Virus de l'Hépatite C – Test and treat : le nouveau paradigme de l'hépatite C en France ?
- Alexia a appris qu'elle avait une hépatite C en 1999, lors d'un passage en prison. Elle ne sait pas si sa maladie est active ou non. Elle est traitée par méthadone depuis 10 ans en CSAPA. Régulièrement, l'infirmière qui lui distribue son médicament lui rappelle de prendre en charge son hépatite C et lui prend rendez-vous en hépatologie à l'hôpital, mais jamais Alexia n'y est allée.
En 2010, le rapport d'expertise collective de l'Inserm intitulé Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues (1) préconisait (déjà) la prise en charge somatique des usagers de drogues sur un seul site, c'est-à-dire un fonctionnment “tout en un”. Petit à petit, des consultations avancées ont été mises en place dans des CSAPA, permettant la prise en charge et le traitement d'un grand nombre d'usagers. Depuis leur instauration (2), le dépistage et le traitement des hépatites virales font partie intégrante des missions des CSAPA. En 2016, une enquête de terrain (3) a permis d'identifier les modèles d'organisation des structures de prise en charge des populations suivies dans les CSAPA, de décrire le parcours de soins des patients atteints d'hépatite C, d'élaborer leurs profils et caractéristiques et de déterminer les besoins et attentes des structures et les éventuelles stratégies thérapeutiques à adopter au quotidien. Des entretiens individuels ont été réalisés auprès de 40 professionnels issus de 24 CSAPA répartis dans 18 départements (26 % en Île-de-France), de novembre à décembre 2015. En complément, un questionnaire auto-administré sur un site Internet a été renseigné par 40 CSAPA. L'effectif moyen des salariés en CSAPA était de 10 équivalents temps plein (ETP) répartis sur des problématiques sanitaires, sociales, psychologiques et médicales, parmi lesquels 2,6 ETP éducateurs, 2,5 ETP infirmiers, 2,3 médecins addictologues et 1,4 ETP assistantes sociales. La file active moyenne était de 532 personnes ayant les caractéristiques suivantes : 75 % d'hommes, majoritairement d'âge entre 25 et 50 ans ; 21 % en logement précaire et 14 % sans domicile fixe ; 66 % d'usagers de drogues actifs, 53 % recevant un traitement de substitution. Pour la prise en charge de l'hépatite C, 81 % des CSAPA collaboraient avec un service hospitalier d'hépatologie, et 24 % disposaient d'une consultation sur site ou dans le même hôpital ; 56 % des CSAPA proposaient un dépistage sur place et 27 % avaient un Fibroscan® sur site ; 20 % des CSAPA ont l'agrément pour pratiquer des TROD (test rapide d'orientation diagnostique) de l'hépatite C. Les prélèvements sanguins sont largement utilisés ; toutefois, certaines structures n'en font pas, faute de moyens ou de personnel. Les TROD étaient néanmoins perçus de manière favorable, comme une aide rapide, facile, directe, donc précieuse, au dépistage (79 %). Soixante-neuf pour cent des personnes suivies acceptaient le dépistage et 48 % seraient effectivement dépistées. Les 3 principales raisons de non-dépistage par les CSAPA étaient une sérologie du VHC positive déjà connue (28 %), l'absence de moyens (22 %) et de temps pour aborder le sujet (11 %). Les cas de refus du dépistage (31 % des patients) étaient liés à des peurs du prélèvement sanguin (25 %) ou de la découverte de la maladie (23 %), un refus de soins (13 %) ou au fait de ne pas se sentir concerné (13 %). La file active moyenne de patients atteints d'hépatite C était de 52 (9,8 %), avec des extrêmes allant de 5 à 50 %, dont 12 étaient co-infectés VIH. Quatorze patients (27 %) étaient en traitement au moment de l'enquête ; 62 % des patients allaient seuls chercher leur traitement à la pharmacie hospitalière, mais 22 % le faisaient en officine de ville relais, et 16 %, au CSAPA. Les 5 principales raisons de non-traitement en 2015 étaient l'absence de fibrose (27 %), un traitement prévu sous 3 mois (15 %), un usage de drogues actif (11 %), un refus de soins (9 %) ou des comorbidités (7 %). Plus de 50 % des répondants estimaient que leur degré de connaissance de l'hépatite C était moyen, et 75 % connaissaient mal les traitements actuels de l'hépatite C. Les besoins exprimés concernaient le dépistage (87 % des soignants souhaitaient disposer de documents, 83 %, d'affiches et 74 %, de diaporamas), la formation des personnels (éducation thérapeutique 65 %, réunion avec des hépatologues 61 %, formation à l'annonce 52 %, brochures d'annonce du diagnostic 52 %, immersion d'un hépatologue dans le CSAPA pour améliorer le parcours patient 48 %). Cette enquête a montré que les CSAPA en France se composent d'équipes pluridisciplinaires peu médicalisées. Le dépistage est proposé mais non systématique et le taux d'acceptation va de 50 à 70 %. Moins de 50 % des CSAPA réalisent le prélèvement sur place, les autres adressant le patient à un centre de dépistage. Les TROD sont peu utilisés. La proportion de patients atteints d'hépatite C varie de 5 % à 50 %, selon les centres. Les CSAPA en constituent un réservoir important, mais le nombre de cas reste difficile à déterminer du fait d'un dépistage encore insuffisant. La prise en charge de l'hépatite C dans cette population demeure majoritairement hospitalière. Seuls 10 % sont sous traitement et, si la délivrance est majoritairement hospitalière, un relais en CSAPA est possible. Cette enquête a permis d'identifier 3 modes de fonctionnement des CSAPA en France : les CSAPA “tout en un” intégrés à des centres hospitaliers, où la prise en charge se fait dans une unité de temps et de lieu, du dépistage à la guérison ; des CSAPA à vocation essentiellement sociale où la prise en charge médicale de l'hépatite C est déléguée ; des CSAPA externes “autonomes”, proposant une offre de services globale, en lien étroit avec un hépatologue référent, souvent présent régulièrement sur site. À l'exemple de l'infection par le VIH (4), traiter directement tous les patients à charge virale positive sur leur “lieu de vie” dont font partie les CSAPA, voire les CAARUD, représente une opportunité à ne pas laisser passer, comme l'ont déjà affirmé les rapports d'experts successifs (5-6) !
Références
1. Expertise collective. Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues. Paris : Inserm, 2010. http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/87/expcol_2010_reduction.pdf?sequence=1
2. Circulaire DGS/MC2 n° 2008-79 du 28 février 2008 relative à la mise en place des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et à la mise en place des schémas régionaux médico-sociaux d’addictologie. http://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2008/08-03/.
3. Remy AJ. Prise en charge de l’hépatite C et parcours de soins des patients dans les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) : résultats d’une étude nationale. JFOPD 2017, Paris 23-26 mars 2017. https://www.snfge.org/sites/default/files/SNFGE/JFHOD/jfhod_2017_resumes_vf.pdf
4. Rapport MORLAT 2015 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH en France. https://cns.sante.fr/wp-content/uploads/2015/10/experts-vih_actualisation2015.pdf
5. Prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B et ou de l’hépatite C : rapport de recommandations 2014 ANRS AFEF. http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Prise_en_charge_Hepatites_2014.pdf
6. JFHOD 2017. Livre des résumés. https://www.snfge.org/sites/default/files/SNFGE/JFHOD/jfhod_2017_resumes_vf.pdf http://www.afef.asso.fr/RECOMMANDATIONS/recommandations_1
Liens d'interêts
A.J. Rémy déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, Bristol-Myers Squibb, Gilead et MSD.
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