Congrès/Réunion

Congrès de la Société française d'endocrinologie
Poitiers, du 11 au 14 octobre 2017

Mis en ligne le 15/12/2017

Mis à jour le 16/12/2017

Auteurs : Rachel Desailloud

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  • Le 34e congrès de la SFE s'est tenu à Poitiers, ville du Futuroscope. Les communications ont été encore une fois riches d'enseignements. Nous avons choisi de vous rapporter 2 conférences plénières qui ouvrent des perspectives d'avenir…

Inflammation et diabète de type 2

(d'après la conférence plénière du Dr Donath, Suisse)

D'une simple constatation à un traitement du diabète de type 2… Le signal glucose induit une élévation de la sécrétion dans les îlots d'IL-1 β, ce qui amène à conclure que l'arrivée du glucose dans la circulation est en fait un stress métabolique et qu'une réponse d'IL-1 β constitue une réponse inflammatoire à ce stress ; en effet, il s'agit d'une cytokine pro-inflammatoire induisant la fièvre lors des épisodes infectieux.

Partant de cette constatation, l'équipe de Donath a proposé de contrer cette réponse inflammatoire par des anticorps anti-IL-1 β (anakinra). Ce blocage induit chez les patients traités une diminution de l'HbA1c et de la CRP ainsi qu'une augmentation de l'insulinosécrétion. Des effets plus généraux sont observés : chez le sujet obèse, la sécrétion de cortisol est diminuée ; le blocage de la réponse cytokinique 1 β a des effets bénéfiques sur les symptômes de la maladie goutteuse et de la polyarthrite rhumatoïde.

Ces constatations ont conduit à un essai thérapeutique de prévention secondaire chez des patients atteints d'un syndrome métabolique et dont la CRP dépassait 2 mg/l avec le canakinumab (essai Canthos). Avec une injection tous les 3 mois, il a été observé une diminution de 49 % des événements cardiovasculaires et une diminution des maladies inflammatoires. Les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine en 2017 (1). Il a aussi été observé une diminution du cancer du poumon et une baisse de la mortalité dans le Lancet en 2017 (2). Cela peut sembler contradictoire avec l'immuno­thérapie. Une des explications à cette réponse inattendue est que les cytokines pro-inflammatoires agiraient comme des facteurs de croissance.

Pour en revenir au diabète, si l'apport énergétique fourni à l'organisme est trop important, une activation excessive du système immunitaire prend place, et l'effet associé du signal glucose avec l'IL-1 β induit des effets sur les îlots qui ne seraient pas observés en présence d'IL-1 β seule. Cet effet synergique nocif d'IL-1 β et du glucose est en miroir de l'effet bénéfique glucodépendant du GLP-1 glucodépendant. Si dans un deuxième temps les apports énergétiques ne sont pas contrôlés, la boucle s'entretient ; en effet, l'insuline sécrétée stimule la production d'IL-1 β.

À l'inverse, lorsqu'une augmentation de la fréquence des infections en cas de famine est décrite, le mécanisme est lié non pas à un manque d'hygiène, mais probablement à la moins bonne réactivité du système immunitaire due à la diminution des cytokines.

L'ostéocalcine, médiateur métabolique, ou comment l'os joue un rôle de sensor métabolique via l'activité physique

(d'après la conférence plénière du Dr Karsenty, États-Unis)

L'ostéocalcine est connue comme marqueur du remodelage osseux ; pourtant, les souris knock-out (KO) pour celle-ci ont un os structurellement normal. Les taux circulants physiologiques sont extrêmement élevés, ce qui conduit à suspecter une fonction hormonale de l'ostéocalcine. Il s'avère que cette dernière est un insulinosécréteur très puissant, et que les souris KO pour l'ostéocalcine ont une diminution de l'insulinosécrétion à jeun et post-stimulative.

Pendant un exercice physique, l'insuline (anabolisante) ne peut être impliquée dans les mécanismes de glycogénolyse. Il a été supposé que des myokines ou d'autres médiateurs hormonaux étaient mis en jeu. Dans des modèles de souris KO, il a été montré que, lorsque les souris courent, l'insuline diminue, ce qui est connu, mais aussi que l'ostéocalcine augmente et constitue ainsi un signal hormonal de l'activité physique servant de médiateur pour les besoins énergétiques du muscle : elle induit l'augmentation de l'expression de GLUT4 dans les cellules musculaires, permettant une entrée accrue du glucose et une augmentation de la glycogénolyse. Ses actions s'opposent à celle de l'insuline sur les voies de production de l'ATP (celles des acides gras libres et du glucose).

L'ostéocalcine a par ailleurs d'autres effets généraux :

  • La mutation de son récepteur GPRS C56A induit l'infertilité ; il n'a pas été démontré d'effets directs sur les ovaires, mais la sécrétion de testostérone est augmentée chez l'homme. Les souris KO pour l'ostéocalcine ont, elles, une microrchidie.
  • L'ostéocalcine traverse les barrières placentaires et méningées et joue un rôle dans la structuration de la mémoire au niveau hippocampique pendant le développement fœtal. Après la naissance, elle stimule le processus de mémorisation et a un effet anti­dépresseur. Malheureusement, les taux baissent avec l'âge : dès 20 ans chez la femme et 40 ans chez l'homme. Il a été montré, sur des modèles animaux, que la perfusion de sérum d'animaux jeunes améliorait la mémoire et que cet effet était reproduit par la perfusion d'ostéocalcine. L'effet n'est pas transmis par l'activation du récepteur GPRC6A… mais par un autre récepteur à protéine G, le GPR 158.

Les perturbateurs endocriniens

(d'après le symposium 27, Dr Demeinex, Muséum d'histoire naturelle, Paris)

Même si les définitions des troubles du développement intellectuel ont changé au cours des années, il est reconnu que l'incidence des problèmes de développement neuro-intellectuel a beaucoup augmenté, passant de 1/5 000 à 1/68. Aux États-Unis, on estime que le syndrome d'hyperactivité est présent chez 40 % des garçons. Bien que la corrélation ne soit pas un élément de causalité, on peut rapprocher cette épidémiologie de l'augmentation de l'utilisation des produits chimiques.

En Inde, il a été constaté que 20 % des patients autistes avaient des mutations dans les gènes codant pour TR alpha (3). Le rôle des hormones thyroïdiennes dans le développement cérébral est connu. Les produits chimiques halogénés interfèrent dans la signalisation des hormones thyroïdiennes (HT). Chez la femme enceinte, 30 perturbateurs endocriniens (PE) différents, en moyenne, sont retrouvés dans le sang circulant ou dans le liquide amniotique ; 15 d'entre eux sont ubiquitaires et retrouvés chez la plupart des femmes.

L'étude de l'évolution montre que la thyroïde, telle que nous la connaissons, est apparue il y a 450 millions d'années chez les poissons cartilagineux et correspond à l'apparition de la myélinisation indispensable à la motricité. Plusieurs auteurs ont fait état d'une perturbation de la signalisation des HT dans des modèles aquatiques (4). Des tests sur la mobilité de têtards montrent qu'elle est inhibée lorsque qu'ils sont exposés à certains PE. L'effet n'est pas dose-dépendant ; il peut être absent à de toutes petites ou à de fortes doses et être présent à des doses intermédiaires (ces effets ne sont pas monotoniques, c'est-à-dire qu'ils ne surviennent pas sur le mode toxique monotonique correspondant à des effets de seuil et des effets-dose.

Il est rapporté que le QI moyen de la population américaine a baissé de 14 points en moyenne (5). Les effets des PE sur le métabolisme et la signalisation des HT sont suspectés, ceci reste à déterminer chez l'homme.

(d'après la communication orale 25 du Dr Charazac)

Les moyens d'évaluer les effets des PE sont encore à trouver ; l'équipe du Pr Chevalier, à Nice, met en place un modèle d'étude de la morphologie de la mitochondrie qui pourrait constituer un modèle d'organite sentinelle pour l'étude du rôle des PE dans les cancers hormono­dépendants. Lors de l'exposition à certains PE, on observe des modifications du potentiel membranaire, mais aussi des modifications structurales de ces mitochondries, dont une hyperfragmentation, une mitophagie. À noter que les effets ont été observés dès les plus faibles doses d'exposition.■

Références

1. Ridker PM, Everett BM, Thuren T et al; CANTOS Trial Group. Antiinflammatory Therapy with Canakinumab for Atherosclerotic Disease. N Engl J Med 2017;377(12):1119-31.

2. Ridker PM, MacFadyen JG2, Thuren T3, Everett BM4, Libby P5, Glynn RJ; CANTOS Trial Group. Effect of interleukin-1β inhibition with canakinumab on incident lung cancer in

patients with atherosclerosis: exploratory results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2017;390(10105):1833-42.

3. Korevaar TIM, Peeters RP. The continuous spectrum of thyroid hormone action during early life. Lancet Diabetes Endocrinol 2016;4(9):721-3.

4. Fini JB, Le Mevel S, Turque N et al. An in vivo multiwell-based fluorescent screen for monitoring vertebrate thyroid hormone disruption. Environ Sci Technol 2007;41(16):5908-14.

5. Woodleyab MA, Nijenhuisc J, Murphyd R. Were the Victorians cleverer than us? The decline in general intelligence estimated from a meta-analysis of the slowing of simple reaction time. Intelligence 2013;41(6):843-50.

Liens d'interêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

auteur
Pr Rachel DESAILLOUD
Pr Rachel DESAILLOUD

Médecin
Endocrinologie et métabolismes
CHU, Amiens
France
Contributions et liens d'intérêts

centre(s) d’intérêt
Endocrinologie
thématique(s)
Diabète,
Hormones
Mots-clés