Éditorial

Accès aux soins en hématologie en Afrique


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En 2019, Correspondances en Onco-Hématologie avait réalisé un dossier consacré à l'hémato­logie francophone, permettant à nos collègues du Canada, d'Afrique, d'Asie et d'Europe de montrer la richesse et la diversité de nos modes d'exercice. Nous avons souhaité, dans le même esprit, vous proposer ce nouveau dossier dédié à l'accès aux soins en hémato­logie dans des pays à faibles ressources et particulièrement en Afrique francophone, l'accès aux soins étant un des éléments expliquant les ­inégalités de santé.

Ces dernières années, l'explosion de nouvelles thérapeutiques en onco-hématologie (anticorps bispécifiques, thérapies ciblées, CAR-T cells, etc.) a permis d'améliorer la prise en charge des patients vivant dans les pays à ressources élevées. Dans les pays à ressources limitées, le problème d'accessibilité à ces nouveaux moyens thérapeutiques est majeur et soulève d'autres interrogations économiques ou éthiques : justice face à la maladie, coût énorme du dévelop­pement de ces molécules, rôle prépondérant tenu par les compagnies pharmaceutiques dans la recherche clinique, etc.

Les inégalités de santé se traduisent notamment par de fortes disparités géographiques en matière d'accès aux soins et aux médicaments. Dans ce dossier, la parole a été donnée à nos collègues africains qui développent des initiatives originales permettant d'améliorer le diagnostic et la prise en charge des hémopathies. Il est évident que les décisions politiques et économiques de chaque pays ou des organisations internationales sont essentielles à l'amélioration des choses, mais agir sur ce qui dépend de nous est indispensable. Il en est ainsi par exemple au Maroc de la pratique de l'autogreffe de cellules souches hématopoïétiques sans congélation, ou bien de la mise en place de protocoles de traitement optimal des lymphomes par le Groupe franco-africain d'oncologie pédiatrique.

Mais les inégalités de santé ne se résument pas à un problème d'accès aux soins et il nous a également semblé important de prendre un peu de recul et ­d'aiguiser notre curiosité en demandant à nos collègues éthiciens de nous inciter à réfléchir sur les conflits éthiques que cela soulève et les pistes pratiques que cela peut nous ouvrir en favorisant par exemple des coopérations gagnant-gagnant entre nos pays et en menant des études spécifiques de recherche clinique sur les populations concernées.

Les inégalités de santé décrites ici sont importantes et choquantes, mais ne doivent pas nous faire oublier qu'elles nous concernent tous. Ainsi, de nombreuses études aux États-Unis soulignent les disparités d'accès aux soins affectant les populations noires nord-­américaines atteintes d'un myélome multiple (pourtant plus fréquent que dans la population caucasienne) avec un diagnostic plus tardif, une utilisation plus faible des inhibiteurs de protéasome, des soins pallia­tifs ou plus récemment des CAR-T cells ou des anticorps bispécifiques (Alqazaqi R et al. JAMA Netw Open 2022;5(8):e2228877). En France, la survie globale des personnes atteintes d'une tumeur solide est plus faible dans les zones d'habitation les plus défavorisées. Il a également été montré qu'il existait une moins bonne chance de survie après un cancer incluant les hémopathies pour les personnes vivant dans des zones les plus défavorisées (Tron L. Bulletin épidémiologique hebdomadaire 2021). Plus récemment, une étude en France menée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques a montré que la téléconsultation, censée favoriser l'accès aux soins dans les déserts médicaux, bénéficie surtout aux jeunes et aux urbains.

Puisse ce dossier vous ouvrir des pistes de réflexion et inciter à renforcer les travaux coopératifs entre collègues africains et français.

Bonne lecture à toutes et à tous.■


Liens d'intérêt

S. Diop déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

P. Feugier déclare avoir des liens d’intérêts avec Janssen, Gilead, AbbVie, Beigene et AstraZeneca.