Congrès/Réunion

Compte-rendu du congrès MaculArt 2019 – 23-25 juin, Paris

Mis en ligne le 31/10/2019

Auteurs : O. Semoun, M. Srour

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Résultats à long terme des anti-VEGF dans la DMLA exsudative

L'action des anti-VEGF dans la DMLA exsudative ne fait plus débat. Leur efficacité a été démontrée à moyen terme. Toutefois, de plus en plus de patients sont traités depuis plus de 10 ans. À partir de données issues du registre FRB en Nouvelle-Zélande et en Suisse, présentées par M. Gillies, ont été analysés les résultats de ces traitements à long terme.

À partir d'une base de données constituée de 712 yeux, des sous-groupes de 132 yeux traités en Nouvelle­-Zélande et de 37 yeux traités en Suisse, pendant plus de 10 ans, ont été analysés. La majorité des patients avaient une AV (acuité visuelle) initiale ≥ 20/40. L'AV moyenne a chuté de 0,9 lettre LogMAR par rapport à l'inclusion en Nouvelle­-Zélande (IC95 : –4,9 ; 3,1 ; p = 0,7), avec un nombre médian d'injections de 53, tandis qu'en Suisse, les patients ont perdu 14,9 lettres (IC95 : –24,0 ; –5,7 ; p < 0,001), avec un nombre médian d'injections de 42.

Cette différence pourrait être en rapport avec l'utilisation d'un protocole Treat and Extend en Nouvelle-Zélande (comportant un nombre d'injections plus élevé) et PRN en Suisse.

L'apparition d'une fibrose sous-rétinienne, d'une atrophie maculaire ou d'altérations de la zone ellipsoïde était corrélée à une perte fonctionnelle de plus de 10 lettres. Une meilleure AV initiale était un facteur de bon pronostic fonctionnel à long terme.

Des données françaises analysant l'évolution de l'AV à 10 ans ont également été présentées par B. Wolff, à partir d'éléments provenant du registre FRB français. 94 patients ont été inclus, chez lesquels 116 yeux ont été étudiés avec un protocole PRN, environ la moitié avaient déjà été traités avant l'inclusion, essentiellement par PDT (photothérapie dynamique). L'AV initiale moyenne était de 57,5 lettres, avec une majorité de néovaisseaux de type 1.

À 10 ans, l'AV moyenne a chuté de 5/10 à 2/10 (–18 lettres), avec un nombre moyen d'injections de 27,5.

Sur le plan anatomique, une atrophie rétrofovéolaire est apparue chez 77,6 % des patients et une fibrose chez 55,2 % (surtout chez les patients non naïfs).

Ces résultats “mitigés” à 10 ans pourraient s'expliquer par un traitement sous-optimal ou par l'histoire naturelle de la pathologie.

Complications maculaires de la myopie, une étude transversale

À partir d'une base de données vertigineuse de 198 641 pa­tients myo­pes, issue de registres multicentriques de cliniques françaises principalement consacrés à la réfraction, N. Leveziel a présenté une étude sur la prévalence des complications maculaires les plus fréquentes de la myopie. La base comptait ainsi 6,72 % de myopie sévère (–6 à –10 D) et 1,19 % de myopie très sévère (< –10 D).

Dans cette étude, le risque relatif de déficience visuelle (AV < 5/10), voire de cécité légale (AV < 1/20) était respectivement de 1,65 (IC95 : 1,44-1,88) et 10,10 (IC95 : 8,91-11,39) pour la myopie sévère et la myopie très sévère. Le risque relatif de complications maculaires (ruptures de la membrane de Bruch, néovascularisation choroïdienne du myope, atrophie choriorétinienne) était pour la myopie sévère et la myopie très sévère de 11,72 et 74,31, respectivement. Globalement, après ajustement statistique, la probabilité de ces complications est corrélée de façon exponentielle à la sphère : une diminution de 1 dioptrie entraîne un risque multiplié par 1,43. L'incidence cumulée d'une déficience visuelle est supérieure à 90 % pour une longueur axiale ≥ 30 mm.

Toutefois, les patients pseudophakes n'ont pas été analysés et les autres complications de la myopie (staphylome, macula bombée, anomalies péripapillaires, décollement de rétine) n'ont pas été étudiées.

Vers une médecine “connectée”

Les données des études de “vraie vie”, dont certaines ont été mentionnées plus haut, montrent des résultats fonctionnels souvent décevants. Une des explications avancées serait un sous-traitement parfois lié au retard diagnostique ou à la pénibilité des contrôles réguliers chroniques. L'intervalle entre l'apparition d'une récidive exsudative et le traitement effectif est un des facteurs pronostiques reconnus du résultat fonctionnel à plus long terme.

Installer un appareil OCT directement au domicile du patient pourrait permettre de détecter plus précocement les récidives et de réduire le délai de retraitement, tout en diminuant la pénibilité des contrôles répétés.

A. Loewenstein a présenté le Notal-OCT® V2.5, un appareil OCT portatif pouvant être mis à la disposition des patients dans leur environnement habituel.

Selon les premiers résultats, cet appareil présente une sensibilité de 95 % et une spécificité de 96 % par rapport à un dispositif OCT conventionnel (Zeiss Cirrus® et Spectralis® de la société Heidelberg). Plus de 94 % des patients ont réussi à obtenir des images de qualité satisfaisante pour ­l'interprétation, grâce à une vidéo explicative.

Les patients à mobilité réduite seraient la première population “cible ”de cet appareil OCT. Des améliorations sont encore attendues avec, notamment, une détection automatisée des récidives exsudatives.

Les tablettes et autres smartphones, dont les patients sont aujourd'hui largement équipés, pourraient permettre une détection plus précoce des modifications fonctionnelles. V. Gualino a présenté OdySight®, une application marquée CE et FDA, disponible sur Android et iOS pour surveiller à distance l'AV des patients. Le principe repose sur un examen de l'AV de près et la détection des métamorphopsies. Une étude incluant 120 patients a démontré une bonne corrélation entre ces tests et les examens “classiques” de la vision (échelle ETDRS). Les  tests réalisés par le patient sont téléchargés sur une plateforme et sont adressés au médecin prescripteur (car il s'agit bien d'une application sur ordonnance). Des alertes sont envoyées automatiquement en cas de baisse visuelle, avec une possibilité de convoquer le patient pour un complément d'examen.

Cette application couplée à l'OCT à domicile, il ne manquera plus que les IVT (injections intravitréennes) à domicile pour compléter la prise en charge des patients dans leur environnement personnel...

La néovascularisation de type 3 revisitée

Fidèle à sa tradition, le débat sur la physiopathologie de la néovascularisation de type 3 (anciennement anastomose choriorétinienne) fait toujours rage. Fort d'une étude rétrospective sur des néovascularisations de type 3 précoces, R. Spaide a proposé une séquence physiopathologique originale, en s'appuyant sur une analyse d'imagerie multimodale (photographie du fond d'œil, tomographie en cohérence optique, angiographie à la fluorescéine) incluant une OCT-angiographie avec reconstruction en 3 dimensions (volume rendering).

Les résultats montrent que la topographie des zones maculaires œdémateuses et hémorragiques n'est pas toujours corrélée à la zone néovasculaire angiographique et OCT. L'importance du fluide intrarétinien n'est pas non plus toujours liée à la taille de la lésion néovasculaire et à sa localisation. Les néovascularisations les plus petites répondant mieux aux anti-VEGF. Pour R. Spaide, la néovascularisation de type 3 serait une conséquence d'une accumulation de cytokines sur un terrain à risque. Les conséquences exsudatives et hémorragiques des néovascularisations de type 3 pourraient être consécutives à la lésion néovasculaire, mais également directement liées au VEGF, comme le suggèrent certaines études démontrant que le facteur angiogénique peut provoquer l'apparition d'hémorragies, d'œdèmes et de télangiectasies au niveau maculaire (figure 1).

Intelligence artificielle, toujours au centre du débat

Lors d'une session entièrement consacrée au sujet, ­l'intelligence artificielle a une nouvelle fois démontré son rôle grandissant en ophtalmologie, particulièrement pour la rétine.

Dans une étude reposant sur l'analyse de plus de 67 401 rétinophotographies, N. Bressler a mis en évidence que les algorithmes actuels pouvaient détecter et classifier la DMLA (selon la classification ETDRS) de façon performante. Des algorithmes peuvent prédire l'évolution de la maladie dans les 5 ans, voire générer des images synthétiques virtuelles de fonds d'œil au réalisme impressionnant, qui ont réussi à dérouter des investigateurs pourtant chevronnés. Ces images de synthèse pourraient être utilisées pour la formation des étudiants, mais également pour régler le problème de l'anonymisation des clichés.

Dans une autre présentation remarquée, F. Holz a présenté un algorithme qui prédit l'atteinte micro­périmétrique chez des patients souffrant de DMLA atrophique à partir de l'OCT et de l'autofluorescence. La précision de la prédiction était de 2,83 dB (extrêmes : 2,53-3,12) pour le champ visuel mésopique après ajustement des données démographiques.

Par ailleurs, P.K. Roberts a proposé un algorithme prédisant la progression de la maculopathie liée à l'âge (ou DMLA précoce) vers une DMLA néovasculaire ou atrophique. Pour cela, une segmentation volumétrique automatisée des couches neurosensorielles et de l'épithélium pigmentaire rétinien a été réalisée sur les coupes OCT, avec détection des drusen et des foci hyperréflectifs. Un modèle prédictif, fondé sur ­l'apprentissage auto­matique, évaluant le risque de passage vers une DMLA, a été évalué et validé.

Sur un total de 495 yeux, 159 (32 %) ont développé une DMLA dans les 2 ans, dont 114 une DMLA exsudative et 45 une DMLA atrophique. Cette base a ainsi permis un apprentissage de l'algorithme.

Les éléments prédictifs d'une évolution vers une DMLA exsudative étaient principalement localisés au niveau des drusen, alors que pour la DMLA atrophique l'aspect de la neurorétine était prépondérant.

L'intelligence artificielle continue ainsi à connaître un essor important. De façon plus concrète, sa place dans la prise en charge pratique des patients reste encore à définir.

Prix de la “Meilleure Image MaculArt” 2019

C'est devenu l'un des moments phares du congrès Macul­Art. À chaque édition, la foule se presse pour découvrir les images, ou plutôt les chefs-d'œuvre artistiques, envoyées des 4 coins du monde pour décrocher le fameux trophée de la “Meilleure Image MaculArt”.

La concurrence a été, comme à l'accoutumée, très rude, et de nombreux participants sont venus disputer le titre détenu jusqu'ici et pour la 2e édition consécutive par Rick Spaide qui, lui aussi, a proposé sa contribution, et remis ainsi son titre en jeu.

Pour cette compétition, plus de 60 images ont été envoyées et soumises anonymement au jugement implacable d'un jury international trié sur le volet.

Le choix a, paraît-il, été très dur, mais le classement final a été dévoilé. La troisième place a été remportée par Roxane Bunod, pour sa création bucolique dénommée “Vascular Bouquet” (figure 2). Elle propose une représentation rétinienne où les bourgeons ne sont plus néovasculaires mais floraux, sur un fond pastel accentuant la poésie du tableau pastoral.

À la 2e place, on retrouve Rick Spaide, qui a donc été détrôné de son titre, malgré une œuvre appelée “La Rétine d'Avignon”, inspirée du registre du cubisme et plus précisément du tableau mémorable de Pablo Picasso “Les Demoiselles d'Avignon” (figure 3).

Enfin, la 1re place revient cette année au Suisse Maximilian Wiest pour son image “Signal Strength” (figure 4). Dans cette représentation très graphique, la rétine se confond avec le bleu de l'océan et l'arbre vasculaire avec le fond marin, dans une abstraction onirique envoûtante. Ces images placent la barre très haut pour la prochaine édition.II


FIGURES

Liens d'interêts

O. Semoun déclare avoir des liens d’intérêts avec Novartis, Bayer, Allergan, Théa (consultant).

M. Srour déclare avoir des liens d’intérêts avec Novartis, Bayer, Allergan (consultant).

auteurs
Dr Oudy SEMOUN

Médecin, Ophtalmologie, CHI de Créteil et Institut d’ophtalmologie du Panthéon, Créteil et Paris, France

Contributions et liens d’intérêts
Dr Mayer SROUR

Médecin, Ophtalmologie, Centre hospitalier intercommunal, Créteil, France

Contributions et liens d’intérêts
centre(s) d’intérêt
Ophtalmologie