Éditorial

De l'hystérie aux troubles fonctionnels neurologiques : le retour de la neuropsychiatrie ?


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Jean-Martin Charcot, pilier de la neurologie française, a, de longue date, été considéré comme l'un des grands théoriciens de l'hystérie, même si, comme on le découvrira dans l'excellent article de Nicolas Brémaud, d'autres s'y sont intéressés avant et, bien sûr, après lui.

D'ailleurs, le terme “hystérie” est-il encore “politiquement correct” ? L'évolution des appellations et leur multiplicité reflètent notre gêne à bien qualifier ce désordre et à le classer en maladie neurologique ou psychiatrique : névrose hystérique, troubles conversifs, troubles psychogènes, troubles fonctionnels, troubles dissociatifs, troubles somatomorphes, troubles somatoformes… Force est pourtant de reconnaître que, quelle que soit la terminologie retenue, ces troubles neurologiques fonctionnels ou TNF (appellation officielle) existent et revêtent des présentations cliniques variées – amnésie dissociative et troubles cognitivoformes (article de Catherine Thomas-Antérion), crises non épileptiques psychogènes (article d'Alexis Tarrada et Coraline Hingray), troubles moteurs fonctionnels (article d'Emmanuel Flamand-Roze et Béatrice Garcin)… – et, surtout, ont pour les patients un retentissement sur la vie quotidienne et la qualité de vie similaire à celui d'une maladie neurologique dite organique, voire pire. Comme le rappelle très bien Béatrice Garcin dans son bel article de présentation, ces troubles neurologiques fonctionnels sont fréquents et représentent la deuxième cause de consultation en neurologie. Ils font d'ailleurs l'objet d'une recherche de plus en plus poussée, notamment en neuro-imagerie cérébrale fonctionnelle, avec la mise en évidence en imagerie de connectivité de réseaux neuronaux dysfonctionnels ; cause ou conséquence de ces TNF ? Une analyse biographique poussée et psychologique permet chez la plupart de ces patients d'individualiser des facteurs de vulnérabilité individuelle (facteurs prédisposants), des facteurs traumatiques déclenchants (facteurs précipitants) et de potentiels facteurs entretenant les symptômes (facteurs perpétuants), qui tous 3 peuvent être des leviers d'action pour la prise en charge thérapeutique. Car celle-ci est cruciale, et va s'avérer parfois ardue, sollicitant, comme le rappellent Nassim Sarni et Jean-Yves Rotgé, tout à la fois des compétences relationnelles, techniques et organisationnelles.

Le premier écueil est néanmoins celui du diagnostic. La médecine est devenue très technique et, parfois, elle s'est quelque peu déshumanisée : savoir écouter nos patients, les entendre dans leur singularité et ne pas les juger est certainement le premier acte fondateur d'une prise en charge thérapeutique efficace et par nécessité, devant la complexité de cette maladie, multidisciplinaire. Car nous parlons bien ici de maladie et non de simulation ou de troubles factices. Les patients nous parlent à travers leurs symptômes, appellent à l'aide. Il nous faut donc les entendre, cesser de nous défausser de leur prise en charge sur nos confrères psychiatres, qui doivent en retour admettre nos diagnostics et ne pas nous réadresser les patients sous prétexte que cela ressemble trop à une pathologie neurologique organique pour que cela n'en soit pas une. Travailler en multidisciplinarité impose une bonne formation à la problématique des TNF de tous les acteurs de la prise en charge ainsi que le développement de filières spécialisées et accessibles pour les thérapies les plus adaptées et reconnues (cognitivocomportementales, kinésithérapie, etc.). Cela implique également l'absolue nécessité de valider l'efficacité (ou non) d'autres thérapeutiques alternatives. Les neurologues et les psychiatres doivent être les acteurs majeurs de cette prise en charge, complémentaires tout à la fois lors de l'étape diagnostique puis de celle de la prise en charge thérapeutique.

Cette complémentarité est totalement illustrée par la présence dans ce dossier d'auteurs psychiatres et neurologues, tous experts dans leur domaine : qu'ils en soient remerciés et qu'ils soient pris pour modèle !



Liens d'intérêt

S. Dupont déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.