Le docétaxel est souvent responsable d'arthralgies et de myalgies qui apparaissent généralement en fin de traitement, après 6 ou 8 cycles, cédant habituellement en quelques semaines (moins de 2 mois).
Une équipe de la Timone (1) a rapporté un cas, chez un homme âgé de 52 ans, de myosite aiguë de grade 4 – un effet très rare du docétaxel. Ce patient, diabétique traité par metformine et gliclazide, fumeur (15 paquets-années), était pris en charge pour un cancer de la prostate résistant à la castration métastatique après échec de l'acétate d'abiratérone associé au dénosumab. Une semaine après la seconde injection de docétaxel, il a présenté des douleurs bilatérales des membres inférieurs avec un déficit moteur, responsable d'une impotence fonctionnelle, une perte de poids de 2 kg et une altération de l'état général (ECOG 2).
À l'examen, le déficit de la force musculaire était coté 4/5. Un œdème inflammatoire, douloureux, des 2 cuisses mais aussi du bras gauche était noté. Les réflexes étaient respectés, ainsi que la sensibilité et la mobilité articulaire. Les enzymes musculaires étaient très élevées, avec un taux de créatine phosphokinase à 3 200 UI/l (N < 308) et de myoglobine à 36 800 μg/l (N < 7), la fonction rénale étant normale. Les causes classiques de rhabdomyolyse médicamenteuse (statine, colchicine, hydroxychloroquine) ou compressive ont été facilement écartées. Les explorations thyroïdienne et infectieuses (hémocultures, sérologie de Lyme, trichinose, grippe, virus d'Epstein-Barr, cytomégalovirus) se sont révélées négatives. Il n'a pas été retrouvé d'anticorps auto-immuns, notamment parmi ceux qui sont spécifiques de la myosite (antinucléaires, antineutrophiles, anti-PL-7, PL-12, anti-EJ, anti-SRP, anti-Mi-2, anti-MDA5, anti-TIF-1, anti-SSA, anti-SAE-1, anti-NXP-2). L'IRM a montré un œdème marqué par un hypersignal en T2 au niveau de plusieurs muscles, notamment des adducteurs, avec prise de contraste lors de l'injection de gadolinium. Il y avait aussi une infiltration liquidienne au niveau des fascias intermusculaires.
Le patient présentant un taux très faible d'albumine (19,7 g/l) alors que son bilan hépatique était normal, l'hypothèse la plus probable était celle d'une fuite capillaire, confirmée par une scintigraphie à l'albumine marquée au technétium montrant une hyperfixation au niveau des cuisses et des bras.
Sur l'ensemble de ces arguments, le diagnostic de myosite et de fasciite au docétaxel a été retenu. Il n'a pas été réalisé de biopsie musculaire, le diagnostic de dermatopolymyosite paranéoplasique étant improbable. L'évolution a confirmé le diagnostic de rhabdomyolyse médicamenteuse.
Le patient a été traité par antalgiques simples et morphiniques sans corticothérapie (à cause du diabète). Les signes cliniques et biologiques se sont résolus en 2 semaines. La mobilité était revenue à la normale à 2 mois.
Commentaire. En tout, 5 cas de myosite consécutive au docétaxel ont été rapportés dans la littérature (2-5). Dans les 5 cas, les patients étaient diabétiques, et, dans 4 cas, ils étaient aussi hypertendus. Diabète et hypertension sont des facteurs de risque connus de myosite idiopathique (6).
Cette complication, sans doute sous-estimée en cas de présentation a minima, doit évidemment faire suspendre le docétaxel.

