Chaque année en France, quelques centaines Âd’enfants attendent une greffe. Si ce chiffre est moins important que pour les adultes, pour chacun d’entre eux, la transplantation constitue une nécessité vitale. À cette urgence clinique répond Âl’impératif collectif de garantiÂÂÂr, à travers l’organisation du système de prélèvement et de greffe, une équité d’accès à la greffe et une efficacité maximale dans Âl’allocation des greffons.
Ce numéro du Courrier de la Transplantation, coordonné par l’Agence de la biomédecine, fait le point sur les spécificités du prélèvement d’organes sur donneurs pédiatriques. Il s’attache à rendre compte de leur Âréalité épidémiologique, technique et humaine. Il met en lumière les avancées récentes comme les obstacles persistants, en donnant la parole à celles et ceux qui, au quotidien, accompagnent ces situations complexes.
Les règles de répartition des greffons en vigueur en France traduisent une volonté constante de répondre aux besoins spécifiques des enfants. Ainsi, les receveurs pédiatriques bénéficient d’une priorité d’accès aux greffons issus de donneurs pédiatriques ou de jeunes adultes. Il s’agit de répondre à l’exigence d’équité, tout en tirant parti des meilleures compatibilités anaÂtoÂmiques et immunoÂÂÂlogiques possibles. Dans certains cas, des greffons pédiatriques peuvent aussi bénéficier à de jeunes adultes, selon des indications précises.
Pourtant, malgré cette volonté du régulateur, le prélèvement d’organes pédiatriques est en régression. Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, une diminution du recensement effectif dans les Âréanimations pédiatriques. Ensuite, une augmentation significative du taux d’opposition exprimée par les familles. Enfin, une autoÂÂÂcensure probable dans certaines équipes, face à la complexité humaine et émotionnelle que représentent ces situations.
L’évocation du don d’organes dans un contexte pédiatrique est en effet une démarche particulièrement sensible. Elle suppose une coordination étroite entre réanimateurs et équipes de prélèvement, une parole ajustée, un accompagnement respectueux des parents endeuillés. Les professionnels hospitaliers impliqués dans ces démarches, qu’ils soient réanimateurs, Âcoordinateurs ou psychologues, soulignent la charge émotionnelle considérable qui entoure ces situations.
À ces éléments s’ajoute une forte disparité territoriale dans le recensement et le prélèvement de donneurs pédiatriques. Elle reflète autant la diversité des organisations hospitalières que l’inégale diffusion des formations, des outils de soutien, et des collaborations entre services. Elle traduit aussi, plus largement, la complexité du prélèvement pédiatrique, qui mobilise des compétences et des postures professionnelles très spécifiques.
L’Agence de la biomédecine a fait de ce sujet une priorité d’action. Dans le cadre du Plan greffe, un groupe de travail sur le prélèvement pédiatrique a été mis en place, réunissant des professionnels de terrain et des représentants des institutions concernées. Il vise à renforcer les formations, développer les partenariats entre Âcoordinations hospitalières de prélèvement et réanimations pédiatriques, soutenir les professionnels dans leurs pratiques, et contribuer à une meilleure Âreconnaissance des spécificités du prélèvement pédiatrique.
Ce numéro du Courrier de la Transplantation illustre ces spécificités. Il aborde les particularités du diaÂÂgnostic de mort encéphalique chez l’enfant, les conditions de réanimation du donneur pédiatrique, les gestes chirurgicaux, les enjeux d’organisation et de répartition. Il donne également toute sa place à la parole des coordinateurs hospitaliers et des psychologues, qui décrivent avec justesse les conditions d’un entretien respectueux avec les familles. Le soutien à ces professionnels est un axe majeur de progrès, car c’est sur leur capacité à instaurer une relation de confiance que repose la possibilité du don.
Le prélèvement pédiatrique s’inscrit aussi dans des évolutions plus larges. Le développement du prélèvement sur donneurs décédés après arrêt circulatoire contrôlé (Maastricht 3), désormais autoÂÂÂrisé chez les enfants, constitue une avancée importante. Il élargit les possibilités de don dans un cadre éthique Âclairement défini, et fait l’objet d’un article spécifique dans ce numéro. Son déploiement implique une mobilisation des équipes, une sécurisation des pratiques et un accompagnement des établissements.
Enfin, il convient de rappeler que le prélèvement pédiatrique concerne également les tissus, et plus précisément les valves cardiaques et les cornées. Ces dons, parfois moins médiatisés, permettent eux aussi de transformer la vie d’enfants en attente, et méritent une pleine reconnaissance.
En définitive, le prélèvement pédiatrique représente un champ d’action à part entière. Rare et difficile, il est cependant vecteur d’une portée symbolique et médicale considérable. Il nous oblige collectivement à garantiÂÂÂr que chaque situation potentielle soit identifiée, accompagnée et respectée. Il nous oblige aussi à soutenir les professionnels qui s’y engagent. Il nous impose enfin de créer les conditions pour une libération de la parole auprès des familles. En effet, si l’on ne peut jamais exiger le don, nous devons toujours rendre possible le choix.
Ce numéro s’inscrit dans cette ambition. Comprendre, documenter, partager : autant d’étapes nécessaires pour que, même dans les circonstances les plus douloureuses, le geste de donner reste envisageable. Et qu’il devienne, autant que possible, un acte de soins, de Âsolidarité, de vie.â–

