Depuis sa description en 1944 par Jan Waldenström, initialement comme une forme inhabituelle de myélome, la macroglobulinémie de Waldenström (MW) est restée, au fil des ans, une entité à part au sein des hémopathies lymphoïdes B chroniques. Les particularités histopathologiques et la présentation clinique parfois complexe de cette maladie protéiforme ont contribué à ce qu’elle ne devienne pas simplement une forme plasmacytoïde et sécrétante de lymphome de la zone marginale. Assurément, la mise en évidence par Steven Treon et son équipe en 2012 d’une mutation récurrente (MYD88L265P) dans plus de 90 % des cas de MW, associée dans 30 à 40 % des cas à une mutation de CXCR4, a contribué à asseoir définitivement cette entité. Dans la dernière classification OMS de 2022, elle reste définie comme un lymphome lymphoplasmocytaire médullaire sécrétant une IgM quel que soit son taux, sans changement ni remise en question par la classification concomitante de l’ICC (International Consensus Classification). La participation de l’hématologie française – et spécialement celle de Véronique Leblond et Pierre Morel – dans l’étude de la MW a été marquante, notamment dans la description d’un score pronostique international (2009), en montrant qu’on pouvait faire mieux que le chlorambucil avec la fludarabine (2013) ou encore qu’une immunochimiothérapie (ICT) par DRC (dexaméthasone + rituximab + cyclophosphamide) pouvait rester un standard de traitement (2023). Issu de la fusion du GCFLLCMW et du GOELAMS, le FILO a très activement participé à la mise en place d’études cliniques prospectives et de cohortes dans la MW. Suivant une évolution logique, l’activité lymphoïde du groupe FILO incluant donc la MW a migré en 2024 vers le LYSA dans un souci d’unité consacrée aux hémopathies lymphoïdes, ce qui laissera au FILO toute latitude pour développer au mieux les protocoles de traitement des leucémies aiguës.
Dans ce dossier consacré à la MW, en phase avec la rédaction actuelle de recommandations nationales de prise en charge, dont la version définitive sera présentée au prochain congrès de la Société française d’hématologie, nous avons tout d’abord souhaité insister sur ses particularités biologiques, notamment sur son paysage moléculaire, en prenant soin de préciser les conditions analytiques et préanalytiques permettant de rendre des résultats valides. Une fois le diagnostic réalisé, la mise en place d’une thérapeutique est guidée par des critères en l’absence desquels les patients doivent être simplement surveillés. Notre approche en 1re ligne suit un paradoxe. En opposition à certaines équipes qui recommanderaient d’emblée l’utilisation d’un inhibiteur covalent de BTK (iBTKc), dont la pertinence n’a jamais été démontrée dans une étude randomisée, nous préconisons toujours l’ICT basée sur le BR (bendamustine + rituximab) ou le DRC dont le profil d’efficacité et de tolérance reste compétitif. En revanche, et c’est l’autre élément du paradoxe, grâce à l’expérience accumulée dans la leucémie lymphoïde chronique et à nos travaux, nous réservons l’ICT uniquement aux patients n’ayant pas d’altération de TP53, par FISH et biologie moléculaire, à rechercher soigneusement sur examen médullaire avant toute ligne thérapeutique. La mise en place d’un traitement de rechute suit les mêmes critères qu’en 1re ligne. Nous recommandons de bien analyser le pedigree thérapeutique, le délai depuis la ligne antérieure jusqu’à la mise en place d’une nouvelle ligne, les fragilités (notamment cardiovasculaires) et de réaliser une nouvelle analyse moléculaire incluant TP53 et CXCR4. Dans les rechutes post-ICT, à moins d’une contre-indication, nous préconisons la prescription de l’un des 2 iBTKc ayant une AMM en France. L’absence de mutation de MYD88 et la présence d’une mutation de CXCR4 sont associées à des réponses plus lentes, moins profondes et plus courtes. Mais ces anomalies ne doivent pas décourager la prescription d’un des 2 iBTK, dont le choix reste guidé par le profil de tolérance. Finalement, nous avons choisi d’aborder un des multiples aspects cliniques de la MW : le syndrome de Bing-Neel, complication parfois méconnue, parfois diagnostiquée avec retard tant la symptomatologie peut être trompeuse, si l’hypothèse n’est pas envisagée et que les examens complémentaires appropriés incluant une IRM cérébrale et/ou médullaire suivie d‘une analyse du liquide cérébrospinal ne sont pas réalisés. La prise en charge de ce syndrome a été transformée par le développement des iBTKc dont la diffusion neuroméningée est suffisante.
Bonne lecture.■

