Les liens entre troubles psychiatriques et affections dermatologiques suscitent régulièrement et depuis longtemps l’intérêt des cliniciens et chercheurs. Ces liens sont multiples et variés, à commencer par les similitudes cliniques des maladies dermatologiques et psychiatriques, de la chronicité à l’impact social et à la qualité de vie. Les traitements, en raison de leurs effets indésirables croisés dermatologiques ou psychotropes, constituent un autre point de convergence. Ces effets indésirables montrent aussi que des mécanismes physiopathologiques communs sont potentiellement à l’œuvre dans les maladies dermatologiques et psychiatriques, comme l’inflammation, les dysrégulations immunitaires ou encore une vulnérabilité génétique partagée. Enfin, les interactions réciproques entre maladies dermatologiques et troubles psychiatriques sont bien connues.
Dans ce dossier des revues Images en Dermatologie et La Lettre du Psychiatre, rédigé conjointement par des dermatologues et des psychiatres, plusieurs articles viennent éclairer ces enjeux. Le premier, signé par Émilie Brenaut, passe en revue les associations épidémiologiques entre la schizophrénie et les différentes dermatoses inflammatoires ou auto‑immunes, notamment le psoriasis, la dermatite atopique ou l’hidradénite suppurée. Les études convergent vers l’hypothèse de mécanismes inflammatoires et immunitaires communs. Cet article souligne également la nécessité de mieux prendre en charge les affections dermatologiques chez les patients souffrant de schizophrénie, souvent sous‑diagnostiquées et sous-traitées.
Dans un second temps, Florian Stéphan s’intéresse à la maladie de Verneuil. Cette pathologie chronique est associée à plusieurs troubles psychiatriques, comme les troubles dépressifs, anxieux, ou encore les addictions. L’auteur met aussi en évidence des mécanismes biologiques communs, tels que l’inflammation et la dérégulation de l’axe hypothalamohypophysaire.
Les effets indésirables dermatologiques des psychotropes représentent un enjeu clinique majeur. Numa Deydier rappelle que toutes les classes pharmacologiques sont concernées, des antidépresseurs aux thymorégulateurs et antipsychotiques. Si la plupart des manifestations dermatologiques restent bénignes, certaines toxidermies peuvent être graves et engager le pronostic vital, ce qui impose une vigilance particulière et une collaboration entre psychiatres et dermatologues.
Les interactions entre les traitements dermatologiques et la psychiatrie sont également abordées par Lucas Slama dans un article consacré à l’isotrétinoïne, traitement de référence de l’acné sévère. Son efficacité spectaculaire s’accompagne d’une controverse persistante sur les risques dépressifs et suicidaires. Les données récentes n’ont pas confirmé ce lien – on parle même d’effet protecteur de l’isotrétinoïne.
Enfin, Laurent Misery présente une réflexion approfondie sur le prurit psychogène. Il propose l’introduction du concept de “prurit pruriplastique”, par analogie avec la douleur nociplastique. Ce changement de paradigme permet de mieux reconnaître le retentissement de cette problématique, et d’envisager des prises en charge adaptées, psychothérapeutiques comme pharmacologiques.
En réunissant ces travaux, ce dossier illustre la richesse et l’actualité du dialogue entre psychiatrie et dermatologie, dans la recherche comme dans la pratique clinique quotidienne. Nous vous souhaitons, chers lecteurs, une excellente lecture.

