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Éditorial

Nouvelle définition de l’obésité : la force des évidences


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Entre 1990 et 2022, la prévalence de l’obésité a quadruplé chez les enfants et les adolescents, et doublé chez les adultes : plus d’un milliard d’individus à travers le monde seraient aujourd’hui en situation d’obésité, et l’on estime que ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050. L’obésité, classiquement définie par un indice de masse corporelle (IMC) supérieur ou égal à 30 kg/m2, constitue désormais la 5e cause de décès dans le monde et les conséquences de cette pandémie dépassent largement le cadre individuel pour devenir un enjeu sociétal et économique majeur. Les systèmes de santé du monde entier se retrouvent aujourd’hui confrontés à un défi sans précédent, nécessitant le développement d’actions de prévention à large échelle et la mise en œuvre de stratégies d’intervention personnalisées multimodales. C’est dans ce contexte extrêmement préoccupant qu’une commission internationale réunissant 58 experts a publié, en janvier 2025, un texte visant à proposer une nouvelle définition de l’obésité [1]. L’objectif déclaré était de sortir d’une approche simpliste fondée sur le seul IMC pour adopter une vision plus nuancée, plus fidèle à la réalité clinique et mieux adaptée aux enjeux de santé publique. Cette initiative marque un véritable tournant dans la compréhension et la prise en charge de l’obésité, en la requalifiant non plus comme un simple excès de poids associé à une augmentation du risque d’un certain nombre de pathologies, mais comme une maladie chronique résultant d’une interaction complexe entre facteurs génétiques, environnementaux, comportementaux et métaboliques, aux conséquences souvent délétères.

Pour autant, cette refonte s’appuie surtout sur des évidences connues et reconnues que cette nouvelle définition a le mérite de (re)mettre en lumière. On sait par exemple depuis longtemps que l’IMC est un outil simple mais imparfait : il ne permet pas de distinguer la masse grasse de la masse musculaire et ne dit rien sur la répartition du tissu adipeux, ni sur les conséquences fonctionnelles de l’excès de poids. De fait, la commission propose de ne plus utiliser l’IMC comme critère diagnostique unique, mais de le compléter par des mesures plus fines : tour de taille, rapport tour de taille/tour de hanches, rapport tour de taille/taille, évaluation de la composition corporelle (bio-impédance­métrie, absorptio­métrie biphotonique ou DEXA) et surtout, impact fonctionnel sur les organes et les tissus. La principale innovation de cette définition réside dans la distinction entre deux états associés à une adiposité excessive et/ou anormale : d’une part, l’obésité préclinique, sans altération fonctionnelle des autres tissus et organes, et d’autre part, l’obésité clinique, définie comme une maladie chronique systémique avec des altérations de la fonction des tissus, des organes et/­ou de l’individu dans son ensemble. Cette distinction, inspirée du modèle du prédiabète, permet de cibler les interventions et d’éviter la surmédicalisation : perte de poids pour prévenir la progression vers l’obésité clinique et ses risques en cas d’obésité préclinique ; prise en charge globale visant à l’amélioration des signes, symptômes et limitations des activités quotidiennes en cas d’obésité clinique. Ce nouveau cadre diagnostique peut apparaître comme un truisme aux yeux des cliniciens qui, pour beaucoup, savent depuis longtemps que l’obésité ne se résume pas à un chiffre sur la balance et que ses conséquences peuvent varier sensiblement d’un individu à un autre, mais il permet de mieux percevoir, de mieux comprendre et – on l’espère – de mieux prendre en charge une condition complexe devant être évaluée dans son contexte, en tenant compte de ses répercussions sur la santé physique, mentale et sociale.

Cette nouvelle définition est un retour au bon sens médical, celui qui privilégie l’observation, l’écoute et l’individualisation des soins et permet de mettre en œuvre une prise en charge fondée sur des preuves. Au-delà de son impact sur la pratique clinique, elle a des implications majeures pour les politiques de santé. Elle permet de mieux cibler les ressources, et surtout de lutter contre les préjugés et la stigmatisation qui entourent encore trop souvent les personnes en situation d’obésité. Reconnaître cette condition comme une maladie chronique, complexe et évolutive, permet de sortir du prisme culpabilisant de la responsabilité individuelle et ouvre la voie à une prise en charge plus juste, plus humaine et plus efficace… à condition qu’il existe une volonté politique forte, des financements dédiés, une meilleure formation des soignants et une coordination interdisciplinaire pour mettre en œuvre les changements nécessaires. Sans cela, cette nouvelle définition de l’obésité risque de rester lettre morte.■

Références

1. Rubino F et al. Definition and diagnostic criteria of clinical obesity. Lancet Diabetes Endocrinol 2025;13(3):221-62.


Liens d'intérêt

P. Darmon déclare avoir des liens d’intérêts avec Novo Nordisk, Orkyn, Lilly, Sanofi, Boehringer Ingelheim, AstraZeneca, Menarini, Abbott, Bayer et UCB Pharma.

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