Editorial

Risque cardiovasculaire associé au diabète : l'histoire continue !


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Depuis plus de 50 ans, le pronostic cardio­vasculaire des personnes vivant avec un diabète est considéré comme un enjeu médical majeur. Initiées par les résultats de la célèbre étude de Framingham, les preuves épidémiologiques se sont accumulées quant au rôle délétère de cette affection métabolique, suscitant d'innombrables travaux de recherche visant à mieux cerner les mécanismes physio­pathologiques mis en jeu, mais également l'influence des interventions thérapeutiques proposées dans le cadre de la prise en charge du diabète. Beaucoup d'entre nous ont probablement oublié qu'un des principaux objectifs de l'étude UKPDS (UK Prospective Diabetes Study) était de s'assurer de l'innocuité des sulfamides hypoglycémiants, mise en cause à la fin des années 1970. Plusieurs essais ont par la suite tenté vainement d'établir le bénéfice cardiovasculaire de plusieurs molécules (acarbose, glitazones, insuline glargine), amenant à la conclusion décevante que les propriétés antihyperglycémiantes de ces traitements, certes importants pour prévenir les complications microvasculaires, n'étaient pas en mesure d'améliorer le pronostic cardiovasculaire de nos patients.

Cette aventure médicale a cependant connu un tournant crucial en 2008 lorsque la Food & Drug Administration, en réponse à la polémique impliquant la rosiglitazone, a imposé que tout nouveau traitement du diabète de type 2 (DT2) fasse la preuve de sa sécurité sur le plan cardiovasculaire avant de pouvoir envisager une mise sur le marché. Dès lors, de grands essais thérapeutiques ont été systématiquement mis en place pour affirmer la non-infériorité et/ou la supériorité des molécules en développement quant à la survenue des événements cardiovasculaires majeurs (MACE), le plus souvent en comparaison avec un placebo. Cette nouvelle stratégie a été inaugurée par la classe des inhibiteurs de DPP4 (iDPP4), suivie par les agonistes du récepteur du GLP-1 (aGLP-1R) et les inhibiteurs de SGLT2. La neutralité des inhibiteurs de DPP4, à l'exception d'un sur-risque inexpliqué d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque sous saxagliptine, a rapidement laissé la place aux résultats enthousiasmants de plusieurs essais révélant une réduction significative du critère MACE chez les patients DT2 à haut risque cardiovasculaire recevant certains aGLP-1R ou iSGLT2. Au-delà du versant ischémique, les iSGLT2 ont également montré leur capacité à réduire l'incidence des événements liés à l'insuffisance cardiaque et à limiter l'évolution de la maladie rénale chronique, bénéfices validés depuis dans des études dédiées qui ont légitimé l'extension des indications de cette classe thérapeutique. Les iSGLT2 ont d'ailleurs connu leur heure de gloire lors du congrès de l'European Society of Cardiology en 2021 en entrant en première ligne des recommandations sur la prise en charge de l'insuffisance cardiaque, proposés comme un des piliers du traitement de cette pathologie, indépendamment du statut diabétique !

Qu'il s'agisse de fixer les objectifs de contrôle des principaux facteurs de risque ou de choisir l'option la plus appropriée au sein de l'arsenal thérapeutique du DT2, il est désormais inconcevable d'envisager la prise en charge de nos patients sans une évaluation précise de leur niveau de risque cardiovasculaire et d'éventuelles atteintes des organes cibles. Au cours des dernières années, les principales sociétés savantes ont diffusé de nouvelles recommandations pour aider les cliniciens à mieux stratifier le niveau de risque cardiovasculaire associé au diabète, guidant en particulier le recours à l'imagerie ou aux tests fonctionnels. Si l'intention est louable, l'interprétation de ces différentes consignes et leur mise en application en pratique courante reste cependant à optimiser. Dès lors, l'enjeu d'un parcours plus cohérent du patient atteint de diabète, garant de la synergie des actions menées par son médecin généraliste et ses divers spécialistes (diabétologue, cardiologue, néphrologue), est évident pour prévenir les complications, qu'elles soient micro- ou macro­vasculaires, et transformer le pronostic à long terme.

Le dossier thématique publié dans ce numéro des Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes & Nutrition (en coédition avec La Lettre du Cardiologue) vous permettra d'actualiser vos connaissances sur un sujet qui, vous l'aurez compris, a connu de véritables révolutions au cours de ces dernières années. Des stratégies d'évaluation du risque cardiovasculaire aux recommandations d'utilisation des nouvelles classes thérapeutiques, en passant par les incontournables interventions ciblant le mode de vie, nous vous souhaitons donc une excellente lecture en compagnie de nos experts !■


Liens d'intérêt

P. Gourdy déclare avoir reçu des honoraires occasionnels, à titre personnel ou institutionnel, pour des activités d’orateur, de ­conseiller scientifique ou de recherche clinique, de la part des entreprises Abbott, Amgen, AstraZeneca, Bayer, Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, Merck Sharp & Dohme, Novartis, Novo Nordisk, Organon, Pfizer, Sanofi.

M. Guenoun déclare avoir des liens d’intérêts avec AstraZeneca, BMS, Boehringer Ingelheim, Vifor, Pfizer, Bayer Healthcare, Amgen, Novo Nordisk, Lilly.