Éditorial

Cancer du rein du sujet âgé : améliorer la prise en charge


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Bien que l'âge médian au diagnostic de cancer du rein en France soit de 67 ans chez l'homme et de 70 ans chez la femme, son incidence croît progressivement dans les 2 sexes à partir de l'âge de 30 ans pour atteindre sa valeur maximale entre l'âge de 80 et 84 ans (135,4 pour 100 000 ­personnes‑années chez l'homme, et 58,1 pour 100 000 personnes‑années chez la femme) [1]. Ainsi, en France, les cancers du rein sont fréquemment diagnostiqués après l'âge de 70 ans.

Parallèlement à ce constat, les possibilités de prise en charge thérapeutique du cancer du rein, quel que soit le stade initial auquel le traitement est commencé, se sont incroyablement développées au cours de ces 15 dernières années. Notamment, le pronostic au stade métastatique a radicalement été modifié par l'avènement des inhibiteurs de tyrosine kinase, puis par l'immunothérapie, et maintenant grâce aux différentes combinaisons de ces traitements. Pourtant, les essais thérapeutiques spécifiquement dédiés aux sujets âgés sont rares, voire inexistants concernant ces traitements. Et les données d'efficacité et de tolérance sont souvent parcellaires et extrapolées à partir d'analyses en sous-groupes de résultats d'études qui ont inclus des sujets souvent plus jeunes ou en meilleure santé que les patients âgés rencontrés dans notre pratique clinique quotidienne. Or, le développement du travail collaboratif entre les oncologues médicaux, les urologues, les radiothérapeutes et les gériatres, qui définit l'onco­gériatrie, a montré à quel point l'âge chronologique d'un patient, particulièrement après 80 ans, ne permet pas de définir sa capacité à supporter ou non un traitement anti­-tumoral. L'âge à lui seul ne saurait être prédictif des toxicités qui surviennent plus volontiers en présence de certaines comorbidités et/ou de facteurs gériatriques de fragilité. Les références de la littérature sont nombreuses pour montrer que les paramètres propres à l'évaluation gériatrique approfondie constituent chez les patients âgés atteints d'un cancer des facteurs pronostiques
et/ou prédictifs plus pertinents que les paramètres habituellement utilisés en oncologie chez les patients plus jeunes.

On peut donc se féliciter que la revue Correspondances en Onco-Urologie propose aujourd'hui un dossier thématique dédié à la prise en charge du cancer du rein chez les sujets âgés.

Si la chirurgie constitue le traitement de référence permettant la guérison en situation de cancer du rein localisé opérable, elle n'est pas pour autant sans conséquence chez les patients les plus âgés. Une réflexion conjointe médicale et chirurgicale permet de mieux évaluer le rapport bénéfice/risque en termes de préservation de la fonction rénale. Surtout, cette collaboration médicochirurgicale permet d'optimiser le parcours de soins en amont de la chirurgie grâce à une préhabilitation du patient, dont l'objectif est d'améliorer les suites opératoires, et notamment de prévenir le déclin fonctionnel et nutritionnel.

Au stade avancé de la maladie, les thérapies ciblées orales constituent une arme thérapeutique de choix comme chez l'adulte plus jeune. Le vieillissement s'accompagne fréquemment de modifications métaboliques et d'altérations fonctionnelles et nutritionnelles qui peuvent favoriser les toxicités de certains traitements. Et ces mêmes altérations peuvent aussi être aggravées par les toxicités des traitements. En outre, les comorbidités également plus fréquentes avec l'avancée en âge sont à l'origine d'une ­poly­médication, elle-même à l'origine d'un risque élevé d'interactions médicamenteuses multiples et de modifications pharmacologiques. Et ces interactions médicamenteuses peuvent être responsables d'une moins bonne efficacité des traitements et/ou d'une toxicité accrue. Au stade métastatique, il est impossible aujourd'hui d'envisager la prise en charge thérapeutique sans discuter l'immunothérapie. Mais, là encore, les données d'efficacité de ces traitements chez les patients âgés restent limitées, très souvent obtenues à partir de populations qui ne correspondent pas exactement aux malades de la vraie vie. En outre, les données relatives à la tolérance sont parfois discordantes dans la littérature. L'analyse de l'adaptation de dose et de la tolérance des traitements médicamenteux du cancer du rein chez le sujet âgé fait l'objet d'un article du dossier.

La recherche réalise d'incessants progrès. C'est pourquoi nous avons souhaité clore ce dossier sur une perspective thérapeutique possible grâce à une meilleure compréhension du rôle de la télomérase dans le vieillissement et l'oncogenèse du cancer du rein.

Nous espérons que vous trouverez autant d'intérêt à la lecture de ce dossier thématique que nous en avons eu à son élaboration. Enfin, nous remercions chaleureusement les auteurs qui ont contribué à sa rédaction, et dont le but était d'apporter des réponses aux questions que chaque clinicien se pose au quotidien pour améliorer la prise en charge thérapeutique de ses patients âgés atteints de cancer du rein.

Bonne lecture !

Références

1. INCa. Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Étude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Volume 1 - Tumeurs solides, juillet 2019.


Liens d'intérêt

P. Caillet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

C. Falandry n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.