Éditorial

Recherche académique et recherche à promotion industrielle : rôle de l'IFCT


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Avec environ 48 000 nouveaux cas et 37 000 décès par an, le cancer bronchique représente un véritable défi pour la recherche. En effet, au-delà du rôle encore majeur du tabagisme, mieux comprendre l'apparition et le développement (pollution, facteurs génétiques, etc.) de ces maladies constitue un premier défi, le cancer bronchique étant maintenant une ­constellation­ de maladies dont certaines sont authentiquement rares (par exemple, les cancers bronchiques associés à un réarrangement NTRK). Par ailleurs, chaque progrès thérapeutique (démembrement moléculaire et thérapies ciblées dans les années 2000, inhibiteurs de point de contrôle immunitaire dans les années 2010, anticorps conjugués dans les années 2020), même s'il est associé à un impact significatif en termes de survie (accélération de la baisse de la mortalité de 3,2 % entre 2006 et 2013 à 6,3 % de 2013 à 2016), conduit à l'identification de résistances primaires ou secondaires qui constituent un second défi.

Notre recherche doit donc embrasser l'ensemble de ces questions, dans des champs allant de la prévention à l'après-cancer, pour répondre à l'attente des patients, de leurs familles et de la société. Cependant, si la segmentation entre une recherche translationnelle très académique et un développement très industriel de nouvelles molécules a existé par le passé, la frontière est aujourd'hui plus ténue. En effet, d'un côté, les laboratoires de recherche académique et leurs tutelles tentent, de plus en plus, de créer les premiers maillons économiques (start-up) entre leurs découvertes et de futurs médicaments. D'un autre côté, les compagnies développent davantage de programmes translationnels, en lien avec des chercheurs académiques auxquels des postes mixtes sont aujourd'hui offerts, notamment aux États-Unis. De fait, les progrès et les découvertes de rupture naîtront plus rapidement de cette nouvelle porosité, et c'est en tout cas l'ambition des clusters à la française, notamment le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC), voulu par le plan “France 2030”.

Quelle peut être alors la place d'un groupe coopérateur académique comme l'Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT) dans ce nouveau paysage ? Elle est probablement polymorphe, essentiellement fondée sur une expérience et une expertise de la promotion académique, et un réseau d'investigateurs et de médecins chercheurs dotés d'une expertise reconnue dans la clinique et la biologie des tumeurs thoraciques.

Tout d'abord, l'IFCT doit continuer à offrir des essais cliniques pragmatiques qui répondent à des questions du quotidien, hors du champ d'intérêt des compagnies (biotechnologiques ou pharmacologiques) développant de nouvelles molécules, en tant que sponsor (par exemple l'étude IFCT-0302, surveillance après traitement chirurgical des cancers bronchiques) ou en collaboration (comme les études IALT, chimiothérapie adjuvante ou encore LungART, radiothérapie adjuvante). Un certain nombre de questions restent, aujourd'hui, toujours sans réponse et constituent des opportunités pour l'IFCT et ses investigateurs.

Ensuite, l'IFTC doit également compléter l'offre d'essais promus par les industriels, en évaluant de nouvelles technologies (par exemple l'étude IFCT-2021-14, signature GENE) ou de nouvelles stratégies (comme MAPS, MAPS2, R2D2, etc.). Dans ce type d'essais, au-delà de l'aspect clinique accessible à la majorité des centres, l'acquisition et l'analyse d'échantillons biologiques permettent, en parallèle, de développer une recherche translationnelle, qui autorise aussi la genèse d'hypothèses biologiques fournissant le rationnel à la génération d'essais suivante. Cependant, le pari que constituent ces essais dans un panorama qui évolue vite impose de promouvoir des essais dont le recrutement ne dépassera pas 12 à 18 mois. En parallèle, proposer des plateformes d'essais communs à une situation clinique rare comme les addictions oncogéniques (comme l'étude IFCT-2101 MASTER PROTOCOL), dont les bras de traitement peuvent évoluer rapidement au gré des innovations thérapeutiques, constitue un bon complément aux essais, en général, drogue par drogue des partenaires industriels, et offre aux investigateurs une organisation unique, reproductible, pour plusieurs situations cliniques auxquelles chacun d'entre eux peut n'être confronté que rarement. Ce modèle est sûrement amené à se développer.

Enfin, l'IFCT a démontré une certaine force à analyser des données de vie réelle (comme l'étude BIOMARQUEURS France) ; s'il faut sérier les thèmes de ces études qui ne doivent pas être la priorité d'un groupe à l'ambition de l'IFCT, elles peuvent néanmoins constituer une pièce importante des données scientifiques indispensables aujourd'hui au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, dans un contexte de représentativité et d'inclusivité de toutes les populations de patients.

Ainsi, l'IFCT doit donc maintenir et développer un haut niveau d'ambition de la recherche académique, en collaborant, chaque fois que nécessaire, avec les start-up ou les grandes compagnies pharmaceutiques, dans l'objectif de promouvoir des études dont l'ambition est de changer et d'améliorer la prise en charge des patients vivant avec un cancer thoracique.


Liens d'intérêt

F. Barlesi déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.