligne chez les CBNPC avancés ALK positifs [1] avec un HR pour la SSP de 0,49 (IC95 : 0,35-0,68 ; p < 0,0001). Plusieurs variants de cette fusion EML4-ALK ont été identifiés, les plus courant étant les variants 1 (V1), 2 (V2) et 3a/b (V3). De récentes données suggèrent une différence d’efficacité des ITK anti-ALK sur les différents variants ainsi que des différences sur l’apparition de mutations de résistance. Par ailleurs, TP53 semble également avoir un impact négatif sur la réponse aux ITK. Cette étude [2] rapporte les résultats finaux d’efficacité et tolérance de ALTA-1L et l’impact sur la réponse des différents variants et de la mutation TP53.
Il s’agissait d’une étude de phase III, randomisée, en ouverte, multicentrique et internationale menée entre 2017 et 2021. Les patients devaient avoir plus de 18 ans avec un CBNPC localement avancé ou métastatique naïf de tout ITK anti-ALK. Les patients recevaient soit du brigatinib 180 mg/j soit du crizotinib 250 mg 2 fois par jour jusqu’à progression ou toxicité. Les patients du bras crizotinib pouvaient faire un crossover pour le brigatinib après progression. Le critère de jugement principal était la SSP et les secondaires la SG, la réponse intracrânienne et la réponse objective.
Un total de 275 patients a été inclus, 137 dans le bras brigatinib et 138 dans le bras crizotinib. Les caractéristiques étaient bien équilibrées : âge médian de 60 ans, environ 55 % de femme, principalement PS 0-1, 90 % de stade métastatique et 30 % de lésions cérébrales. Avec un suivi médian de 40,4 mois, 42 % et 12% des patients du bras brigatinib et crizotinib, respectivement, étaient encore sous traitement. La durée médiane de traitement était de 34,9 mois pour le brigatinib et 9,3 mois pour le crizotinib. Il faut noter que 65 patients du bras crizotinib ont fait un crossover, parmi lesquels 23 (35 %) étaient encore traités par brigatinib, permettant d’obtenir une SSP médiane de 16,8 mois et une réponse objective de 57 %. Le taux de SSP à 3 ans était de 43 % et 19 % dans le bras brigatinib et crizotinib respectivement, la SSP médiane était de 24 mois versus 11,1 mois, respectivement (HR = 0,48; IC95 : 0,35-0,66 ; p < 0,0001). La réponse objective intracrânienne était conforme à celle décrite dans l’analyse d’intérim (78 % versus 26 % en faveur du brigatinib). Parmi les patients ayant des métastases cérébrales, le taux de SSP à 3 ans était de 31 % versus 9 %, respectivement.
À la progression sous crizotinib, les patients recevaient principalement du brigatinib ou de l’alectinib. Sur les 78 patients qui ont arrêté le brigatinib, 46 ont reçu un traitement ultérieur, dont 42 des ITK anti-ALK (28 % lorlatinib, 21 % alectinib). Il n’y avait pas de différence en SG entre les 2 bras, à cause du crossover (HR = 0,81; IC95 : 0,53-1,22 ; p = 0,331) ; néanmoins, pour les patients ayant des métastases cérébrales le HR pour le décès était de 0,43 (IC95 : 0,21-0,89 ; p = 0,02). De façon intéressante, le bénéfice en survie sous brigatinib versus crizotinib était meilleur en l’absence de radiothérapie cérébrale (HR = 0,25 ; IC95 : 0,08-0,75 ; p = 0,008) que chez ceux ayant une radiothérapie (HR = 0,76 ; IC95 : 0,27-2,12 ; p = 0,637).
Une fusion EML4-ALK a été détectée chez 57 (46 %) et 64 (50 %) des patients du bras brigatinib et crizotinib, respectivement. Le varient le plus commun était le V1 (environ 45 %) suivi du V3 (environ 40 %). L’analyse multivariée sur la SSP montre que les patients ayant un variant V3 répondent moins bien aux 3 ITKI (HR [IC95] V3 versus V1: 2,45 [1,07-5,60], brigatinib ; 3,42 [1,56-7,5], crizotinib). Cependant, il faut remarquer que le brigatinib montrait toujours une meilleure réponse objective et une meilleure SSP par rapport au crizotinib, quel que soit le type de variant.
Parmi les patients ayant une fusion EML4-ALK, 39 % et 36 % présentaient une mutation TP53 dans la groupe brigatinib et crizotinib, respectivement. Les patients mutés TP53 semblaient avoir une moins bonne réponse objective et SSP, mais sans différence significative (HR [IC95] pour SSP : TP53 mutation versus WT = 1,76 [0,81-3,83], brigatinib ; 1,77 [0,90-3,49], crizotinib).
Concernant l’émergence de mutations de résistance, il n’y avait pas de pattern propre à chaque variant décelé.
La tolérance était identique à celle de l’étude d’intérim, avec 78 % et 64 % de grade 3-5 dans le bras brigatinib et crizotinib, respectivement (qui étaient principalement digestif/hépatique), menant à une réduction de dose chez 44 et 25 % des patients, respectivement.
Ce que cet article apporte à ma pratique :
- Le brigatinib conserve une efficacité importante en 1re ligne avec notamment une efficacité intracrânienne majeure. Il semble que la radiothérapie cérébrale soit délétère pour les patients recevant du brigatinib en 1re ligne.
- Actuellement, la recherche des différents variants n’est pas recommandée et bien que ceux présentant un variant V3 semblent répondre moins longtemps, le bénéfice reste toujours présent.
- TP53 ne semble pas avoir d’impact majeur sur la réponse aux ITK anti-ALK en 1re ligne.
Références
1. Ross Camidge D et al. Brigatinib versus crizotinib in advanced ALK inhibitor-naive ALK-positive non-small cell lung cancer: second interim analysis of the phase III ALTA-1L trial. J Clin Oncol 2020;38:3592-603.
2. Ross Camidge D et al. Brigatinib versus crizotinib in ALK inhibitor-naive advanced ALK-positive NSCLC: final results of phase 3 ALTA-1L trial. J Thorac Oncol 2021;16:2091-108.