Éditorial

Accident vasculaire cérébral : une maladie émergente


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En dehors des chiffres connus de tous, qui illustrent la grande fréquence et la gravité des accidents vasculaires cérébraux (AVC) – première cause de handicap moteur chez l'adulte, deuxième cause de déclin cognitif, deuxième cause de mortalité chez la femme et troisième cause chez l'homme –, des avancées récentes dans la connaissance de leurs origines, de leur évolution dans le temps et dans leurs traitements ont totalement modifié la place de l'AVC dans l'organisation sanitaire des pays développés.

Trois évolutions soulignent la place nouvelle qu'occupe l'AVC dans le domaine de la santé publique.

  • Sur le plan épidémiologique, l'importance de l'AVC est devenue un problème majeur pour l'organisation des urgences mais aussi pour la gestion du handicap chronique. Si les taux d'incidence globale des AVC sont devenus stables, ce qui témoigne de l'efficacité de la prévention primaire, le nombre d'AVC augmente dans tous les pays développés (1), en raison du vieillissement de la population, de l'arrivée dans les tranches d'âge à risque des baby-boomers des années 1950, et de l'augmentation inattendue des taux d'incidence chez les adultes jeunes de moins de 55 ans (1). Le taux de survie après un AVC augmente régulièrement grâce aux progrès de la prise en charge aiguë (2). Ces tendances aboutissent, en revanche, à l'augmentation des taux de prévalence des AVC consommant des ressources humaines et logistiques importantes (2).
  • Sur le plan thérapeutique, pour l'AVC ischémique (80 % des AVC), la démonstration par des essais cliniques puis la confirmation dans la vraie vie de l'efficacité des unités neurovasculaires (UNV), qui réduisent le risque de décès et de handicap quels que soient l'âge, la gravité de l'AVC et son type, ischémique ou hémorragique (1 décès ou 1 handicap évité pour 25 malades traités) [2], et de la fibrinolyse (1 malade guéri pour 4 malades traités dans la première heure, contre 14 malades traités à 4 heures 30), ont bouleversé les pratiques médicales et la perception qu'ont de l'AVC les professionnels de la santé et le public. Enfin, la thrombectomie mécanique apporte depuis 2015, malgré une certaine complexité dans la sélection des malades à traiter, une efficacité supplémentaire (il suffit de traiter moins de 3 patients pour gagner 1 point sur le score de Rankin). L'arsenal thérapeutique est complété par la craniectomie décompressive précoce, qui a démontré son efficacité pour limiter les conséquences vitales et fonctionnelles de l'infarctus malin. Dans le domaine de la prévention secondaire, l'arrivée des anticoagulants oraux directs en cas de fibrillation auriculaire et l'intérêt de la fermeture du foramen ovale perméable dans les AVC ischémiques cryptogéniques (3) illustrent les enjeux des essais cliniques dans les AVC.
  • Sur le plan organisationnel, le rôle moteur de la France a amplifié, grâce à la DGOS (direction générale de l'offre de soins) et aux agences régionales de santé, l'élan actuel sur l'organisation des soins pour répondre aux enjeux de l'AVC, avec la mise en place de filières interhospitalières associant neurologues, urgentistes, radiologues et neuroradiologues interventionnels, avec le Plan national AVC 2010-2014, qui a permis de créer 143 UNV en France, chiffre encore insuffisant mais qui pourrait être amélioré en augmentant le nombre de neurologues à former. Le volet télé-AVC du Plan télémédecine de 2011, dont l'efficacité et la sécurité sont largement démontrées, permet d'atténuer les disparités territoriales, tandis que la circulaire de 2015 instituant une consultation pluridisciplinaire obligatoire entre le troisième et le neuvième mois après un AVC devrait permettre de faire baisser les taux de mortalité, de récidives, de complications et de réhospitalisations.

En revanche, la prise en charge des AVC hémorragiques n'a bénéficié d'aucun progrès thérapeutique en dehors du rôle de l'UNV (2).

Ainsi, la prise en charge des AVC ischémiques est devenue un modèle organisationnel efficace devant aboutir à des résultats homogènes sur l'ensemble du territoire avec 200 à 250 fibrinolyses pour 1 million d'habitants, et une thrombectomie mécanique pour 2 fibrinolyses (2), sans oublier l'intérêt de développer la recherche fondamentale pour tenter de réduire le handicap cérébral avec les avancées dans le domaine de la neuroprotection et des greffes de cellules souches.

Références

1. Feigin VL, Roth GA, Naghavi M et al. Global burden of stroke and risk factors in 188 countries, during 1990-2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013. Lancet Neurol 2016;15(9):913-24.

2. Leys D. La prise en charge en urgence de l’ischémie cérébrale n’est plus qu’une problématique organisationnelle. Pour l’hémorragie cérébrale spontanée, tout reste à faire… Presse Médicale 2017;46(1):1-3.

3. Mas JL, Derumeaux G, Guillon B et al. Patent foramen ovale closure or anticoagulation vs. antiplatelets after stroke. N Engl J Med 2017;377(11):1011-21.


Liens d'intérêt

M. Giroud déclare avoir des liens d’intérêts avec Novex Pharma et Boehringer-Ingelheim.

Y. Béjot déclare avoir reçu des honoraires pour des activités d’orateur ou de consultant expert de la part d’AstraZeneca, Daiichi-Sankyo, BMS, Pfizer, Medtronic, MSD France, Amgen, Boehringer-Ingelheim et Novex Pharma.