Il n'existe pas de test permettant le diagnostic de NAFLD (non-alcoholic fatty liver disease) et, en pratique, il s'agit le plus souvent d'un diagnostic d'élimination. La biopsie hépatique est l'examen de référence pour évaluer les lésions hépatiques et la sévérité de la NAFLD. Cependant, il s'agit d'une procédure invasive redoutée par les patients, car entraînant un risque de complication sévère, voire de décès. Compte tenu du nombre très important de patients atteints de NAFLD à évaluer, la biopsie hépatique ne peut pas être utilisée en 1re ligne. Des tests non invasifs ont donc été développés pour déterminer la sévérité et le pronostic de la maladie.
Diagnostic de la NAFLD
Le plus souvent, le diagnostic de NAFLD repose sur un faisceau d'arguments cliniques et paracliniques, après exclusion des autres causes de maladie chronique du foie. Dans la grande majorité des cas, la NAFLD est découverte en cas de stéatose hépatique visible à l'imagerie, d'anomalie du bilan hépatique (cytolyse, élévation des gamma-GT), d'une hyperferritinémie, et ce dans un contexte de terrain métabolique. Le diagnostic de NAFLD impose d'éliminer au préalable les autres causes de stéatose ou d'hyperferritinémie secondaire. Les autres hépatopathies chroniques doivent également être recherchées : maladie alcoolique du foie, hépatites virales chroniques, hémochromatose, hépatites auto-immunes, etc. En effet, du fait de sa prévalence élevée, la NAFLD peut coexister avec d'autres maladies chroniques du foie et agir comme cofacteur aggravant qui favorise l'évolution vers une forme sévère d'hépatopathie chronique. Aussi, la présence d'une NAFLD ne doit pas faire négliger la recherche d'une autre hépatopathie chronique, possiblement présente. Dans la NAFLD, la cytolyse est habituellement modérée et prédomine sur les ALAT. Une inversion du rapport ASAT/ALAT doit faire suspecter l'évolution vers une cirrhose. L'absence de terrain métabolique, une cytolyse supérieure à 5 fois la normale, une hyperferritinémie de plus de 1 000 µg/L ou un coefficient de saturation de la transferrine au-delà de 45 % sont inhabituels dans la NAFLD. Leur présence doit inciter à rechercher un autre diagnostic, voire à réaliser une ponction-biopsie hépatique.
Lésions hépatiques associées au pronostic de la NAFLD
Fibrose hépatique
De nombreuses lésions hépatiques sont décrites dans la NAFLD : stéatose, inflammation lobulaire, ballonnisation des hépatocytes, score d'activités, fibrose, inflammation portale, corps de Mallory, mégamitochondries, noyaux glycogéniques, lipogranulomes, etc. Des études longitudinales rétrospectives ont évalué la signification pronostique de toutes ces lésions et ont montré que le stade de fibrose était le seul paramètre histologique indépendamment associé au pronostic des patients (1). Autrement dit, comme dans les autres causes d'hépatopathie chronique, il faut évaluer le degré de fibrose du foie pour connaître le pronostic hépatique des patients ayant une NAFLD. La fibrose est décrite en 5 stades selon la classification histologique du NASH-CRN (Non-Alcoholic Steatohepatitis Clinical Research Network) : F0 (absence de fibrose), F1 (fibrose périsinusoïdale ou portale/périportale), F2 (fibrose périsinusoïdale et portale/périportale), F3 (septa fibreux), F4 (cirrhose). Il est important de noter que la “fibrose hépatique avancée” classée F3-F4 dans la NAFLD correspond à la fibrose septale et donc à la “fibrose hépatique significative” classée F2-F4 dans la classification Métavir. Selon les résultats d'une méta-analyse récente, le pronostic des patients atteints de NAFLD s'altère à partir du stade de fibrose F2 du NASH-CRN, et s'aggrave très significativement à partir du stade F3 (1). Il est donc important d'évaluer le degré de fibrose hépatique chez tout patient atteint de NAFLD, et en particulier de rechercher la présence d'une fibrose hépatique avancée.
Diagnostic de la NASH, quantification de la stéatose hépatique
Comme indiqué précédemment, le risque de complication hépatique dans la NAFLD est lié au degré de fibrose hépatique, sans influence significative de la présence ou non d'une NASH (2). Pour autant, cela ne signifie pas que la NASH n'a pas d'incidence sur la maladie. Une méta-analyse portant sur des études où des biopsies hépatiques répétées ont été pratiquées a montré une progression plus rapide de la fibrose hépatique chez les patients ayant une NASH (3). Ainsi, la NASH est un prédicteur de progression vers la fibrose hépatique avancée, alors que la fibrose hépatique avancée est un prédicteur du risque de complication hépatique. Il serait donc très intéressant d'identifier les patients atteints de NASH, afin de leur proposer un renforcement des règles hygiénodiététiques ainsi qu'une surveillance rapprochée. Néanmoins, aucun test n'est suffisamment validé à ce jour pour le diagnostic non invasif de la NASH en pratique clinique.
La stéatose hépatique est la lésion princeps de la NAFLD. L'IRM hépatique est très performante et est devenue une méthode de référence pour diagnostiquer et quantifier la stéatose hépatique. Cependant, il n'est pas établi que le niveau de stéatose influence l'évolution de la NAFLD, et donc que sa quantification a une utilité clinique.
Évaluation non invasive de la fibrose hépatique dans la NAFLD
La biopsie hépatique est l'examen de référence pour l'évaluation des lésions hépatiques dans la NAFLD, notamment du stade de fibrose. Il s'agit cependant d'un examen invasif entraînant un risque de complication sévère, voire de décès, qui ne peut pas être proposé en 1re intention aux très nombreux patients atteints de NAFLD. Des tests non invasifs ont donc été développés pour l'évaluation non invasive de la fibrose hépatique, notamment les tests sanguins et l'élastométrie hépatique.
Tests sanguins simples
Les tests sanguins simples combinent des marqueurs usuels avec des calculateurs disponibles gratuitement (sites web, applications pour smartphone). Ils ont donc l'avantage d'être faciles à obtenir et surtout d'être accessibles à tous. Les tests sanguins simples les plus validés dans la NAFLD sont le NFS (NAFLD Fibrosis Score) et le FIB4. Le test NFS combine les paramètres suivants : âge, IMC, diabète/hyperglycémie, ASAT, ALAT, plaquettes et albumine. Il comporte 2 seuils diagnostiques : −1,455 et 0,676. Un résultat inférieur à −1,455 permet d'affirmer l'absence de fibrose hépatique avancée F3-F4 (valeur prédictive négative 92 %, sensibilité 73 %) (4). Un résultat supérieur à 0,676 ne permet pas d'affirmer, mais suggère la présence d'une fibrose hépatique avancée (valeur prédictive positive 67 %). Le test FIB4 est encore plus simple de réalisation, il ne nécessite que 4 paramètres : âge, ASAT, ALAT et plaquettes. Les 2 seuils diagnostiques du FIB4 dans la NAFLD sont 1,30 et 2,67. Un résultat inférieur à 1,30 permet d'affirmer l'absence de fibrose hépatique avancée F3-F4 (valeur prédictive négative 93 %, sensibilité 78 %) (4). Un résultat supérieur à 2,67 suggère la présence d'une fibrose hépatique avancée (valeur prédictive positive 66 %). Les tests NFS et FIB4 permettent d'exclure la fibrose hépatique avancée chez une grande proportion de patients. Ils ont cependant 2 principales limites : une capacité médiocre à affirmer le diagnostic lorsque le résultat est positif (NFS > 0,676, FIB4 > 2,67), ainsi qu'une “zone grise” entre les 2 seuils où le diagnostic reste indéterminé.
Tests sanguins spécialisés
Les tests sanguins spécialisés (FibroTest®, FibroMètre®, score ELF®, Hepascore®) utilisent des marqueurs directs de fibrose : alpha-2 macroglobuline, acide hyaluronique, PIIINP (procollagen-3 N-terminal peptide), TIMP-1 (tissue inhibitors of matrix metalloproteinases-1). Ces marqueurs directs correspondent à des protéines de constitution de la matrice extracellulaire ou à des enzymes impliquées dans son remodelage. Les tests sanguins spécialisés sont plus performants que les tests sanguins simples pour le diagnostic non invasif de fibrose avancée (5) : ils permettent d'exclure la fibrose avancée chez un plus grand nombre de patients et, parce qu'ils sont mieux mieux corrélés au degré de fibrose hépatique, ils proposent une estimation plus précise du stade individuel de fibrose. Le coût des marqueurs, notamment celui des marqueurs directs de fibrose, est cependant plus élevé que pour les tests sanguins simples. Par ailleurs, le calcul de certains tests spécialisés est payant, non remboursé dans la NAFLD, restant donc à la charge du patient.
Élastométrie hépatique
Le principe de l'élastométrie consiste à mesurer, dans le parenchyme hépatique, la vitesse d'une onde élastique générée par une sonde placée sur la peau. La dureté hépatique est ensuite calculée à partir de cette vitesse. L'élastométrie hépatique est une mesure non invasive qui a l'avantage de donner un résultat au cours de la consultation, après seulement quelques minutes d'examen. Elle implique que le patient soit à jeun depuis au moins 2 heures, idéalement 4 heures.
FibroScan®
Le FibroScan® est le dispositif d'élastométrie hépatique le plus validé dans la NAFLD. Les 2 seuils diagnostiques du FibroScan® dans la NAFLD sont de 7,9 et 9,6 kPa. Un résultat inférieur à 7,9 kPa permet d'affirmer l'absence de fibrose hépatique avancée F3-F4 (valeur prédictive négative 96 %, sensibilité 89 %) (4). Un résultat supérieur à 9,6 kPa suggère la présence d'une fibrose hépatique avancée (valeur prédictive positive 68 %). Comparé aux tests sanguins, un des avantages du FibroScan® est que le taux de diagnostic “indéterminé” (zone grise entre les 2 seuils diagnostiques) est beaucoup plus faible.
En raison d'un taux important d'échecs de mesure avec la sonde M chez les patients obèses, le constructeur a développé la sonde XL spécifiquement dédiée pour la mesure de l'élastométrie hépatique dans cette population. Un travail récent a suggéré que les mêmes seuils diagnostiques pouvaient être utilisés pour les 2 sondes, à condition que la sonde M soit utilisée chez les patients ayant un IMC < 30 kg/m2 et la sonde XL, chez ceux ayant un IMC ≥ 30 kg/m2 (6). L'interprétation du résultat du FibroScan® nécessite de prendre en compte la fiabilité de l'examen ainsi que la présence de facteurs de confusion, autres que la fibrose hépatique, pouvant augmenter la dureté du foie. Les examens donnant un résultat ≥ 8,0 kPa et un rapport IQR (interquartile range)/M (médiane) > 0,30 sont considérés comme non fiables, car associés à un taux important de faux positifs pour le diagnostic de fibrose hépatique avancée (7). L'inflammation hépatique, la cholestase, l'insuffisance cardiaque, et même la stéatose sont susceptibles d'augmenter le résultat du FibroScan®, favorisant ainsi des résultats faux positifs. Le CAPTM(controlled attenuation parameter) mesure l'atténuation des ondes ultrasonores dans le parenchyme hépatique lors de l'examen avec le FibroScan®. Une étude récente a suggéré que la prise en compte du résultat du CAP, délivré en même temps que le résultat de dureté hépatique, permettait de réduire le taux de faux positifs pour le diagnostic de fibrose hépatique avancée avec le FibroScan® (8).
Autres dispositifs d'élastométrie
De nombreux fabricants ont développé et intégré des modules d'élastométrie dans leurs appareils d'échographie ultrasonore. Ces modules utilisent différentes technologies d'élastométrie, notamment la pSWE (point shear wave elastography) ou la 2D-SWE (two dimensional shear wave elastography), qui génèrent l'onde élastique par un faisceau ultrasonore. Peu de travaux ont directement comparé la performance des différents appareils d'élastométrie pour le diagnostic non invasif de la fibrose hépatique dans la NAFLD. Les quelques études disponibles ont montré des performances similaires entre le FibroScan®, l'Acuson S2000TM et l'Aixplorer® (9).
Depuis peu, l'élastométrie par résonance magnétique a été développée sur les appareils d'IRM pour mesurer la dureté de l'ensemble du foie. Une méta-analyse a récemment suggéré que l'élastographie par résonance magnétique serait plus performante que le FibroScan® dans la NAFLD (10). Cependant, cette méta-analyse n'a inclus que 3 études pour un total de 230 patients. D'autres travaux menés dans de grandes cohortes de patients sont nécessaires pour confirmer la performance diagnostique de l'élastographie par résonance magnétique dans la NAFLD.
Combinaisons de tests non invasifs
Individuellement, chaque test non invasif de fibrose est limité par une valeur prédictive positive suboptimale (capacité à affirmer le diagnostic de fibrose avancée) ainsi que par une “zone grise” dans laquelle le diagnostic reste indéterminé. Une façon d'améliorer la performance diagnostique est d'associer les tests non invasifs. Des travaux récents ont montré qu'utiliser 2 méthodes (un test sanguin et une mesure d'élastométrie) permettait d'augmenter la valeur prédictive positive jusqu'à 80 % (7, 11). Par ailleurs, l'utilisation séquentielle de tests non invasifs (par exemple un test sanguin puis, si besoin, une mesure d'élasticité hépatique) permet de réduire la “zone grise” de diagnostic indéterminé et donc le recours à la biopsie hépatique (7, 11).
Futurs challenges
Diagnostic non invasif de la “NASH fibrosante”
Aucun traitement pharmacologique n'est actuellement recommandé dans la NAFLD, mais de nombreuses molécules sont en cours d'évaluation dans les essais thérapeutiques de phases II/III. Une grande partie de ces essais inclut des patients ayant une NASH fibrosante (NASH + score d'activité NAS (NAFLD activity score) ≥ 4 + stade de fibrose F ≥ 2). La NASH fibrosante devient donc une cible diagnostique de grand intérêt dans la NAFLD non seulement pour la sélection actuelle des patients à inclure dans les essais thérapeutiques, mais aussi dans un futur proche pour identifier les patients à traiter une fois que les nouvelles molécules seront disponibles sur le marché. Trois tests non invasifs ont été récemment développés pour le diagnostic non invasif de NASH fibrosante : 2 tests sanguins (MACK-3 et NIS4) et un score élastométrique (FAST). Le MACK-3 inclut 4 marqueurs sériques : ASAT, glycémie, insulinémie et CK18 (12) ; le NIS4 comporte HbA1c, alpha-2 macroglobuline, YKL-40, miR-34a ; et le FAST inclut les résultats du FibroScan® (dureté hépatique, CAPTM) et des ASAT. Les travaux menés par les développeurs montrent de bonnes performances de ces tests pour le diagnostic de NASH fibrosante avec des AUROC entre 0,80 et 0,85. Ces tests nécessitent maintenant d'être validés par des travaux indépendants dans de grandes cohortes de patients.
Dépistage des patients dans les populations à risque
La prochaine mise sur le marché des nouveaux traitements de la NAFLD ouvre la possibilité de réduire l'impact individuel et sociétal de la maladie. Néanmoins, pour atteindre cet objectif, il faudra identifier et traiter les patients ayant une forme avancée de la maladie, afin d'enrayer l'évolution vers la cirrhose et ses complications. La prévalence de la NAFLD chez les adultes en France a récemment été estimée à 17 %, dont seulement 2,6 % ont une fibrose hépatique avancée (d'après Nabi et al., abstr. 1740, AASLD 2018). Identifier ces patients revient donc à chercher “une aiguille dans une botte de foin” et il est fort probable que la majeure partie d'entre eux ne sont actuellement pas diagnostiqués. Une solution pourrait être de mieux caractériser les patients à risque par un dépistage à l'aide des tests non invasifs de fibrose. Des travaux ont ainsi montré que le principal facteur de risque de fibrose hépatique avancée en population générale était le diabète de type 2, avec un taux de résultat de FibroScan® supérieur à 9,6 kPa pouvant atteindre 18 % chez ces patients (13, 14). Par ailleurs, un travail récent mené en Angleterre a montré que l'utilisation des tests non invasifs par les médecins généralistes permettait non seulement d'améliorer l'identification des patients atteints de NAFLD avec une fibrose avancée, mais aussi de diminuer très significativement les demandes de consultations spécialisées pour les patients n'ayant pas de fibrose avancée (15). Il semble donc possible d'utiliser les tests non invasifs pour définir un “parcours patient” organisé depuis les soins primaires par les non-spécialistes du foie jusqu'à la consultation spécialisée en hépatogastroentérologie. Un tel parcours permettra de mieux identifier les patients qui nécessitent une prise en charge et un traitement spécifique, de rationaliser les demandes d'examens complémentaires et de consultations spécialisées et, in fine, d'optimiser l'utilisation des ressources de notre système de santé. Un tel programme requerra cependant une étroite coordination entre les différentes spécialités médicales et donc de sensibiliser les non-spécialistes au dépistage des formes avancées de NAFLD.
Conclusion
La NAFLD est une pathologie très fréquente dont le pronostic est lié au degré de fibrose hépatique. Les tests sanguins simples permettent d'éliminer très facilement la présence d'une fibrose hépatique avancée, et pourraient être utilisés par les non-spécialistes pour sélectionner les patients à envoyer en consultation d'hépatogastroentérologie. Les tests sanguins spécialisés et les appareils d'élastométrie hépatique permettent aux hépatogastroentérologues d'identifier le petit sous-groupe de patients ayant une forme avancée de la maladie qui nécessite une prise en charge spécifique. ■

