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Essai BrighTNess : recherche de biomarqueur associé à la réponse complète histologique
L’essai randomisé de phase III BrighTNess a été développé pour définir la meilleure stratégie thérapeutique de chimiothérapie néoadjuvante associée ou non au véliparib dans les tumeurs triple-négatives de stade 2 ou 3. L’ensemble des patientes recevaient anthracyclines plus cyclophosphamide. La randomisation était effectuée entre un traitement de paclitaxel hebdomadaire seul, ou associé à du carboplatine AUC 6 toutes les 3 semaines, ou associé à carboplatine plus veliparib 50 mg 2 fois par jour. Le critère de jugement principal de l’étude était le taux de réponse complète histologique. La première publication de l’essai en 2018 [1] était en faveur d’une augmentation du taux de réponse complète histologique avec adjonction de carboplatine (53 %) versus le standard de paclitaxel seul (31 %), et sans bénéfice à l’adjonction du véliparib (58 %) à la bichimiothérapie. La toxicité rajoutée par l’adjonction du carboplatine avec ou sans véliparib était attendue et globalement de grade 1 ou 2.
Une analyse ancillaire à l’étude principale avait été planifiée dans le protocole. Cette étude a été publiée récemment dans le JAMA Oncology [2]. L’objectif de cette analyse était d’isoler des sous-groupes de patientes bénéficiant de l’adjonction du carboplatine et du véliparib au paclitaxel. Une analyse d’association entre réponse complète histologique (RCH) et sous-types moléculaires, signature de prolifération tumorale, signatures immunitaires ont été réalisés. Après analyse qualitative du matériel tumoral disponible environ 77 % des patientes inclues dans l’essai ont pu être analysées dans cette étude ancillaire.
Le taux de réponse complète histologique était supérieur dans les tumeurs de sous-type moléculaire basal-like (PAM 50) versus non basal-like (202/386 [52,3 %] vs 34/96 [35,4 %] ; p = 0,003). Le bénéfice connu de l’adjonction du carboplatine n’était pas différent en fonction du sous-type, basal-like versus non basal-like. Le carboplatine bénéficie donc à l’ensemble des sous-types moléculaires. Les signatures de prolifération (HR = 0,36 ; IC95 : 0,21-0,61 ; p < 0,001) et signature immunitaire (HR = 0,62 ; IC95 : 0,49-0, 79; p < 0.001) étaient par contre associées à une majoration du taux de RCH (de manière indépendante). La répartition moléculaire des tumeurs en fonction des scores de signatures de prolifération et immunitaires retrouvait des taux de RCH les plus élevés dans le groupe de tumeurs présentant des scores au-dessus de la médiane (avec 67 % de taux de RCH). Les tumeurs présentant des scores médians les plus bas sur ces signatures de prolifération et immunitaire présentaient un taux de RCH faible de seulement 34 %. Enfin, une infiltration par des lymphocytes T CD8+ semblait associé à des taux de réponse complète histologique plus élevé dans le groupe de patients traités par carboplatine ce qui en fait un potentiel biomarqueur immunitaire associé au bénéfice de l’adjonction de carboplatine.
L’ESMO 2021 a vu la présentation des données actualisées de survie. L’adjonction de carboplatine au protocole paclitaxel anthracycline cyclophosphamide majore la survie sans récidive de 11 % (78 % versus 68 % ; p = 0,02) avec un recul médian de 4,5 ans. Il n’y a pas de bénéfice en survie sans récidive lié à l’adjonction de véliparib [3].
Ce que cet article apporte à ma pratique
- Cette nouvelle analyse de l’essai BrighTNess amène des informations complémentaires sur le type moléculaire de patiente le plus à risque de présenter une réponse complète histologique, facteur pronostique majeur. Les analyses sont en faveur d’une association du taux de RCH avec les sous-types basal-like versus non basal-like.
- L’utilisation du carboplatine en adjonction au protocole standard amène une majoration du taux de réponse complète histologique dans tous les sous-types moléculaires.
- Les signatures immunitaires et de prolifération (de manière indépendantes) sont associées à un taux de RCH majoré. L’infiltration par des lymphocytes T CD8+ semble être une piste de biomarqueur de ces signatures immunitaires.
- Les données récentes avec un long recul médian retrouvent un gain statistiquement et cliniquement significatif de l’adjonction de carboplatine au paclitaxel en néoadjuvant de tumeurs triple-négatives. Néanmoins, la toxicité majorée par l’adjonction de carboplatine (notamment sur le plan hématologique) limitera potentiellement la généralisation complète du carboplatine à toutes les patientes avec tumeur triple-négative.
À retenir
L’essai BrighTNess a démontré l’intérêt de l’adjonction du carboplatine au paclitaxel en néoadjuvant de tumeur triple-négative en terme de majoration du taux de réponse complète histologique et récemment en terme de survie sans récidive en faisant un nouveau standard. La nécessité de déterminer des biomarqueurs de bénéfice en termes de réponse complète histologique et en partie répondu par cette étude ancillaire. Le carboplatine bénéficie à l’ensemble des sous-types moléculaires. Les tumeurs exprimant fortement les signatures immunitaires sont associées à une RCH. Des études complémentaires sur l’utilisation de l’infiltration par des lymphocytes T CD8+ comme biomarqueur de ces signatures immunitaires sont en cours.
Références
1. Loibl S et al. Lancet Oncol 2018;19(4):497-509.
2. Filho OM et al. JAMA Oncol 2021 ;7(4):603-8.
3. Loibl S et al. ESMO 2021 ; abstr. 1190.