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Les SERD : des résultats en demi-teinte
L'hormonothérapie est le traitement standard des cancers du sein luminaux avancés. Les SERD, dégradeurs sélectifs du récepteur aux estrogènes, font l'objet de très nombreux essais avec une dizaine de molécules différentes en cours de développement. Les résultats de ces études sont depuis peu présentés, voire publiés. Un des avantages de ces molécules par rapport au fulvestrant réside dans leur administration par voie orale.
L'étude EMERALD est un essai de phase III comparant l’élacestrant à une hormonothérapie standard du type fulvestrant ou inhibiteur de l'aromatase chez des patientes ayant bénéficié de 1 à 2 lignes d'hormonothérapie en ligne avancée dont un inhibiteur de CDK4/6. Une ligne de chimiothérapie était autorisée. Les résultats viennent d’être publiés dans le Journal of Clinical Oncology [1].
477 patients ont été randomisés, dont 47,8 % présentaient une mutation d'ESR1. Environ 70 % des patients présentaient des métastases viscérales. Le critère de jugement principal – qui était la survie sans progression (SSP) – est positif en faveur de l’élacestrant (HR = 0,70 ; IC95 : 0,55–0,88 ; p = 0,002). La présence à l'inclusion d'une mutation d’ESR1 était un facteur de stratification. Chez les patientes présentant une mutation d’ESR1, le bénéfice de l’élacestrant était encore plus important avec un HR à 0,55 (IC95 : 0,39-0,77 ; p = 0,0005). L’analyse des courbes de survie sans progression tempère néanmoins la positivité statistique en SSP. En effet, ces dernières retrouvent très précocement (à 2 mois de traitement) une progression d’environ 40 % des patientes dans le bras élacestrant et 60 % dans le bras hormonothérapie standard en faveur d'une hormonorésistance limitante chez ces patientes déjà polytraitées par hormonothérapie.
L’appréciation du bénéfice de l’élacestrant peut être appréhendée par la SSP à 6 mois qui est de 34,3 % (IC95 : 27,2-41,5) versus 20,4 % (IC95 : 14,1-26,7) sur l'ensemble des patientes randomisées, et de 40,8 % (IC95 : 30,1-51,4) versus 19,1 % (IC95 :10,5-27,8) chez les patientes porteuses de mutations ESR1. Les données de survie globale n'étaient pas matures, néanmoins en faveur de l’élacestrant.
La tolérance était correcte pour l’élacestrant avec notamment plus de nausées (35,0 versus 18,8 %), de fatigue (19,0 versus 18,8 %), de vomissements (19,0 versus 8,3 %), d’anorexie (14,8 versus 9,2 %), et d’arthralgies (14,3 versus 16,2 %). Les effets indésirables de grade 3/4 étaient plus importants avec l’élacestrant (27 versus 20,5 %).
Parallèlement à cette publication, les données de 2 autres SERD ont été présentées récemment à l’ESMO 2022 [2, 3].
La première, l’étude acelERA, comparait le girédestrant à une hormonothérapie au choix de l’investigateur (fulvestrant ou inhibiteur d'aromatase ± agoniste de la LH-RH) en 2e ou 3e ligne. Le critère d'évaluation principal était la SSP. 39 % des patientes présentaient des mutations d’ESR1. Seulement 40 % avaient reçu un inhibiteur de CDK4/6 au préalable. L’étude est négative sans différence de SSP (HR = 0,81 ; IC95 : 0,6-1,10 ; p = 0,18). Chez les patientes avec une mutation d’ESR1, il était retrouvé un bénéfice en matière de SSP (HR = 0,60 ; IC95 : 0,35-1,03). Le girédestrant était bien toléré, avec un profil de sécurité comparable à celui d’une hormonothérapie standard.
La deuxième, l‘étude randomisée ouverte de phase II AMEERA-3, comparait l’amcénestrant à une hormonothérapie au choix de l’investigateur (fulvestrant, inhibiteur de l'aromatase ou tamoxifène) chez des patientes traitées par maximum 2 lignes d’hormonothérapie et au plus 1 ligne de chimiothérapie. 80 % des patientes avaient été préexposées à un inhibiteur de CDK4/6. Il n’était pas retrouvé là non plus de différence en SSP avec des médianes de 3,6 contre 3,7 mois (HR = 1,051 ; IC95 : 0,789-1,4 ; p = 0,6437). Dans la population mutée ESR1, le bénéfice de l’amcénestrant n’était pas statistiquement significatif.
Ce que cet article apporte à ma pratique
- L’élacestrant est le premier SERD à démontrer un bénéfice en survie sans progression par rapport à une hormonothérapie standard en 2e ou 3e ligne versus une hormonothérapie standard post-CDK4/6. Ce bénéfice est néanmoins modeste dans une population d’essai très (trop) hormonorésistante.
- La tolérance du traitement est correcte sans événement cardiaque ou oculaire, comme rapporté avec d'autres molécules en développement, même s’il existe une toxicité supérieure aux hormonothérapies standard.
- Les données non encore publiées, mais présentées à l’ESMO 2022, du girédestrant et de l’amcénestrant dans cette même population hormonorésistante sont négatives.
- L’apport des SERD en monothérapie est donc limité en phase d’hormonorésistance.
- La population tirant le plus de bénéfice des SERD par rapport notamment au fulvestrant sur ces 3 études est clairement celle des patientes présentant une mutation d’ESR1.
À retenir
Les SERD sont une nouvelle classe thérapeutique dont le bénéfice en phase d’hormonorésistance n’a, à ce jour, été démontré que pour l’élacestrant. Les mutations d’ESR1 semblent être un biomarqueur prédictif d’efficacité. Les résultats négatifs de l'essai AMEERA-3 ont conduit à l’arrêt complet du développement de cette molécule, jetant un froid sur cette classe thérapeutique alors même que de nombreux SERD sont en cours d’essai en phase précoce et en 1re ligne avancée. Reste à savoir comment, avec un profil de tolérance plus complexe et des bénéfices cliniques limités, les autorités se positionneront pour un éventuel remboursement.
Références
1. Bidard FC et al. Elacestrant (oral selective estrogen receptor degrader) versus standard endocrine therapy for estrogen receptor-positive, human epidermal growth factor receptor 2-negative advanced breast cancer: Results from the randomized phase III EMERALD trial. J Clin Oncol. 2022;40(28):3246-56.
2. Jimenez MM et al. Giredestrant (GDC-9545) vs physician choice of endocrine monotherapy (PCET) in patients (pts) with ER+, HER2– locally advanced/metastatic breast cancer (LA/mBC): Primary analysis of the phase II, randomised, open-label acelERA BC study. ESMO 2022. Abstr. 211MO.
3. Tolaney SM et al. AMEERA-3, a phase II study of amcenestrant (AMC) versus endocrine treatment of physician’s choice (TPC) in patients (pts) with endocrine-resistant ER+/HER2− advanced breast cancer (aBC). ESMO 2022. Abstr. 212MO.