Qui n’a jamais suggéré à un patient d’avoir une alimentation “équilibrée” ? Mais comment cette proposition est-elle perçue par les parents et, surtout, comment est-elle appliquée à la maison ?
Dans nos sociétés modernes, l’alimentation de l’enfant ne se transmet plus uniquement au sein des familles : les recettes des grands-parents, les habitudes régionales, les repas partagés constituaient la base d’un équilibre qui, sans être parfait, était rassurant et cohérent. Aujourd’hui, les repères sont déplacés. Ce sont désormais les médias, les campagnes de prévention, et bien souvent, les réseaux sociaux qui dictent les normes alimentaires.
Les injonctions nutritionnelles sont partout : limiter le sucre, privilégier le bio, bannir le gluten, surveiller les portions, respecter des horaires, etc. Chaque jour semble apporter son nouveau lot de recommandations, parfois contradictoires, amplifiées par des influenceurs ou des figures médiatiques plus prescriptrices que les professionnels eux-mêmes. Face à cette cacophonie, les parents oscillent entre la volonté de “bien faire” et la crainte de “mal faire”, au risque d’altérer ce moment de plaisir et de convivialité.
Vous vouliez dire “variez les textures et les couleurs”, certains auront compris “forcez-le à manger des légumes”. Vous pensiez “n’oubliez pas les protéines animales et les matières grasses”, d’autres comprendront “obligez-le à finir son assiette”. Or, l’équilibre nutritionnel n’est ni une formule universelle, ni une norme rigide. Il se construit dans la durée, à l’échelle de chaque enfant, de chaque famille, avec ses contraintes, ses habitudes et son histoire.
Le rôle des soignants, et des pédiatres en particulier, est alors de réintroduire de la nuance et de s’adapter : rappeler que la diversité l’emporte sur l’interdit, que la régularité vaut mieux que la perfection, et qu’une alimentation choisie et non imposée est souvent plus bénéfique qu’une quête d’idéal inatteignable.
Il s’agit donc de redonner confiance aux parents dans leur propre savoir-faire, de valoriser les héritages culturels et familiaux, tout en intégrant les connaissances scientifiques actualisées. Autrement dit, une forme de liberté : celle de nourrir son enfant avec bon sens, dans la sérénité, et non sous le poids de normes infondées ou excessives.
J’espère qu’à la lecture de ce nouveau numéro, vous trouverez l’équilibre… ●