Éditorial

L'avenir de l'immunothérapie des cancers


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La médecine de précision du cancer est en train de transformer la prise en charge des maladies néoplasiques, dont la caractérisation moléculaire aboutit à la fragmentation des cadres nosologiques. Les entités nouvelles sont plus homogènes et accessibles à un traitement ciblé spécifique, par exemple, par un inhibiteur de tyrosine kinase. L'immunothérapie du cancer relève de la même démarche, avec des biomarqueurs à la fois moléculaires (charge mutationnelle), cellulaires et immunologiques (infiltrats, expression des points de contrôle immunologique), qui ne sont encore que partiellement compris. Alors que le nombre des indications de l'immunothérapie en première ligne métastatique et en situation adjuvante progresse, la compréhension des mécanismes de la résistance primaire et secondaire ainsi que la place des associations d'immunothérapie anti-point de contrôle immunologique reste largement imparfaite. Dans ce contexte, 10 enjeux cruciaux pour le développement de l'immunothérapie du cancer avaient été identifiés dans un article publié il y a 1 an dans Immunity [1] :

  • le développement de modèles précliniques pertinents en clinique humaine ;
  • l'identification des mécanismes prédominants pour l'établissement d'une réponse immune spontanée anticancéreuse ;
  • la compréhension des spécificités de la réponse immune pour chaque organe et chaque histotype ;
  • la compréhension des mécanismes moléculaires et cellulaires de la résistance primaire et secondaire ;
  • les avantages de la stimulation d'une immunité naturelle (par anti-PD1, par exemple) par rapport à l'élaboration d'une immunité synthétique (cellules CAR T, par exemple) ;
  • le développement des stratégies destinées à identifier quelles immunothérapies seront les plus actives dans les phases précoces ;
  • la caractérisation de l'effet des stéroïdes et des immunosuppresseurs sur la réponse immune et les toxicités auto-immunes ;
  • le développement de biomarqueurs composites individuels et personnalisés ;
  • le travail sur les critères de jugement administratifs pour le remboursement : quels sont les critères pour apprécier l'efficacité de l'immunothérapie anticancéreuse par les autorités de santé ? ;
  • la mise en place de stratégies pour améliorer la survie à long terme avec des associations d'immunothérapie.

Plus de 1 an après cette publication, les questions posées restent largement valides et non résolues. On peut noter l'intrication des mécanismes moléculaires et cellulaires dans la définition de la réponse à l'immunothérapie et de ses mécanismes de résistance. Si la mise en place de modèles expérimentaux précliniques est un enjeu important, leur intérêt clinique reste à démontrer, et le développement de programmes de recherche de transfert adaptés aux essais cliniques précoces doit probablement rester la règle. C'est particulièrement le cas pour les associations d'immunothérapies qui sont en cours de développement au-delà de l'association anti-PD-1 + anti-CTL-A4. Un des enjeux − supplémentaire − de l'immunothérapie contre les cancers pourrait être de réduire le risque, pour les populations à risque, de développer un second cancer, comme cela a été retrouvé dans des études rétrospectives [2, 3].

Ainsi, 1 an après, la liste des questions prioritaires en immunothérapie s'est plutôt allongée, tout comme le nombre d'indications nouvelles à approuver − si ce n'est dans notre pays, en tout cas dans le monde. Si les questions d'il y a 1 an n'ont pas encore trouvé de réponses, c'est peut-être parce que toutes nos forces ont été accaparées par la pandémie de Covid-19 [4]. L'immunothérapie du cancer est ainsi désormais la stratégie de médecine de précision la plus largement employée et la plus efficace sur le plus grand nombre de personnes. La compréhension des mécanismes de résistance et le développement d'associations plus actives constituent donc une priorité pour le travail de recherche clinique et de transfert en oncologie.

Références

1. Hedge PS, Chen DS. Top 10 challenges in cancer immunotherapy. Immunity 2020;52:17-35.

2. Heudel P et al. Reduced risk of second primary cancer in patients treated with immune checkpoint inhibitors for a first cancer. Ann Oncol 2020;31:1773-5.

3. Heudel P et al. Immune checkpoint inhibitor treatment of a first cancer is associated with a decreased incidence of second primary cancer. ESMO Open 2021;6:100044.

4. Blay JY et al. Delayed care for patients with newly diagnosed cancer due to COVID-19 and estimated impact on cancer mortality in France. ESMO Open 2021;6:100134.


Liens d'intérêt

J.Y. Blay déclare avoir des liens d’intérêts avec BMS, Roche, MSD et Bayer.