Éditorial

L'eau n'a pas de mémoire, contrairement au cerveau !


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Ce très beau numéro spécial recense les thérapeutiques complémentaires disponibles dans les grandes pathologies neurologiques : SEP, épilepsie, maladie de Parkinson, céphalées, démences, douleurs neuropathiques, troubles du sommeil, ou utilisées comme techniques de rééducation.

Comme l'écrit très bien Patrick Vermersch dans son article sur la SEP et les thérapies non conventionnelles, l'écueil est double : d'une part, le rejet complet de ces pratiques par les professionnels, avec un risque de rupture de la relation de confiance entre le patient qui y croit et les soignants ; et, d'autre part, l'acceptation sans réserve de ces médecines complémentaires dont les niveaux de preuve d'efficacité restent parfois faibles.

Primum non nocere

Le terme “thérapeutiques complémentaires” est désormais préféré à l'expression “thérapeutiques alternatives” qui a longtemps prévalu. Cette évolution sémantique est nécessaire, car ces thérapeutiques complémentaires ne sont pas des alternatives à d'autres traitements reconnus médicamenteux ou chirurgicaux, mais bel et bien un apport complémentaire tendant au bien-être du patient et à une meilleure qualité de vie. Le débat autour de l'homéopathie, qui a longtemps constitué au sens propre du terme une thérapeutique alternative, est à ce sens révélateur. L'homéopathie a été créée en 1796 par Christian Friedrich Samuel Hahnemann, un médecin allemand qui prescrivait à ses patients des préparations à posologies infinitésimales qu'il qualifia lui-même d'homéopathes. Jugé coupable d'exercice illégal de la pharmacie par la Cour de justice de Leipzig en 1820, il quitte sa ville natale puis s'exile à Paris où il fonde une école d'homéopathie. À partir de là, la pratique homéopathique va se répandre en Europe et dans le monde. Le fondement “scientifique” justifiant cette thérapie va être émis en 1988 par Jacques Benveniste, chercheur médecin et immunologue, qui émet l'hypothèse de la mémoire de l'eau : l'eau qui a été en contact avec certaines substances conserverait une empreinte de certaines de leurs propriétés, même si elles ne s'y trouvent plus physiquement. Cette hypothèse fera long feu et après bien des péripéties et des controverses, devant l'absence avérée de fondement d'efficacité scientifique, l'homéopathie sera déremboursée en France en 2021. Entre-temps, des générations de patients auront été traitées exclusivement par des médicaments homéopathiques, parfois avec succès, illustrant dans ce cas le fait que :

  • ils n'avaient pas besoin de médicaments du tout ;
  • l'effet placebo et la croyance en une thérapie sont primordiaux.

D'autres ont peut-être été victimes d'un traitement alternatif empêchant ou retardant l'accès à un traitement médical reconnu. On pense dans un autre domaine à Steve Job qui, atteint d'un cancer du pancréas, a, dans un premier temps, refusé une intervention chirurgicale, lui préférant un régime alimentaire végétarien strict, des séances d'acupuncture et divers remèdes de phytothérapie avec l'issue que l'on connaît. Il paraît donc crucial ici de parler de thérapies complémentaires et non de thérapies alternatives.

Au-delà de l'amélioration de la qualité de vie apportée de façon manifeste par les thérapies complémentaires évoquées dans ce numéro (ce qui est déjà en soit un bienfait inestimable), 2 questions distinctes se posent : ces thérapeutiques ont-elles une réelle efficacité sur le cours évolutif des pathologies dans lesquelles elles sont proposées ? Justifient-elles un remboursement ?

Efficacité des thérapies complémentaires

La lecture de ce numéro spécial montre que, à ce jour, peu de thérapies complémentaires ont été évaluées avec des méthodologies adéquates ou ont fait preuve d'une réelle efficacité avec des études scientifiques dédiées. Plusieurs raisons à cela : la diversité des thérapies considérées allant de la méditation en pleine conscience à l'hortithérapie en passant par la phytothérapie, l'acupuncture ou la chiropraxie ; l'absence d'études physiopathologiques dédiées et très certainement l'absence de financements d'envergure permettant de démontrer l'efficacité de ces procédures.

Dans l'immense majorité des domaines recensés, la conclusion obtenue est identique à celle de Mathieu Ceccaldi dans son article sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées : la recherche sur l'impact des thérapies complémentaires doit se poursuivre, avec la nécessité d'employer des méthodologies plus rigoureuses que celles généralement utilisées dans les très nombreuses publications parues à ce jour sur le sujet. Seules gagnantes : les techniques de neuromodulation qui, par exemple dans le domaine des douleurs, semblent apporter un bénéfice réel. Mais peut-on encore parler de thérapies complémentaires ?

Remboursement

Un remboursement de la majorité de ces thérapies complémentaires semble à l'heure actuelle illusoire tant qu'il n'y aura pas eu de démonstration scientifique de leur efficacité. Néanmoins, il paraît avéré, et c'est le ressenti de nombreux praticiens et patients, qu'elles peuvent, dans certains cas, améliorer la qualité de vie, et donc le vécu de la maladie et pourquoi pas son évolution, s'inscrivant dans une démarche holistique de prise en charge.

On en revient donc toujours au même point : faire la preuve d'une efficacité (sur des symptômes de la maladie ou sur de la qualité de vie) de façon scientifique et irréprochable sur un plan méthodologique. Mais qui va le faire en l'absence de réels moyens financiers de soutien ?

Le mot de la fin

Pour conclure, il semble important de reconsidérer, mieux catégoriser et surtout mieux valider les méthodes de thérapie complémentaire, quitte à en écarter certaines. C'est à ce prix que celles qui ont un véritable intérêt, et il y en a, seront reconnues et deviendront peut-être accessibles à tous. Il conviendra également de garder à l'esprit que, comme le dit très justement Caroline Massot dans son article sur la rééducation et la médecine complémentaire, ces thérapies complémentaires doivent enrichir l'offre de soins sans s'y substituer.


Liens d'intérêt

S. Dupont déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.