Dossier

Toxoplasmose oculaire : prise en charge des formes récurrentes avec menace visuelle


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La toxoplasmose oculaire est la plus fréquente des uvéites postérieures en France. Dans de rares cas, un traitement préventif peut être proposé au patient.

Toxoplasmose oculaire : définition d'une situation menaçante

Les séquelles visuelles observées dans la toxoplasmose oculaire résultent le plus souvent de cicatrices chorio­rétiniennes à localisation maculaire [1, 2]. La localisation des lésions de toxoplasmose oculaire est le principal déterminant de l'acuité visuelle finale [1, 3]. Les nouvelles lésions sont souvent contiguës à d'anciennes cicatrices [1, 4] (figure 1). Par conséquent, la présence de cicatrices de choriorétinite toxoplasmique dans la région maculaire fait redouter, lorsque des récidives surviennent fréquemment, que la vision centrale ne soit à terme sévèrement altérée par la survenue de cicatrices atteignant la région maculaire centrale [5].

Données concernant l'efficacité de l'association sulfaméthoxazole-triméthoprime dans la  prévention de la toxoplasmose oculaire

La toxoplasmose oculaire présente une prévalence et une sévérité plus élevées en Amérique du Sud, et notamment au Brésil, comparativement aux pays d'Europe [6, 7]. Deux études brésiliennes ont montré l'efficacité d'un traitement antiparasitaire pour réduire le risque de récidive de choriorétinite toxoplasmique.

C. Silveira et al. ont réalisé une étude prospective randomisée sans insu, qui a comparé 61 sujets traités par sulfaméthoxazole (800 mg) et triméthoprime (160 mg) tous les 3 jours pendant 20 mois, à 63 sujets non traités. Pendant les 20 mois de traitement, 4 patients traités ont présenté une récidive, contre 15 patients non traités. Après 10 ans de suivi, le taux de récurrence était finalement identique dans chaque groupe (22 dans chaque groupe) [8, 9].

J.P. Fernandes Felix et al. ont réalisé un essai clinique, monocentrique, randomisé, en double aveugle qui compare 72 sujets traités par sulfaméthoxazole (800 mg) et triméthoprime (160 mg), pris quotidiennement pendant 311 jours, à 69 sujets recevant un placebo. Après 6 ans de suivi, 19 récurrences furent observées dans le groupe placebo, contre seulement 1 dans le groupe traité [10-12]. Cette 2e étude laisse espérer que l'effet du traitement ne soit pas seulement suspensif et qu'il permette de réduire le risque de récurrence, y compris plusieurs années après son arrêt [12].

Modalités d'un traitement préventif par sulfaméthoxazole-triméthoprime et risques associés

Il n'existe pas de recommandation définissant les indications et les modalités d'un traitement de prévention dans la toxoplasmose oculaire. Il arrive cependant que ce traitement soit proposé à des patients présentant une toxoplasmose récidivante, et à localisation maculaire. La posologie habituellement proposée dans ce contexte est sulfaméthoxazole (800 mg) et triméthoprime (160 mg), tous les 3 jours. Cette prescription mérite d'être réservée à un ophtalmologiste rompu à la pratique de l'uvéite.

La prescription de sulfaméthoxazole et triméthoprime nécessite de respecter les contre-indications, mises en garde et précautions d'emploi. Parmi les effets ­indésirables potentiels, le risque de toxidermie grave doit être considéré. Sa fréquence est très rare (moins de 1 patient traité sur 10 000), mais sa survenue peut mettre en jeu le pronostic vital. Le patient devra ­impérativement être informé de ce risque, à la fois pour pouvoir disposer des informations indispensables à sa décision de réaliser ou non ce traitement, mais également pour attirer son attention sur la nécessité de stopper immédiatement le traitement et de consulter en urgence si des ­anomalies cutanées ou muqueuses apparaissaient, y compris ­plusieurs semaines après l'introduction du ­traitement. II

FIGURES

Toxoplasmose oculaire : prise en charge des formes récurrentes avec menace visuelle - Figure 1

Références

1. Kovačević-Pavićević D et al. Clinical pattern of ocular toxoplasmosis treated in a referral centre in Serbia. Eye 2012;26(5):723‑8.

2. Delair E et al. Clinical manifestations of ocular toxoplasmosis. Ocul Immunol Inflamm 2011;19(2):91‑102.

3. Aleixo ALQ do C et al. Toxoplasmic retinochoroiditis: clinical characteristics and visual outcome in a prospective study. PLoS Negl Trop Dis 2016;10(5):e0004685.

4. Duraffour P et al. Comparison between the areas of scarred and active toxoplasmic retinochoroiditis. Eye 2021;35(10):2733‑9.

5. Kumawat D et al. Comment on: long-term results of trimethoprim sulfamethoxazole versus placebo to reduce the risk of recurrent toxoplasma gondii retinochoroiditis. Am J Ophthalmol 2020;220:216‑7.

6. Petersen E et al. Epidemiology of ocular toxoplasmosis. Ocul Immunol Inflamm 2012;20(2):68‑75.

7. Gilbert RE et al. Ocular sequelae of congenital toxoplasmosis in Brazil compared with Europe. PLoS Negl Trop Dis 2008;2(8):e277.

8. Silveira C et al. The effect of long-term intermittent trimethoprim/sulfamethoxazole treatment on recurrences of toxoplasmic retinochoroiditis. Am J Ophthalmol 2002;134(1):41‑6.

9. Silveira C et al. The effect of long-term intermittent trimethoprim/sulfamethoxazole treatment on recurrences of toxoplasmic retinochoroiditis: 10 years of follow-up. Ocul Immunol Inflamm 2015;23(3):246‑7.

10. Fernandes Felix JP et al. Trimethoprim-Sulfamethoxazole versus placebo in reducing the risk of toxoplasmic retinochoroiditis recurrences: a three-year follow-up. Am J Ophthalmol 2016;170:176‑82.

11. Fernandes Felix JP et al. Trimethoprim-sulfamethoxazole versus placebo to reduce the risk of recurrences of toxoplasma gondii retinochoroiditis: randomized controlled clinical trial. Am J Ophthalmol 2014;157(4):762-6.e1.

12. Fernandes Felix JP et al. Long-term results of trimethoprim-sulfamethoxazole versus placebo to reduce the risk of recurrent toxoplasma gondii retinochoroiditis. Am J Ophthalmol 2020;213:195‑202.


Liens d'intérêt

P. Duraffour déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.