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Débat autour des résultats du dédoublement des classes de CP en REP


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L'apprentissage de la lecture au CP est un élément majeur de la réussite scolaire de l'enfant, la lecture n'étant pas simplement de déchiffrer mais comprendre le sens d'un texte, rappelle notre confrère Michel Boublil, qui s'inquiète des derniers résultats, certes positifs mais limités, du dédoublement des classes de CP puis de CE1 en réseaux d'éducation prioritaire (REP), notamment en français [1]. En 2020, l'amélioration a été estimée à 7,8 % pour le français et à 12,5 % pour les maths, pour un coût de 500 millions d'euros. De bonnes idées pour réduire les inégalités peuvent mal organiser les remèdes, commente M. Boublil, pour qui l'avenir des enfants de milieux défavorisés ne se joue pas qu'à l'école. Quand on travaille dans ces secteurs, on voit des enfants qui paraissent normalement intelligents, mais qui n'entrent pas dans la lecture car ils n'ont pas l'aide nécessaire (parents analphabètes, débordés, très pauvres, etc.), et qui finissent en échec, voire en classe spéciale, explique M. Boublil. “La France est mal placée pour la réduction des inégalités”, observe-t-il.

Marie-Anne Daumont tempère le pessimisme de notre confrère. Dans son cabinet situé dans une zone très défavorisée où beaucoup d'enfants n'ont ni aide parentale ni orthophonie, elle observe un net progrès depuis la mise en place des classes de CP et de CE1 à petits effectifs. Ces classes permettent, entre autres, une meilleure relation enseignant-parents et l'instauration d'un vrai dialogue qui facilite la mise en place de prises en charge adaptées : soutien par les enseignants et aide par les parents. Bien que n'ayant pas connaissance des résultats des tests nationaux de ces classes, M.A. Daumont affiche donc une impression positive.

Le rapport de la DEPP (Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance) partage cet avis favorable, constate M. Boublil. Selon que l'on voit le verre à moitié vide ou à moitié plein, les points positifs, qui ne sont certes pas négligeables, sont mis en avant ou, au contraire, les résultats sont considérés comme insuffisants compte tenu de l'effort financier déployé.

Il est par ailleurs difficilement acceptable que des enfants soient en échec pour la lecture en CP, non parce qu'ils sont “DYS”, mais par manque de soutien régulier. Alors qu'ils parlent bien et ne présentent aucun déficit, certains sont même orientés en classe ULIS (Unité localisée d'inclusion scolaire)…

La compétence pédagogique intervient également, ajoute M. Boublil, qui cite un directeur d'école également maître, affirmant que, en 20 ans d'enseignement, aucun élève n'avait quitté sa classe de CP sans savoir lire.

Stéphane Romano partage les inquiétudes de M. Boublil et s'interroge sur la pertinence des programmes scolaires. Il observe d'ailleurs que les parents expatriés qui reviennent en France sont nombreux à choisir des écoles bilingues ou anglosaxonnes. Les principaux arguments qui expliquent leur choix : plus de sport, plus d'encouragement à l'effort, et globalement, une école davantage centrée sur le bien-être de l'enfant.

Quels remèdes peut-on envisager pour améliorer cette situation ? Les soutiens scolaires d'une heure 2 à 3 fois par semaine en groupe sont insuffisants, estime M. Boublil. Les “no-excuse charter school” comme à New York peuvent-elles se pratiquer en France ? Pourrait-on mieux organiser l'aide à l'école en payant les enseignants ou en faisant appel à des bénévoles qui ­s'engagent vraiment durant 1 an ? Serait-il envisageable de créer des externats d'excellence ?

Pour M.A. Daumont, le problème se situe en amont. Il faudrait intervenir avant l'âge de 2 ans pour mettre en œuvre des mesures de stimulation et détecter d'éventuelles pathologies, puis organiser le dépistage de difficultés d'apprentissage dès la maternelle pour offrir à ces enfants une aide adaptée. Force est de constater que cette détection diffère complètement d'une école à l'autre.

Le départ massif en retraite des pédiatres ne devrait pas améliorer la situation. Quant aux puéricultrices de la Protection maternelle et infantile (PMI), qui font de la détection à 4 ans, M.A. Daumont observe qu'elles sont débordées. Il faudrait également un renfort massif des Centres médico-psychologiques (CMP) et des Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et doubler le nombre d'orthophonistes... Des mesures particulièrement indispensables en zones défavorisées. ●

Références

1. https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/50756/evaluation-de-l-impact-de-la-reduction-de-la-taille-des-classes-de-cp-et-de-ce1-en-rep-sur-les-resul)