Dossier

Maladies auto-immunes et vascularites


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Artérite à cellules géantes (maladie de Horton)

Le mavrilimumab, le petit dernier des traitements biologiques

Le traitement de la maladie de Horton repose sur la corticothérapie. Limiter les doses cumulées de corti­coïdes dans cette population de patients âgés qui ont souvent des comorbidités présente cependant un intérêt majeur.

Un essai de phase II a évalué la tolérance et l'efficacité du mavrilimumab, un anticorps monoclonal ciblant le facteur de croissance granulocytaire (GM-CSF), chez des patients atteints de maladie de Horton (abstr. OP0059). Des patients atteints d'une maladie de Horton confirmée en rémission clinique et biologique depuis moins de 6 semaines sous corti­coïdes étaient randomisés (selon un ratio 3:2) pour recevoir du mavrilimumab 150 mg s.c./14 jours ou un placebo. Le sevrage des corticoïdes était standardisé avec un schéma prévoyant un arrêt total à 26 semaines (figure 1). Le critère de jugement principal était la survenue d'une rechute au cours des 26 semaines de suivi. 70 patients ont été inclus, dont 35 au diag­nostic et 35 en rechute de leur maladie. Au terme de l'étude, 50,1 % des patients sous placebo avaient rechuté, contre 16,8 % dans le groupe mavrilimumab (p = 0,0038). Le risque de rechute était diminué de 72 % sous mavrilimumab (risque relatif = 0,38 ; IC95 : 0,15-0,92) (figure 1). La tolérance était bonne (aucun effet indésirable grave). Si ces résultats sont confirmés par les études de phase III qui vont suivre, le mavrilimumab pourrait donc constituer une alternative au tocilizumab, avec la question persistante du risque de rechute à l'arrêt du traitement.

Un schéma ultracourt d'induction par corticoïdes associé au tocilizumab

Tandis que le tocilizumab a déjà montré son efficacité à visée d'épargne cortisonique dans la maladie de Horton (étude GIACTA), une étude de faisabilité a cherché à évaluer l'efficacité d'un schéma thérapeutique innovant associant une induction ultra-courte par un bolus de cortisone sur 3 jours suivi d'un traitement par tocilizumab seul, sans corticothérapie orale (abstr. OP0061). L'essai GUSTO était une étude monocentrique ouverte portant sur 18 patients atteints d'une maladie de Horton au diagnostic et exempts de traitement. Les patients recevaient un bolus quotidien de 500 mg de méthylprednisolone 3 jours de suite, puis une perfusion i.v. de tocilizumab 8 mg/kg, relayée par tocilizumab 162 mg s.c./ sem. durant 52 semaines. Le critère de jugement principal était le pourcentage de patients en rémission clinique à J31 et l'absence de rechute à 24 semaines. Dans l'analyse intermédiaire réalisée sur 12 patients, seuls 3 patients (25 %) atteignaient le critère principal, rejetant par conséquent l'hypothèse préspécifiée d'au moins 40 % de rémissions (p = 0,92). Trois patients étaient considérés non répondeurs, dont 1 a développé une névrite optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) de novo. Deux patients ont arrêté le tocilizumab pour un effet indésirable (diverticulite et cytolyse hépatique).

Cet essai ambitieux démontre qu'il est difficile de se passer d'une corticothérapie orale en traitement d'induction dans la maladie de Horton.

Intérêt de l'échographie dans le suivi de l'artérite à cellules géantes

Outre le besoin d'un traitement d'épargne cortisonique, le suivi des personnes souffrant de maladie de Horton peut parfois être complexe, notamment quand des douleurs non spécifiques s'associent au tableau ou que le syndrome inflammatoire est difficile à interpréter. Une étude italienne a évalué l'intérêt du suivi échographique du signe du halo (figure 2) chez les patients nouvellement diagnostiqués d'une maladie de Horton et traités par corticoïdes (abstr. OP0055). Il s'agissait d'une étude prospective observationnelle portant sur 49 patients (73,5 % de femmes ; âge moyen : 78,2 ans), avec un total de 354 visites cliniques avec échographie. À l'inclusion, 85,6 % des patients rapportaient des symptômes céphaliques ; 38,8 %, des troubles visuels, et un signe du halo était retrouvé au niveau temporal chez 47 patients sur 49 (95,9 %). Dès 1 semaine de corticothérapie, une diminution significative du nombre de segments avec un signe du halo ainsi que de l'épaisseur du halo des différents segments évalués était retrouvée, notamment dans la zone temporale (figure 2). Il y avait une corrélation significative entre les résultats échographiques (nombre de segments avec halo et épaisseur de la paroi artérielle) et les marqueurs d'inflammation. De manière notable, sur 16 patients présentant une première rechute durant le suivi, 15 présentaient une réaugmentation de l'épaisseur du halo par rapport à la visite précédente.

Ainsi, le suivi des anomalies échographiques des artères temporales pourrait être un outil supplémentaire pour le suivi des patients atteints de maladie de Horton.

Lupus systémique

Association du bélimumab au rituximab

Le rituximab, qui cible les lymphocytes B est utilisé dans le lupus systémique réfractaire. Après la perfusion, une augmentation du facteur de croissance BAFF est observée et participe à la reconstitution du contingent lymphocytaire B, elle-même responsable d'une nouvelle augmentation des anticorps anti‑ADN et des rechutes cliniques. Il existe donc un rationnel physiopathologique fort à proposer un relais par bélimumab (anticorps monoclonal anti-BAFF) après une perfusion de rituximab. Il s'agissait d'une étude de phase IIb en double aveugle dans laquelle 52 patients atteints de lupus systémique actif (dont 38,5 % d'atteintes rénales) étaient inclus (abstr. OP0129). Les patients étaient traités par 2 perfusions de rituximab (à J1 et à J15) puis randomisés (1:1) entre un groupe placebo et un groupe bélimumab 200 mg s.c. hebdomadaire pour 52 semaines. La dose maximale de prednisone autorisée était de 20 mg, et les prescripteurs étaient encouragés à réduire la dose de 50 % avant le 6mois. Le critère de jugement principal était l'évolution des anti‑ADN sur la période de suivi ; les critères secondaires étaient la survenue de poussées cliniques et la tolérance.

Les taux d'anticorps anti-ADN étaient significativement diminués dans le groupe bélimumab à la 24e et à la 52e semaine (figure 3). Malgré le faible nombre de patients inclus, un effet protecteur significatif sur la survenue de poussées sévères (BILAG A) a été mis en évidence, avec un risque relatif de 0,27 (IC95 : 0,07-0,98) (figure 3). Une baisse des gamma­globulines a été observée dans le groupe bélimumab (11 versus 13 g/L; p = 0,04).

L'association du bélimumab au rituximab semble une stratégie prometteuse dans le lupus systémique.

La maculopathie liée aux antipaludéens de synthèse : un regard différent sur le risque associé à l'hydroxychloroquine

Les dernières recommandations préconisent la ­prescription d'hydroxychloroquine (HCQ) à des doses n'excédant pas 5 mg par kilogramme de poids réel, afin de limiter le risque de maculopathie liée aux antipaludéens de synthèse. Après un dépistage initial à l'instauration du traitement, un suivi annuel par tomographie par cohérence optique (OCT) est recommandé à partir de 5 ans d'HCQ. Une équipe américaine a étudié la prévalence de cette maculopathie chez 676 patients atteints de lupus traités par HCQ depuis plus de 5 ans (abstr. OP0133). Une maculopathie était retrouvée chez 6,8 % patients (46/676). La prévalence de la maculopathie augmentait avec la durée du traitement : 2,5 % entre 5 et 7 ans, 4,6 % entre 7 et 10 ans, 11,5 % entre 10 et 15 ans et 22,2 % après 15 ans. Le risque était de 7 à 10 % pour des doses cumulées de 1 000 à 1 999 g d'HCQ et passait à près de 20 % au-delà de 2 000 g. Ces résultats de doses cumulées ont permis de modéliser le risque de maculopathie selon la dose d'HCQ prescrite et la durée du traitement (figure 4). Ces nouvelles données vont ­permettre un meilleur suivi des patients sous HCQ.

T2T dans le lupus systémique : objectif rémission 

À l'instar de la polyarthrite rhumatoïde, le “treat-to-target” devient l'objectif thérapeutique dans plusieurs pathologies inflammatoires articulaires ou systémiques, notamment dans le lupus systémique. La difficulté dans cette maladie venait du fait qu'il n'existait pas de définition consensuelle de la rémission. Le groupe de travail international DORIS a proposé une définition de la rémission utilisable dans la pratique clinique quotidienne (abstr. OP0296). Celle‑ci repose sur 3 critères : l'absence de symptôme de lupus (SLEDAI = 0, excluant la présence d'anti-ADN et la consommation du complément) ; une échelle visuelle analogique (EVA), évaluée par le médecin ≤ 0,5/3 ; et une corticothérapie ≤ 5 mg/j, la prise stable d'HCQ et d'immunosuppresseurs étant autorisée. Une ­présentation qui étudie la cohorte internationale SLICC, qui a inclus 1 652 patients (11 686 visites), a confirmé l'importance d'atteindre ces cibles thérapeutiques (abstr. OP0289). Il était montré que la rémission selon DORIS était associée à une diminution de 68,7 % (IC95 : 54,9-78,2) du risque d'apparition d'une lésion ­d'organe irréversible (SLICC damage index) durant le suivi. Ces nouvelles données confirment la pertinence d'un contrôle serré de l'activité de la maladie (tight control) et du T2T pour améliorer le pronostic du lupus systémique et optimiser ses traitements.

Syndrome de Gougerot‑Sjögren : enfin un traitement efficace ?

Tout comme dans le lupus systémique, un essai de phase II a évalué la tolérance et l'efficacité de ­l'association rituximab + bélimumab chez les patients atteints de syndrome de ­Gougerot-­Sjögren (SGS) avec des symptômes systémiques (abstr. OP0135). Il ­s'agissait d'une étude randomisée versus placebo dans laquelle 70 patients étaient répartis en 4 groupes (placebo + placebo, placebo +  ­bélimumab, rituximab +  placebo, rituximab +  bélimumab). Les patients recevaient 2 perfusions de rituximab (ou de placebo) puis étaient traités par bélimumab s.c. 200 mg/sem. (ou placebo) pendant 24 semaines, avec un suivi de 68 semaines au total. Après 24 semaines de traitement, on retrouvait une diminution drastique des lymphocytes B infiltrant les glandes salivaires accessoires, alors que ceux-ci ­restaient stables dans les autres groupes (figure 5). Sur le plan clinique, il y avait une tendance non significative à une plus faible activité (ESSDAI) dans le groupe ­association par rapport au groupe placebo (figure 5). L'effet sur la sécheresse n'était pas supérieur dans le groupe association. La tolérance était bonne, sans signe particulier dans le groupe rituximab + bélimumab.

Cet essai prometteur dans le SGS donnera probablement lieu à un essai de phase III pour évaluer l'effet clinique de cette association.

Sclérodermie systémique

Un début prometteur pour le brentuximab dans la sclérodermie

Le brentuximab védotine est un anticorps monoclonal ciblant le CD30 (présent sur les lymphocytes B et T activés) couplé à un agent antimitotique, utilisé dans la maladie de Hodgkin. Cet essai de phase IIb ouvert et monocentrique visait à étudier la tolérance et l'efficacité de ce traitement sur l'atteinte cutanée de patients ayant une sclérodermie systémique évoluée (score de fibrose cutanée modifié de Rodnan (mRSS) ≥ 15) (abstr. OP0129). Dix patients ont été recrutés pour recevoir du brentuximab 0,6 mg/kg toutes les 3 semaines pendant 48 semaines. Une cohorte historique de patients atteints de sclérodermie était utilisée à titre de comparaison. Le critère de jugement principal était la modification du mRSS, et un objectif préspécifié de baisse de 8 points à 24 semaines était retenu comme cliniquement significatif. La diminution moyenne du mRSS était de 8,2 (IC95 : 2,8-13,6) à 24 semaines et 15,3 (IC95 : 8,2-22,5) à 48 semaines, contre 3,1 (IC95 : 2-8,2) dans la cohorte historique. Une infection sévère a été rapportée dans le groupe traitement, ainsi qu'une réaction non grave à la perfusion. Cet essai de faisabilité suggère que le brentuximab védotine pourrait être un candidat prometteur dans l'atteinte cutanée sévère de la sclérodermie systémique. À confirmer, bien sûr.

Lénabasum dans la sclérodermie systémique : fin de partie ?

Le lénabasum est un agoniste oral du récepteur cannabinoïde 2 ne présentant pas d'action immunosuppressive. Dans un essai de phase II, le lénabasum a montré une bonne tolérance et des prémices d'efficacité clinique et histologique sur l'atteinte cutanée de patients atteints de sclérodermie systémique diffuse (abstr. OP0171). L'étude RESOLVE-1 était un essai de phase III multicentrique randomisé contrôlé versus placebo, évaluant l'efficacité et la tolérance de 2 doses de lénabasum dans la scléro­dermie systémique diffuse récente (diagnostic < 6 ans). Les patients étaient randomisés pour recevoir du lénabasum (5 ou 20 mg × 2/j) ou un placebo pendant 52 semaines. Le critère de jugement principal était le score composite d'atteinte cutanée et de qualité de vie ACR CRISS (coté de 0 à 1) à 52 semaines. L'essai a inclus 375 patients ; l'âge moyen était de 50 ans, et le score de Rodnan médian, de 22 points. Près de 80 % des patients étaient cotraités par immunosuppresseurs, dont la moitié par mycophénolate mofétil. Au terme du suivi, le score ACR CRISS moyen était de 0,888 dans le groupe lénabasum 20 mg et 0,887 dans le groupe placebo (p = 0,50). La diminution du score de Rodnan était de 6,7 points dans le groupe lénabasum, contre 9,1 dans le groupe placebo (p = NS). Cet essai de phase III n'a pas permis de démontrer l'efficacité du lénabasum.

Des données rassurantes sur les grossesses des patientes sclérodermiques

IMPRESS-2 est une étude observationnelle prospective (abstr. OP0175) incluant 3 cohortes :

  • cohorte 1 : 110 patientes atteintes de sclérodermie systémique (SSc), enceintes (âge moyen : 32 ± 5 ans) ;
  • cohorte 2 : 218 femmes enceintes indemnes de maladie auto-immune ;
  • cohorte 3 : 78 patientes SSc non enceintes.

Les objectifs étaient d'évaluer prospectivement le ­pronostic obstétrical ainsi que l'activité de la SSc durant la grossesse. Une fausse couche ou une mort fœtale in utero ont été rapportées dans 7 et 5 % des grossesses, respectivement. La prévalence de l'hypertension gravidique (12 versus 4 %), de la ­pré-éclampsie (9 versus 1 %) et du petit poids fœtal (13 versus 4 %) était significativement augmentée chez les SSc (cohorte 1) par rapport aux témoins (cohorte 2). Une analyse multivariée a identifié la présence antérieure d'une HTA, l'utilisation d'immuno­suppresseurs ou d'iloprost, les ­grossesses gémellaires et la procréation médicalement assistée comme des facteurs associés au risque de ­pré-éclampsie, tandis que la prise d'inhibiteur calcique était protectrice.

Les nouveau-nés de patientes SSc avaient un poids de naissance inférieur (2 773 versus 3 243 g ; p < 0,001), étaient plus souvent prématurés (terme < 34 semaines : 13 versus 2 % ; p < 0,001) et nécessitaient plus souvent une prise en charge en soins intensifs (12 versus 1 % ; < 0,001). Le pronostic pédiatrique (taille, poids, mortalité, complications) à 1 an était similaire pour les enfants de patientes SSc et ceux des sujets contrôles.

Concernant le pronostic de la SSc, il n'y avait pas de rebond significatif de l'activité de la maladie dans les 21 mois de suivi post partum, et ce, malgré une utilisation plus faible des immunosuppresseurs (17 vs 36 %) chez les patientes en suites de couches. Deux crises rénale sclérodermique ont été rapportées, la première étant une récidive et la deuxième survenue à 33 semaines d'aménorrhée et ayant nécessité un accouchement en urgence par césarienne.

En conclusion, il est possible de rassurer les patientes sclérodermiques désireuses d'une grossesse, même si celle-ci nécessitera un suivi obstétrical (et, notamment, de la tension) rapproché.■

FIGURES

Maladies auto-immunes et vascularites - Figure 1
Maladies auto-immunes et vascularites - Figure 2
Maladies auto-immunes et vascularites - Figure 3
Maladies auto-immunes et vascularites - Figure 4
Maladies auto-immunes et vascularites - Figure 5

Liens d'intérêt

M. Scherlinger déclare ne pas avoir de liens d’intérêts enrelation avec cet article.