Cas clinique

Rééducation postopératoire à la suite d'une TPLO


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Une chienne Berger blanc suisse de 8 ans est référée en rééducation pour la prise en charge d'une rupture du ligament croisé crânial en pré- et postopératoire (TPLO). Le suivi a été réalisé sur 2 mois, il a été associé à des prises de mesures objectives, et la rééducation a eu lieu aussi bien à domicile qu'au sein du cabinet.


Anamnèse et commémoratifs

Ihintza, 8 ans, est une femelle Berger blanc suisse stérilisée. C'est une chienne de compagnie, plutôt active et très joueuse. Il y a 1 an, une dysplasie coxo-fémorale droite de type C a été diagnostiquée et a entraîné une boiterie chronique. Elle est suivie depuis en physiothérapie et ostéopathie, la boiterie est résolue et elle ne reçoit plus aucun traitement médicamenteux. Aucun autre antécédent médical majeur n'est à déplorer, excepté quelques otites externes.

Motif de la consultation

Ihintza est présentée en consultation de physiothérapie le 24 février 2021 pour une boiterie franche du postérieur droit. À l'examen clinique, un signe du tiroir est présent. Le reste de l'examen ne présente aucune anomalie. Elle est donc référée à un vétérinaire orthopédiste pour suspicion de rupture du ligament croisé antérieur droit. Le diagnostic est confirmé, et Ihintza est opérée par TPLO le 11 mars 2021. La chirurgie s'est bien déroulée. Le chirurgien préconise un repos de 8 semaines et prescrit du tramadol et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pendant 1 semaine.

Prise en charge en rééducation

Physiothérapie préopératoire

Pendant les 10 jours qui ont séparé le diagnostic de la chirurgie, le protocole suivant a été mis en place :

  • repos strict et couchage sur un matelas à mémoire de forme ;
  • application d'une poche de froid pendant 15 minutes 2 ou 3 fois par jour ;
  • thérapie laser : 3 séances (arrêt des séances 48 h avant la chirurgie).

Physiothérapie postopératoire

Les séances de physiothérapie ont repris 6 jours après la chirurgie. La propriétaire avait pour consigne de poursuivre l'application de poches de froid dès le lendemain de l'intervention. Ces séances ont d'abord été axées sur la gestion de l'œdème et de la douleur, puis un travail de proprioception et de renforcement musculaire a progressivement été mis en place. Au cabinet, les soins suivants ont été réalisés :

  • thérapie laser 2 fois par semaine en mode œdème la première semaine, puis passage en mode douleur chronique toujours 2 fois par semaine durant le 1er mois postopératoire, enfin passage à 1 fois par semaine ;
  • massages de l'ilio-psoas et de la partie proximale de la cuisse 2 fois par semaine en même temps que la thérapie laser. Les massages ont été réalisés au cabinet jusqu'à J12 postopératoire, puis ont été délégués à la propriétaire ;
  • mobilisations passives du grasset (vidéo 1) droit et de la hanche droite 2 fois par semaine également. Au départ, 5 mouvements, puis le nombre de répétitions a été augmenté progressivement jusqu'à 15, et ce jusqu'à J12 postopératoire. Les mobilisations passives ont été arrêtées dès lors qu'une mobilisation avec une amplitude articulaire complète a pu être obtenue sans signe de douleur ;
  • exercices de proprioception : ils ont été mis en place dès l'obtention d'un début d'appui du membre opéré. Au départ, un simple exercice de balance du poids du corps a été réalisé, puis un exercice avec pose du postérieur droit sur un coussin d'équilibre a été introduit. Dès lors qu'Ihintza a été capable de marcher avec un appui franc du postérieur droit, un exercice de passage de cavaletti et un exercice d'équilibre sur une planche d'équilibre ronde ont été mis en place. Le nombre de répétitions et la durée de chaque exercice ont été augmentés très progressivement au cours de la rééducation ;
  • exercice de renforcement musculaire : l'exercice “assis/debout” a été instauré dès l'obtention d'une marche avec appui à raison de 5 répétitions pour débuter. Le nombre de répétitions a été progressivement porté à 15 ;
  • hydrothérapie : la première séance a duré 10 minutes avec l'eau à hauteur des grands trochanters à une vitesse de 1,4 km/h. Deux séances par semaine ont été programmées pendant 3 semaines à partir du retrait des fils, puis 1 par semaine pendant 15 jours. La vitesse a été progressivement augmentée jusqu'à 2,0 km/h pendant 20 minutes et l'eau progressivement baissée juste au-dessus des genoux.

Gestion de la rééducation au domicile

Avec le retour à domicile, certaines mesures doivent être mises en place :

  • mise en garde sur la gestion du poids : adapter la ration pour éviter une prise de poids trop importante à la suite de la baisse d'activité ;
  • gestion des balades : les balades ont repris dès le début ­d'appui à raison de 5 minutes 2 fois par jour, en laisse courte et à pas très lents. Dès l'obtention d'une marche avec appui, les balades ont pu être allongées, toujours en laisse courte, progressivement, jusqu'à 20 minutes 2 fois par jour. À partir de 8 semaines postopératoires et une fois la marche assurée et l'observation d'un trot avec appui, des balades de 30 à 40 minutes en laisse ont été autorisées ;
  • il a été demandé à la propriétaire de réaliser des massages et des mobilisations passives. L'exercice “assis/debout” et la marche en pente ont été introduits à partir de 3 semaines postopératoires. Il a été également recommandé d'appliquer une poche de froid après les balades et après les exercices.

Bilan

Ihintza a eu 2 séances de rééducation avant sa chirurgie et 10 séances en postopératoire réparties sur 2 mois. Elle est actuellement toujours suivie au cabinet pour des séances de laser mensuelles sur le genou droit et la hanche dysplasique afin de maintenir un effet anti-inflammatoire. Un suivi de son score de boiterie (tableau I)[1], de sa masse musculaire (tableau II et vidéo 2) et de son amplitude articulaire (tableau III et vidéo 3) a été réalisé tout au long de la rééducation pour objectiver les progrès.

Discussion

La rupture du ligament croisé est l'affection orthopédique la plus fréquente chez le chien. L'amyotrophie qui en résulte est perceptible dès la 2e semaine postopératoire et peut continuer jusqu'à 5 semaines postopératoires [2]. Dans le cas d'Ihintza, la fonte musculaire était aggravée par la présence antérieure d'une sous-utilisation du membre liée à sa dysplasie coxo-­fémorale. Compte tenu de ce constat, de la douleur et de l'inflammation engendrées, la physiothérapie a logiquement toute sa place dans la prise en charge de cette affection.

Une étude, publiée en 2006, a montré que les chiens ayant bénéficié de séances de physiothérapie directement en post­opératoire récupèrent plus rapidement une masse musculaire et une amplitude articulaire semblables à celles du membre controlatéral [3]. Ce point est important afin de rappeler que la physiothérapie ne se réduit pas à l'hydrothérapie et qu'elle peut être et même doit être débutée le plus tôt possible avec des méthodes adaptées à chaque étape de la réédu­cation. En effet, les massages, la cryothérapie (notamment avec la sortie sur le marché d'attelles de cryothérapie compressives et d'appareils de cryothérapie gazeuse), les mobilisations passives, la thérapie laser et les courants antalgiques (TENS), par exemple, peuvent être commencés très tôt (figure) [1].

Des précautions sont à prendre dans le processus de rééducation du ligament croisé, et il est notamment déconseillé de mobiliser une articulation instable et d'imposer une torsion et/­ou une extension complète du membre avant 8 semaines post­opératoires [4]. C'est aussi pour cette raison que les séances de physiothérapie doivent impérativement être supervisées par un vétérinaire qui aura préalablement établi le protocole de rééducation. ●

POINTS CLÉS

  • La rupture du ligament croisé est l'affection orthopédique la plus fréquente chez le chien.
  • La physiothérapie doit être débutée le plus tôt possible après l'intervention.
  • Des précautions doivent être prises lors de la rééducation de ligament croisé dans les 8 semaines suivant l'intervention.


Référence de l'article
: Méd Chir Anim – Anim Cie 2022;1:67-70.

FIGURES

Rééducation postopératoire à la suite d’une TPLO - Figure 3
Rééducation postopératoire à la suite d’une TPLO - Figure 2
Rééducation postopératoire à la suite d’une TPLO - Figure 1
Rééducation postopératoire à la suite d’une TPLO - Figure
Tableau I. Score de boiterie (notation sur 5), d’après D.L. Millis et D. Levine [1].

Date17/03/2119/03/2123/03/2126/03/2129/03/2107/04/2123/04/2103/05/2107/05/2114/05/2117/05/21
Arrêt22221110000
Marche33322211000
Trot33322211100
Tableau II. Circonférence des cuisses (cm), mesurée à 70 % de la longueur du fémur en distal.

Date17/03/2107/04/2117/05/21
Membre
pelvien droit
4242,543,5
Membre
pelvien gauche
444445
Tableau III. Amplitude articulaire mesurée avec un goniomètre.

Date17/03/2107/04/2117/05/21
Grasset droit (flexion/extension)36/14932/15632/156
Grasset gauche (flexion/extension)32/15632/15632/156

Références

Millis DL, Levine D. Canine rehabilitation and physical therapy (2nd edition). Elsevier Health Sciences, 2004:674-7.

Levine D et al. Changes in muscle mass following transection of the cranial cruciate ligament and immediate stifle stabilization. Conference: Proceedings of the 27th Annual Conference of the Veterinary Orthopedic Society, January 2000.

Monk ML et al. Effects of early intensive postoperative physiotherapy on limb function after tibial plateau leveling osteotomy in dogs with deficiency of the cranial cruciate ligament. Am J Vet Res 2006;67(3):529-36.

Bockstahler B et al. Essential facts of physical medicine, rehabilitation and sports medicine in companion animals. VBS GmbH 2019. p. 482-4.


Liens d'intérêt

N. Lucas déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.