Editorial

Les critères diagnostiques de la SEP : de 1983 à 2017
Quelle utilité en pratique ?


(pdf / 95,65 Ko)

Les critères diagnostiques ont énormément évolué depuis 30 ans, avec l'avènement de l'IRM et les corrélations clinique, évolutive et diagnostique qui en résultent.

En 1983, C.M. Poser et al. (1) publient les premiers critères diagnostiques. Ils reposent sur la dissémination temporelle et spatiale des symptômes, prédominant dans la substance blanche. Ces critères − qui sont fondés uniquement sur des données cliniques − sont majeurs, l'IRM ne reprenant, par la suite, que ces données de dissémination temporelle et spatiale.

En 1997, F. Barkhof et al. (2) décrivent la valeur prédictive des résultats de la première IRM au cours des syndromes cliniquement isolés (SCI). En effet, le risque de développer une SEP clinique définie reposait sur la présence d'au moins 9 lésions sur l'IRM cérébrale initiale. La valeur prédictive à long terme des résultats de la première IRM est ensuite confirmée par l'étude de Brex (3), en 2002, et celles de Swanton (4). Lors du premier événement clinique démyélinisant (neuropathie optique démyélinisante, poussée du tronc cérébral, myélite), le “cut-off” de l'IRM cérébrale est de 2 lésions. Durant ce premier événement clinique, la normalité de l'IRM initiale ou la présence d'une seule lésion inflammatoire expose à un risque de conversion en SEP cliniquement définie de 14 % à 15 ans ; la présence d'au moins 2 lésions inflammatoires expose, quant à elle, à un risque de SEP de 85 % à 14 ans. Ces résultats ont été confirmés plus récemment dans la cohorte barcelonaise (5) : sur plus de 1 000 SCI, la présence d'au moins 2 lésions inflammatoires sur la première IRM cérébrale multiplie par 14 le risque de développer une SEP à 10 ans, et la présence de bandes oligoclonales sur la ponction lombaire, par 4.

Les critères diagnostiques de SEP sont ensuite revus périodiquement en 2005, 2010 et 2017. Cette dernière version verra le retour de la valeur prédictive de la ponction lombaire dans le risque de développer une SEP cliniquement définie après un premier événement démyélinisant.

Les critères diagnostiques 2017 de SEP sont les suivants :

  • la présence d'un premier événement clinique démyélinisant inflammatoire ;
  • la dissémination spatiale : au moins 2 lésions inflammatoires de taille supérieure à 3 mm et de localisation différente (corticale ou juxtacorticale, périventriculaire, fosse postérieure, moelle) ;
  • la dissémination temporelle : deuxième poussée ou présence d'une lésion rehaussée par le gadolinium, de bandes oligoclonales sur la ponction lombaire ou d'une nouvelle lésion sur une IRM de contrôle − quel que soit le délai par rapport à la première IRM.

Plusieurs remarques doivent être prises en compte :

  • Ces critères ne sont valables qu'après une poussée clinique. Si les patients sont asymptomatiques ou que les symptômes cliniques ne sont pas en rapport avec une poussée (céphalées, fatigue), ils ne sont pas applicables. Les critères qui doivent être appliqués sont ceux de 2009 (au moins 3 sur 4 : 1 lésion juxtacorticale, 3 lésions périventriculaires, 1 lésion de la fosse postérieure, 1 lésion médullaire).
  • Le rehaussement par le gadolinium s'applique aussi bien aux lésions symptomatiques qu'asymptomatiques.
  • On ne fait plus de différence entre lésions corticales et juxtacorticales.
  • L'IRM du nerf optique ne valide pas la dissémination spatiale ou temporelle.
  • Le diagnostic de SCI nécessite la normalité de la ponction lombaire.

Autant le neurologue doit appliquer les critères de 2017, autant la compréhension de la maladie est différente. En effet, lorsque la dissémination spatiale est validée, la dissémination temporelle l'est de fait. En effet, la présence de plusieurs lésions (dissémination spatiale) résulte de l'accumulation de celles-ci dans le temps.

Ceci permettrait une nouvelle définition ou compréhension du diagnostic de SEP, reposant sur l'étude rigoureuse des événements cliniques et de l'hypersignal en IRM. En effet, à partir du moment où ces critères sont validés, il s'agit de l'expressivité différente d'une même maladie. En cas de doute diagnostique, la ponction lombaire doit être réalisée pour confirmer la nature inflammatoire des hypersignaux.

  • En l'absence de symptômes cliniques, les critères de 2009 sont toujours requis, afin d'éviter des diagnostics par excès d'hypersignaux de nature inflammatoire, alors qu'ils ont d'autres origines. Une fois validé le syndrome radiologiquement isolé, 1 diagnostic sur 3 devient cliniquement défini au bout de 4 ans. Le terme de “SEP présymptomatique” serait plus adéquat pour les RIS.
  • La présence d'un symptôme démyélinisant, et d'un seul hypersignal inflammatoire, permettrait de retenir le diagnostic de SEP monosymptomatique (anciennement SCI).
  • La présence d'au moins 2 lésions inflammatoires permet de retenir le diagnostic de SEP rémittente.

Une fois la classification de SEP et de ces formes (présymptomatiques, monosymptomatiques et rémittentes), l'objectif est de connaître l'expressivité de la maladie, reflet du pronostic, qui influencera la prise en charge thérapeutique. L'IRM fournit déjà des marqueurs pronostiques prédisant un handicap à long terme : nombre de lésions supérieur à 9, atteinte de la fosse postérieure, atteinte de la moelle.

Ce qui nous manque, c'est un marqueur unique du diagnostic de SEP. Plusieurs études sur des marqueurs biologiques diagnostiques (anticorps anti-MOG ou anti-KIR4.1) n'ont pas permis de déterminer un tel marqueur.

Les neurofilaments pourraient constituer un des marqueurs pronostiques de la maladie. Un taux de neurofilaments supérieur à 30 pg/ml serait un marqueur statistique de la survenue de poussées, d'une progression ou d'un échec thérapeutique, cela étant à confirmer de façon individuelle.

En conclusion, autant le neurologue doit appliquer les critères de 2009 pour les RIS et ceux de 2017 au décours d'un premier événement clinique, autant la compréhension de la maladie est différente. À partir du moment où la première poussée clinique est validée, l'IRM est un marqueur diagnostique de première importance : la normalité de l'IRM initiale ou la présence d'une seule lésion permet de retenir le diagnostic de SEP monosymptomatique (anciennement SCI) ; la présence de 2 lésions inflammatoires, ou plus, permet de retenir le diagnostic de SEP, car la dissémination spatiale et, donc, la dissémination temporelle sont établies. En cas de doute diagnostique, la ponction lombaire est requise, et le suivi clinique et IRM, indispensable. L'avenir repose sur un marqueur diagnostique et des marqueurs évolutifs, les neurofilaments sériques pouvant être un bon candidat. Il semble plus logique de raisonner en termes d'expressivité d'une seule maladie, qu'est la SEP, et de rattacher les différents syndromes (RIS, SCI, SEP) à une expressivité variable d'une même maladie qu'est la SEP.

Références

1. Poser CM, Paty DW, Scheinberg L et al. New diagnostic criteria for multiple sclerosis: guidelines for research protocols. Ann Neurol 1983;13:227-31.

2. Barkhof F, Filippi M, Miller DH et al. Comparison of MRI criteria at first presentation to predict conversion to clinically definite multiple sclerosis. Brain 1997;120:2059-69.

3. Brex PA, Ciccarelli O, O’Riordan JI et al. A longitudinal study of abnormalities on MRI and disability from multiple sclerosis. N Engl J Med 2002;346(3):158-64.

4. Swanton JK, Rovira A, Tintore M et al. MRI criteria for multiple sclerosis in patients presenting with cinically isolated syndromes: a multicentre retrospective study. Lancet Neurol 2007;6(8):677-86.

5. Tintore M, Rovira A, Rio J et al. Defining high, medium and low impact prognostic factors for developing multiple sclerosis. Brain 2015;138(Pt 7): 1863-74.

Pour en savoir plus …

McDonald WI, Compston DA, Edan G et al. Recommended diagnostic criteria for multiple sclerosis: guidelines from the International Panel on the Diagnosis of Multiple Sclerosis. Ann Neurol 2001;50:121-7.

Polman CH, Reingold SC, Edan G et al. Diagnostic criteria for multiple sclerosis: 2005 revisions to the “McDonald Criteria”. Ann Neurol 2005;58:840-46.

Polman CH, Reingold SC, Banwell B et al. Diagnostic criteria for multiple sclerosis: 2010 revisions to the McDonald Criteria. Ann Neurol 2011;69:292-302.

Okuda DT, Mowry EM, Beheshtian A et al. Incidental MRI anomalies suggestive of multiple sclerosis: the radiologically isolated syndrome. Neurology 2009;72:800-5.


Liens d'intérêt

P. Labauge déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.