L’infection à papillomavirus humain (HPV) demeure l’une des infections virales les plus fréquentes et les plus insidieuses du monde moderne. Universelle, silencieuse et polymorphe, elle touche les 2 sexes et s’exprime à travers une diversité de pathologies dont le spectre ne cesse de s’élargir.
Longtemps considérée sous le seul prisme du cancer du col de l’utérus, cette infection virale s’impose aujourd’hui comme un acteur central dans la carcinogenèse des muqueuses anogénitales et oropharyngées.
Ce numéro spécial de La Lettre du Gynécologue, en coédition avec La Lettre du Cancérologue, s’inscrit dans une approche transversale, pluridisciplinaire et engagée, à l’image des défis que pose l’HPV à notre communauté médicale.
Gynécologues, oncologues, urologues, proctologues, ORL et spécialistes de la reproduction se retrouvent ici autour d’un objectif commun : mieux comprendre, mieux prévenir et mieux traiter les cancers HPV-induits et leurs conséquences en clinique.
HPV : une épidémie silencieuse, un enjeu collectif
L’HPV est responsable de près de 5 % de l’ensemble des cancers humains. En France, chaque année, plus de 6 000 nouveaux cas de cancers sont attribués à cette infection, parmi lesquels dominent les localisations anogénitales et oropharyngées.
Le cancer du col utérin reste emblématique, mais d’autres formes, longtemps méconnues, gagnent du terrain : les cancers du canal anal, du pénis et de l’oropharynx sont également liés aux génotypes oncogènes du virus, notamment HPV16 et 18.
Si le rôle du gynécologue dans la détection et la prévention de ces infections est historique, il est aujourd’hui essentiel de replacer cette expertise dans une vision globale de santé publique. L’HPV n’est pas une pathologie féminine : c’est une infection humaine, qui nécessite une réponse sociétale, vaccinale et médicale inclusive.
Des avancées majeures, des défis persistants
Les progrès récents dans la compréhension des mécanismes oncogéniques de l’HPV se traduisent par des avancées tangibles :
- en prévention, la vaccination prophylactique anti-HPV est particulièrement efficace sur les lésions précancéreuses du col utérin, mais aussi sur les cancers anaux, péniens et oropharyngés. L’élargissement de la vaccination aux garçons marque une étape décisive vers une immunité de groupe indispensable à la réussite des programmes vaccinaux ;
- en dépistage, la transition vers le test HPV comme outil de première intention révolutionne la prévention secondaire du cancer du col ;
- en thérapeutique, les progrès des approches combinées (radiochimiothérapie, immunothérapie, thérapies ciblées) et des biomarqueurs viraux (ADN tumoral circulant, sérologie anti-E6) ouvrent la voie à une cancérologie plus personnalisée.
Toutefois, malgré ces avancées, des obstacles demeurent : couverture vaccinale encore insuffisante en particulier en France, inégalités d’accès au dépistage, stigmatisation de certaines populations à risque. Autant de freins qu’il nous appartient de lever collectivement.
Un regard croisé sur les localisations HPV-induites
Dans ce numéro, plusieurs experts nous livrent une synthèse actualisée et didactique sur les principales localisations des cancers liés à l’HPV :
- le canal anal : Aurélie Streichenberger et Clélia Coutzac illustrent l’impact du dépistage ciblé et les traitements avec l’association radiochimiothérapie pour les stades localisés, et l’association docétaxel-cisplatine-fluorouracile pour les stades métastatiques ;
- le pénis : Clément Dumont et al. rappellent l’importance du diagnostic précoce et de la vaccination masculine, trop souvent négligée, l’HPV étant responsable de 50 % des cancers épidermoïdes du pénis ;
- l’oropharynx : Haitham Mirghani décrit les spécificités biologiques et cliniques des formes HPV-positives, désormais au coeur des stratégies de désescalade thérapeutique ;
- le col de l’utérus : Quentin Verdet et al. exposent la révolution de l’immunothérapie dans la prise en charge de ces cancers ;
- la vulve et le vagin : Mathilde Saint-Ghislain résume les options thérapeutiques de ces tumeurs rares qui ont un très mauvais pronostic pour les stades avancés ;
- la photothérapie dynamique : présentée par Henri Clavé et al., elle constitue une solution thérapeutique alternative innovante et non invasive pour les lésions cervicales ;
- la recherche d’HPV dans le sperme des patients infertiles exposée par Sophie Brouillet semble être une piste intéressante puisqu’associée à une diminution significative de la fertilité spontanée ainsi qu’à l’assistance médicale à la procréation.
Ces contributions démontrent combien le virus dépasse les frontières des spécialités et impose une vision intégrée de la prévention et du soin.
Un impératif d’action et de coopération
L’histoire de la lutte contre l’HPV est celle d’une victoire en devenir.
Nous disposons d’un vaccin sûr, d’outils de dépistage performants et de traitements toujours plus efficaces. Ce qui manque encore, c’est une mobilisation collective à la hauteur de l’enjeu.
Gynécologues, pédiatres, généralistes, urologues, ORL, oncologues, mais aussi éducateurs et décideurs de santé publique, tous ont un rôle à jouer.
La génération sans cancer lié à l’HPV n’est pas une utopie : elle est à portée de main, pour peu que nous en fassions une priorité nationale.
Bonne lecture !

