Durant ces 20 dernières années, la tomographie par émission de positons couplée à la TDM (TEP/TDM) ou, plus récemment, à l'IRM est devenue un examen d'imagerie majeur largement pratiqué en cancérologie. Elle permet de déceler l'extension locale et régionale du cancer et ses métastases à distance, des seconds cancers synchrones ou métachrones, lors de la stadification, de la restadification ou en cas de récidive biologique, et aussi d'évaluer précocement la réponse ou la résistance à la thérapeutique des localisations néoplasiques.
L'apport de la TEP dans l'imagerie du cancer de la prostate (CP) n'a été reconnu que bien plus récemment, car l'analogue radioactif du glucose, le 18F-fluorodésoxyglucose (FDG), qui est le plus utilisé pour l'imagerie des cancers, n'est pas adapté à la détection du CP, une néoplasie de croissance lente.
Cet article a pour objectif de présenter les performances des traceurs TEP adaptés à l'imagerie du CP actuellement disponibles en France et les perspectives concernant certains qui sont en cours d'évaluation chez l'homme.
18F-fluorodésoxyglucose et découverte accidentelle du CP
Le CP, généralement d'évolution lente, fixe faiblement le FDG, ce qui limite le contraste avec les tissus sains, et donc la sensibilité de la détection en TEP (1). En pratique, le FDG n'a pas d'indication en routine dans le CP maintenant que des traceurs plus performants sont disponibles.
Néanmoins, la TEP/TDM au FDG peut avoir une valeur diagnostique pour le CP quand on découvre, sur cet examen pratiqué pour une autre indication, une hyperfixation diffuse ou, surtout, focale de la prostate, qui peut ne correspondre qu'à une inflammation bénigne. La conduite à tenir dépend au moins autant du contexte clinique que de l'aspect en TEP/TDM (2, 3). Elle est différente selon que la TEP au FDG a été demandée pour la stadification ou la restadification d'un cancer agressif dont le pronostic global ne dépend pas d'un éventuel CP, ou bien chez un patient considéré en rémission d'un cancer ou adressé pour une pathologie non maligne (infection, inflammation), auquel on proposera plus souvent la biopsie après le dosage de la concentration sérique de l'antigène spécifique de la prostate (PSA). En revanche, l'absence d'hyperfixation diffuse ou focale du FDG par la prostate ne permet pas d'exclure la présence d'un cancer, la sensibilité et la valeur prédictive négative (VPN) du FDG étant très basses à la phase initiale.
18F-fluorure de sodium et détection des métastases de l'os cortical (figures 1 et 2)
Le squelette est un organe fréquemment envahi par le CP à un stade avancé. Pour déceler ces métastases, la scintigraphie osseuse (SO) a été l'examen de référence, et reste mentionnée dans les recommandations. Un traceur TEP s'accumulant dans l'os en formation a été proposé dès 1962 par M. Blau et al. (4) : le 18F-fluorure de sodium (FNa). Il a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France en 2008, lors de la pénurie de 99mTc, comme alternative à la SO pour la détection des métastases osseuses, avec de nombreux avantages : une attente beaucoup plus courte entre injection et imagerie, une meilleure résolution des images TEP tomographiques et couplées à la TDM sur le corps entier en une durée d'acquisition raisonnable, une meilleure fixation du traceur dans l'os cortical, l'absence d'interférence d'un traitement par bisphosphonates, pour une radioexposition similaire.
Dès 2006, l'étude de E. Even-Sapir et al. (5) menée chez 44 patients atteints d'un CP à haut risque de métastases a montré que la sensibilité et la spécificité pour la détection des métastases osseuses n'étaient que de 70 et 57 %, respectivement, pour la SO avec images planaires et de 92 et 82 % en tomoscintigraphie, contre 100 et 100 % pour la TEP/TDM au FNa (différence significative). Cette supériorité attendue a été confirmée depuis (6, 7).
L'évaluation du volume métastatique au niveau de tout le squelette, proposée depuis quelques années par l'indice de la scintigraphie du squelette (BSI), est également possible en TEP/TDM au FNa (8), avec le même mécanisme de visualisation indirecte des métastases que la SO : le traceur ostéotrope se fixe sur l'os cortical en renouvellement accéléré, en réaction à l'invasion métastatique, et non pas sur la métastase elle-même.
Cependant, pour évaluer la réponse à un traitement, la mise en évidence indirecte des métastases osseuses grâce à un tel traceur visualisant la réaction de l'os cortical peut conduire à un phénomène d'embrasement (flare phenomenon) : des lésions jusque-là non visibles le deviennent sous traitement, sans que l'on puisse savoir s'il s'agit d'une progression du CP ou d'une réponse des métastases au traitement, favorisant la cicatrisation des lésions, et donc la fixation du traceur. Ce phénomène bien connu en SO a également été décrit en TEP au FNa (9).
18F-fluorocholine et détection des foyers du squelette ou des tissus mous (figures 3,4,5,6)
La choline, composant des phospholipides, constituants essentiels de la membrane cellulaire, s'avère un excellent biomarqueur pour l'imagerie de la prolifération cellulaire. Une modification du métabolisme de la choline a été rapportée dans de nombreuses néoplasies, dont le CP, reflétant une augmentation de sa disponibilité pour les cellules cancéreuses proliférantes, grâce à une augmentation du transport intracellulaire de la choline et de l'activité de l'enzyme choline kinase.
Les premiers essais d'imagerie en TEP ont été effectués avec de la choline marquée au carbone 11 (11C). Ce traceur présente l'avantage d'être chimiquement identique à la choline naturelle, mais sa période physique est de seulement 20 minutes, et la disponibilité d'un cyclotron sur un site d'imagerie TEP de routine est en pratique indispensable. Même si ces conditions ont pu être réunies dans quelques centres spécialisés, en particulier en Allemagne et en Italie, aucune imagerie TEP de routine avec la 11C-choline n'a été rapportée en France.
Un analogue fluoré de la choline, la 18F-fluorocholine (FCH), a obtenu une AMM en 2010. Il peut être produit industriellement et est actuellement disponible dans toute la France métropolitaine. Son indication couvre la stratification initiale du CP à haut risque métastatique et la détection des récidives. La radioexposition du patient n'est pas différente selon que la TEP/TDM est pratiquée avec la FCH, le FDG ou le FNa. La fixation par le CP et ses métastases est très rapide, décelable avant que le traceur éliminé par les reins soit visible dans les uretères, puis la vessie. Sauf en cas de suivi de métastases connues à distance, une acquisition d'image est donc réalisée dans les minutes qui suivent l'injection de FCH, pour l'analyse de la loge prostatique et du pelvis. La fixation par les lésions de CP persiste ensuite, ce qui permet de réaliser la TEP/TDM du corps entier. Il ne faut pas commencer un traitement médical avant de pratiquer la TEP/TDM de stadification ou de restadification. En revanche, si la concentration sérique de PSA est franchement élevée, il n'est pas nécessaire d'interrompre un traitement par antiandrogènes en cours, mais il est souhaitable de suspendre un traitement par la colchicine et d'éviter les efforts musculaires avant l'examen ; les stimulants de l'hématopoïèse gênent la visualisation des métastases osseuses.
Détection des métastases osseuses (figures 3 et 4)
La performance de la FCH pour la détection des métastases osseuses a été particulièrement étudiée lors de la stadification des CP à haut risque ou lors de récidives biologiques. Dans l'étude bicentrique de W. Langsteger et al., prospective et avec lecture en insu (10), la performance au niveau patients était comparable pour le FNa et la FCH. Cependant, dans le groupe des patients adressés pour une suspicion de récidive, la spécificité au niveau lésions était significativement meilleure avec la FCH qu'avec le FNa (96 % contre 91 %), alors que la sensibilité, de 89 %, était identique pour les 2 traceurs. La FCH présente l'avantage de permettre de visualiser les métastases de petite taille limitées à la moelle osseuse, contrairement à la SO et à la TEP au FNa. Dans l'étude de M.H. Poulsen et al. (7), la meilleure exactitude pour détecter des localisations rachidiennes était obtenue avec la FCH (87 %), puis le FNa (81 %) et, enfin, la SO (61 %).
Détection des lésions des tissus mous (figure 3)
La FCH peut également être fixée par des lésions de CP des tissus mous. Sa performance pour localiser le CP dans la loge prostatique a été évaluée lors de plusieurs études, avec des résultats discordants. Pour guider les biopsies diagnostiques, le manque de spécificité de la FCH en cas de prostatite pose un problème, et d'autres traceurs sont actuellement développés dans ce but. En revanche, une fixation de la FCH au sein de la prostate ou des vésicules séminales est un élément important lors de la recherche d'une récidive occulte.
La sensibilité de la TEP/TDM à la FCH pour déceler l'invasion lymphatique lors de la stadification initiale est décevante. Dans l'étude de A. Hacker et al. (11), sur 20 patients atteints d'un CP de risque métastatique intermédiaire ou élevé prouvé par biopsie et devant être traités par une prostatectomie radicale laparoscopique, la TEP/TDM à la FCH a visualisé les métastases ganglionnaires dans 1 cas sur 10, soit une sensibilité de seulement 10 %, contre 80 % avec la méthode du ganglion sentinelle, au prix de 2 résultats faux positif du fait de ganglions inflammatoires. Il faut cependant noter que le diamètre moyen des métastases ganglionnaires était de 3,8 mm seulement, et que la technique de détection du ganglion sentinelle est peu répandue dans le cadre de la prostatectomie pour CP. La FCH a l'intérêt de pouvoir détecter un ganglion positif dans une aire ganglionnaire inhabituellement envahie, donc rarement explorée : iliaque commune, périvésicale ou périrectale/présacrée. En revanche, une fixation d'intensité modérée, souvent bilatérale, est fréquemment observée au niveau des ganglions lymphatiques inguinaux superficiels et profonds, médiastinaux et axillaires ; elle n'est généralement pas spécifique du CP, correspondant à une réaction inflammatoire.
En cas de récidive occulte, la découverte de ganglions hyperfixants en dehors de ces aires ganglionnaires a une forte valeur diagnostique et un impact sur la prise en charge du patient.
F. Casamassima et al. (12) ont étudié la faisabilité et l'efficacité de la radiothérapie stéréotaxique ciblée sur les foyers ganglionnaires fixant la FCH détectés chez 39 patients sur 71 en récidive biologique. Cette approche a été possible chez 64 % des patients pour lesquels la FCH avait montré une récidive ganglionnaire limitée. Durant un suivi médian de 29 mois, 52 % des patients étaient en rémission persistante, une récidive ganglionnaire à l'extérieur des sites de zones irradiées étant observée dans 32 % des cas.
Localisation de la récidive occulte
C'est l'indication la plus fréquente de la TEP/TDM à la FCH et celle qui a fait l'objet du plus grand nombre d'études. Chez les patients en récidive biologique après traitement initial radical, il a été montré que l'efficacité de la TEP/TDM à la FCH pour localiser le ou les sites de récidive était corrélée à la concentration sérique de PSA. Une valeur seuil de PSA qui prédirait avec une probabilité raisonnable la détection de la récidive par la TEP/TDM à la FCH aurait une utilité pratique majeure, mais ne sera probablement jamais déterminée, car le PSA reflète la masse tumorale, alors que c'est l'intensité du métabolisme du CP qui influe sur la détection par la FCH : lorsque la concentration sérique de PSA s'élève, on observe une augmentation continue du taux de détection du CP en TEP/TDM à la FCH. En pratique, les critères généralement admis pour indiquer la TEP/TDM à la FCH en cas de récidive biologique occulte sont une concentration sérique de PSA supérieure à 1 ng/mL ou un temps de doublement de moins de 6 mois, qui permet, selon la méta-analyse de 14 articles faite par G. Treglia et al. (13), d'obtenir un taux de détection de 65 %.
J.D. Soyka et al. ont évalué rétrospectivement, grâce à un questionnaire envoyé au médecin demandeur entre 14 et 64 mois après la TEP/TDM, l'impact de la FCH chez 156 patients atteints de CP en récidive occulte (14). Chez 75 (48 %) de ces patients, le plan de traitement a été modifié en raison des conclusions de la TEP/TDM à la FCH ; parmi ces derniers, 33 (44 %) sont passés d'un traitement palliatif à un traitement à visée curative, et 15 (20 %), des soins curatifs aux soins palliatifs. Notre équipe a coordonné l'étude prospective ICHOROPRO ; 15 centres français de médecine nucléaire ont inclus 179 patients atteints de CP en récidive occulte, dont l'IRM et la scintigraphie du squelette étaient négatives ou douteuses (15). Deux questionnaires ont été adressés successivement au médecin demandeur, l'un avant la TEP/TDM pour connaître la prise en charge prévue, et l'autre dans les 3 mois suivant la TEP pour connaître la prise en charge finalement décidée. Des modifications de la prise en charge ont été faites chez 56 % des patients (100 sur 179), considérées comme pertinentes par un jury indépendant dans 89 cas, dont 2 cas de découverte de cancer du poumon.
Restadification et suivi thérapeutique au stade de résistance à la castration (figure 4)
À ce stade avancé, les lésions continuent à fixer la FCH, même si certaines peuvent aussi fixer le FDG. La restadification par la TEP/TDM à la FCH a de meilleures performances que l'imagerie conventionnelle par SO et TDM abdominopelvienne avec produit de contraste. Elle peut guider le suivi thérapeutique et déceler la réponse ou la résistance au traitement, mieux que l'IRM du rachis en cas de métastase vertébrale (16). Cela est d'autant plus important que les options thérapeutiques dans le CP résistant à la castration (CPRC) sont maintenant nombreuses, alliant la radiothérapie palliative ou vectorisée à la chimiothérapie par les taxanes et au blocage hormonal fort par antiandrogènes de dernière génération, abiratérone ou enzalutamide. Un seul article a rapporté, chez 4 des 42 patients (10 %), une réaction d'embrasement (flare) avec une augmentation transitoire de la fixation de la FCH au début d'un traitement par abiratérone et, ensuite, une réponse ou une stabilité des lésions (17).
Spécificité de la FCH pour le cancer de la prostate
Tout comme le FDG, la FCH est un traceur métabolique et n'est pas spécifique du CP. Les premières études ont rapporté sa fixation dans des cas de cancer du sein, de tumeur cérébrale, de cancer bronchopulmonaire. La FCH est enregistrée en France pour l'imagerie du carcinome hépatocellulaire, en complément du FDG (18). Avec l'emploi en routine de ce traceur, la fixation de la FCH par de nombreuses autres tumeurs bénignes ou malignes ou en cas d'inflammation a ensuite été rapportée (19-21). Un foyer de fixation à distance chez un patient atteint de CP a avant tout une valeur d'alarme.
Analogue d'acide aminé ou chlorure de cuivre-64 : d'autres approches métaboliques
Un analogue de la leucine, le 18F-FACBC, ou 18F-fluciclovine, testé chez l'homme depuis 2007, a obtenu récemment une AMM dans l'Union européenne pour la détection de la récidive du CP. Il n'est pas disponible en France actuellement.
Selon plusieurs études, pour la localisation de la tumeur primitive, la 18F-fluciclovine, même en imagerie TEP/IRM, n'est pas supérieure à l'IRM multiparamétrique. Sa performance pour la stadification ganglionnaire initiale est limitée ; dans une étude, elle n'a détecté que 1 patient avec invasion métastatique sur 7 (22). Pour la détection des récidives occultes, aucune étude comparative avec la FCH n'a été publiée. Une étude comparative avec la 11C-choline, traceur non utilisé en France, a montré une différence limitée en sensibilité (37 % contre 32 %) et en exactitude (38 % contre 32 %) [23].
Comme le transporteur transmembranaire du cuivre est surexprimé dans de nombreux cancers, dont le CP, on a proposé tout récemment la TEP au chlorure de 64Cu. Une étude pilote portant sur 50 patients atteints de CP en récidive fait état d'un taux de positivité de 84 %, contre 56 % pour la FCH et 74 % pour l'IRM multiparamétrique (24). Un inconvénient inhérent au 64Cu est son taux d'émission de positons limité, qui oblige à allonger la durée d'acquisition des images TEP d'un facteur 2 au moins par rapport à la FCH.
La 18F-fluorodéshydrotestostérone, ligand du récepteur des androgènes
Par rapport au FDG, les traceurs métaboliques fluorés que nous venons d'énumérer sont bien plus sensibles, mais manquent pareillement de spécificité pour déceler les foyers de CP, en particulier en cas de lésions inflammatoires. Une autre approche est de mettre en évidence la surexpression, au sein du tissu néoplasique et, surtout, au niveau de la membrane cellulaire, structure la plus facile à atteindre, de cibles plus spécifiques du CP : récepteurs ou antigènes. Parmi les récepteurs, il est bien connu que le CP surexprime celui des androgènes. Pour le mettre en évidence, on a testé chez l'homme depuis plusieurs années la TEP à la 18F-fluorodéshydrotestostérone, analogue fluoré de la testostérone (25). Des études pilotes dans le CP ont été menées, surtout au stade métastatique progressif ou de CPRC (26). Ce traceur, dont la synthèse est difficile, n'est pas disponible actuellement en France.
Analogues de la bombésine, ligands du récepteur du peptide libérant la gastrine
La bombésine se lie au récepteur du peptide libérant la gastrine (GRPr), qui est surexprimé par divers cancers, dont le CP. Pour éviter des effets agonistes gênants, qui se manifestent avec la bombésine même pour les microgrammes de traceur administrés en TEP, ce sont des analogues radiomarqués de la bombésine antagonistes du GRPr qui ont été développés. Plusieurs d'entre eux sont parvenus récemment à la phase des essais cliniques : des résultats préliminaires en TEP ont été rapportés, pour l'instant sur de petites séries de patients, avec 6 antagonistes différents du GRPr marqués par 3 radionucléides différents. L'un est marqué au 18F, et un autre, au 64Cu, mais c'est avec le gallium-68 (68Ga) que le plus de données sont disponibles pour l'instant. Le 68Ga est un radionucléide qui a l'avantage de pouvoir être disponible dans tout service de médecine nucléaire grâce à un générateur qui peut être utilisé pendant 1 an ; le marquage sur place évite de dépendre de la livraison par un industriel mais nécessite la présence d'une équipe de radiopharmacie ; en pratique, le flux de patients s'en trouve limité. En 2013 a été publiée la première étude de la TEP avec l'antagoniste de la bombésine 68Ga-RM2, portant sur 14 CP ; la sensibilité au niveau demi-sextant pour déceler la tumeur primitive a été de 88 %, et la spécificité, de 81 % ; le taux de détection des métastases ganglionnaires était de 70 % (27). En revanche, chez 1 patient atteint d'un CPRC, les lésions bien visibles avec la FCH n'ont pas fixé le 68Ga-RM2. Une autre étude pilote a comparé la TEP avec le 68Ga-RM2 et le 68Ga-PSMA-11, un ligand de l'antigène de membrane spécifique de la prostate (PSMA) dont nous analysons les performances dans le prochain chapitre. Chez 7 patients en récidive biologique occulte, les discordances correspondaient à un cas de fixation isolée du 68Ga-PSMA-11 dans un ganglion et une vésicule séminale, mais une meilleure visualisation de ganglions périaortiques était constatée avec le 68Ga-RM2 dont le bruit de fond dans l'intestin grêle est moindre (28).
Ligands de l'antigène membranaire spécifique de la prostate
Le PSMA est un antigène transmembranaire exprimé par pratiquement tous les CP ; il a une fonction enzymatique de glutamate carboxypeptidase dont la signification physiopathologique n'est pas connue. Un anticorps marqué à l'indium-111 pour la scintigraphie n'a pas permis d'obtenir les performances diagnostiques espérées dans l'imagerie du CP et n'a jamais été enregistré en France. Plus récemment, des ligands ou antagonistes de cette enzyme ont été marqués avec des nucléides pour l'imagerie TEP, dont l'un, marqué au 68Ga, le 68Ga-HBED-CC, ou PSMA-11, rencontre un grand intérêt. Les études portent sur des effectifs considérablement plus importants qu'avec les antagonistes du GRPr ; nous effectuons dans notre service des examens TEP/TDM au PSMA-11 depuis 2016.
Par rapport à la FCH, la TEP avec un ligand du PSMA visualise mieux le CP en contraste au bruit de fond, ce qui permet la détection de lésions de petite taille, en particulier des ganglions lymphatiques ou des métastases osseuses intramédullaires, car la fixation physiologique par la moelle osseuse est moindre.
En revanche, le PSMA n'est pas aussi spécifique du CP que son nom l'indique et peut être surexprimé dans d'autres pathologies, néoplasiques ou non. Par exemple, dans une cohorte de 1 889 patients atteints de CP ayant bénéficié d'une TEP/TDM ou d'une TEP/IRM, 85 foyers pulmonaires de fixation du PSMA-11 ont été observés chez 45 patients ; ils correspondaient à une métastase du CP pour 76 foyers, à un cancer primitif du poumon dans 7 cas et à de la tuberculose active dans 2 cas, sans possibilité d'orienter le diagnostic grâce à l'intensité de fixation du PSMA-11 (29).
Aucun analogue du PSMA ne dispose actuellement d'une AMM en France, et la TEP/TDM se pratique sous le régime réglementaire de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) nominative, chez des patients ayant déjà bénéficié des examens d'imagerie incluant la TEP à la FCH qui n'ont pas été contributifs.
Comme avec les traceurs TEP qui ont obtenu une AMM, aucun effet indésirable significatif n'a été rapporté à la suite de l'administration du PSMA-11 dans les études publiées.
Stadification
La TEP/TDM au PSMA-11 est performante pour la stadification du CP à risque métastatique intermédiaire ou élevé. T. Maurer et al. rapportent, chez 130 patients atteints de CP avant prostatectomie, une invasion ganglionnaire dans 41 cas, mieux décelée par la TEP au PSMA-11 (sensibilité : 66 %, spécificité : 99 %) que par l'imagerie morphologique (sensibilité : 44 %, spécificité : 85 %) [30].
Un piège d'interprétation est la fixation du PSMA-11 par les plexus nerveux cœliaques, voire d'autres plexus nerveux, confirmée en immunohistochimie, qui pourraient être interprétés à tort comme des ganglions lymphatiques métastatiques (31).
Selon une méta-analyse de 7 études, sur un total de 273 CP en stadification, un foyer locorégional a été détecté chez 203 patients (74 %) [32]. La sensibilité globale est de 70 % pour la loge prostatique et de 61 % pour les ganglions pelviens, et la spécificité globale de 84 et 97 %, respectivement.
Indication et planification de la radiothérapie
Dans une étude rétrospective comparant TEP/TDM au PSMA-11 et IRM multiparamétrique chez 22 patients adressés en radiothérapie pour le traitement initial d'un CP, le volume cible déterminé sur la TEP/TDM était significativement plus étendu ; la topographie des lésions intraprostatiques dominantes auxquelles un complément de dose pourrait être délivré n'était concordante que chez 47 % des patients (33). Dans une étude australienne portant sur 54 patients atteints de CP, les résultats de la TEP/TDM au PSMA-11 ont changé la prise en charge dans 54 % des cas, dont 46 % par modification du protocole de radiothérapie (34). En Allemagne, la TEP/TDM au PSMA-11 a entraîné une modification du protocole de radiothérapie chez 51 % des 57 patients atteints de CP d'une étude (35), et 59 % des 100 patients atteints de CP en récidive d'une autre (36).
Récidive biologique (figure 5)
Selon une méta-analyse incluant 9 études, la TEP/TDM au PSMA-11 a détecté des sites de récidive chez 799 patients sur 983 (80 %) [32] ; le taux de détection est de 50 % pour une concentration sérique de PSA de 0,2 à 0,4 ng/mL, et de 53 % pour une concentration de 0,5 à 0,99 ng/mL.
Une étude prospective comparant le PSMA-11 à la FCH a inclus 38 patients en récidive biologique, dont 34 après prostatectomie (37). La TEP a été négative avec les 2 traceurs chez 12 patients et positive avec les 2 traceurs dans 11 cas, avec le PSMA-11 seul dans 14 cas et avec la FCH seule dans 1 cas, résultat qui s'est avéré faux positif. Pour des concentrations sériques de PSA inférieures à 0,5 ng/mL, le taux de détection était de 50 % avec le PSMA-11, contre 13 % avec la FCH. Le taux d'impact sur la prise en charge du patient était de 63 % (24 patients sur 38), correspondant pour 53 % aux seuls résultats du PSMA-11. Dans notre étude pilote française portant sur 33 patients, le taux de positivité était de 76 % et le taux d'impact de 67 % (38).
Ligands du PSMA marqués au fluor-18
Par rapport au gallium-68, le fluor-18 permet plus facilement la livraison d'une activité plus élevée d'un traceur prêt à l'emploi. Récemment, plusieurs ligands du PSMA marqués au fluor-18, le DCFPyL, le DCFBC et le PSMA-1007, ont été testés chez l'homme. Une étude pilote a comparé le DCFPyL et le PSMA-11 chez 14 patients en récidive de CP (39). Tous les foyers suspects identifiés avec le PSMA-11 étaient aussi visibles avec le DCFPyL, qui révélait des foyers supplémentaires chez 3 patients. Lors de la stadification initiale de 25 CP à haut risque mais considérés comme localisés, le DCFPyL a révélé des métastases ganglionnaires chez 7 patients et à distance chez 3 patients (40).
Les performances pour la détection de la tumeur primitive de la TEP/TDM au DCFBC, autre ligand fluoré du PSMA, et de l'IRM ont été comparées. Le DCFBC était moins sensible que l'IRM pour détecter la tumeur primitive (17 % contre 39 %) et pour déterminer la lésion dominante (46 % contre 92 %). En revanche, il était plus spécifique (96 % contre 89 %) pour différencier CP et hypertrophie bénigne de la prostate. Dans une étude pilote menée chez 9 patients en récidive et 8 patients atteints de CPRC considérés comme en progression métastatique, la même équipe a observé davantage de foyers avec le DCFBC que de lésions en imagerie conventionnelle : 592 positifs et 63 douteux, contre 520 positifs et 61 douteux (41). Chez 68 patients atteints de CP en récidive occulte, le taux de positivité du DCFBC a été de 60 %, avec un taux d'impact de 51 % (42). Chez 12 patients atteints de CP en récidive occulte, le taux de détection du 18F-PSMA-1007 était de 75 % (43). Ce traceur présente l'avantage d'une absence d'excrétion urinaire pour déceler les lésions pelviennes, alors que le DCFPyL a un bruit de fond hépatique plus faible (44).
CPRC et approche théranostique (figure 6)
On dispose de peu de données sur l'intérêt du PSMA-11 pour suivre le traitement d'un CPRC par taxanes ; une étude pilote portant sur 23 patients atteints de CPRC avant et après chimiothérapie par docétaxel a montré que la réponse en TEP prédisait mieux l'évolution que la TDM (45).
Pour traiter le CPRC par radiothérapie vectorisée, d'autres ligands du PSMA, essentiellement le PSMA-617, ont été radiomarqués avec un radionucléide émetteur de rayons , comme le lutétium-177 (177Lu) [46, 47], voire , comme l'actinium-225 (225Ac) [48]. Dans l'approche théranostique, on vérifie par TEP avec un ligand du PSMA la surexpression du PSMA par les lésions cancéreuses avant d'administrer, si la TEP est positive, un ligand similaire marqué avec un radionucléide à visée thérapeutique.
Une étude rétrospective multicentrique (février 2014-juin 2015) évaluant l'efficacité et la tolérance de la radiothérapie vectorisée au 177Lu-PSMA-617 a été réalisée en Allemagne sur 145 patients atteints de CPRC (46). On a observé 45 % de réponses biologiques (baisse de la concentration sérique de PSA > 50 %). L'efficacité était corrélée au nombre de cycles, moindre en cas de métastases viscérales ou d'augmentation des phosphatases alcalines sériques. Une toxicité hématologique de grade 3-4 est survenue dans 12 % des cas, et une xérostomie, dans 8 % des cas.
Une méta-analyse de 12 études a inclus 669 patients atteints de CPRC traités en troisième ligne par un ligand du PSMA marqué au 177Lu. Globalement, ce traitement a entraîné une réponse biologique chez 43 % des patients. Pour comparaison, la méta-analyse de 16 études incluant 1 338 patients atteints de CPRC ayant reçu un autre traitement en troisième ligne montre qu'une telle réponse a été observée dans 21 % des CPRC, significativement moins fréquemment, avec des effets indésirables entraînant l'abandon du traitement dans 10 à 23 % des cas, ce qui n'a pas été rapporté avec la radiothérapie vectorisée (47).
Conclusion
En France, on pratique actuellement la scintigraphie du squelette dans tous les services de médecine nucléaire, la TEP à la FCH dans la majorité des services de médecine nucléaire qui disposent d'une machine TEP, la TEP au FNa dans certains centres de TEP, et la TEP au PSMA-11 dans quelques centres de TEP spécialisés. Le praticien doit donc tenir compte de la disponibilité de l'examen qu'il demande (c'est aussi vrai pour les diverses modalités d'IRM) et du contexte réglementaire du traceur (AMM, ATU, étude clinique, etc.). Pour guider une prise en charge urgente chez un patient jamais traité dont la concentration sérique de PSA est très élevée, il peut être raisonnable de demander une scintigraphie du squelette si elle est aisément disponible. Un examen indubitablement positif pourra simplifier le parcours du patient. En revanche, il ne nous semble pas adéquat de recourir en toute circonstance aux examens d'imagerie en commençant par le moins performant, qui risque de faire prendre des décisions erronées en cas de résultat faux positif ou faux négatif, et d'aboutir à un rapport bénéfice/coût peu élevé. Il faut savoir recourir rapidement aux examens plus performants, en l'occurrence, actuellement, la TEP à la FCH et, en cas de négativité, la TEP avec un ligand du PSMA, qui ont une chance élevée de fournir une réponse adaptée intégrant l'extension locale, régionale et à distance.
En nous bornant aux traceurs entrés en évaluation clinique chez l'homme, nous avons aussi illustré combien l'innovation est active dans ce domaine, avec de nombreux traceurs qui n'aboutiront pas tous à une utilisation en routine, mais qui ambitionnent de combler les lacunes du traceur TEP de référence à l'heure actuelle, la FCH, et aussi celles de l'IRM. Ils visent à localiser la tumeur intraprostatique de façon aussi sensible et plus spécifique que l'IRM multiparamétrique afin de guider biopsie et radiothérapie, et à déceler les métastases ganglionnaires avec une meilleure sensibilité tout en conservant une spécificité supérieure à celle de l'imagerie anatomique, même s'il est clair que les métastases millimétriques sont hors des capacités de la TEP avec les détecteurs actuels. Pour la détection de la récidive occulte, l'indication majeure de la FCH, les premières études montrent davantage de foyers détectés avec ces traceurs innovants, mais il faudra démontrer que ce n'est pas au prix d'une baisse de spécificité, ce qui est toujours difficile dans cette indication où peu de lésions sont vérifiées histologiquement. Enfin, seule la FCH a montré, dans des études encore peu nombreuses, sa capacité à évaluer la réponse à la thérapeutique du CPRC. L'innovation thérapeutique doit s'accompagner d'une validation du suivi sous traitement et aussi de l'évaluation préthérapeutique de la probabilité d'efficacité grâce à l'approche théranostique. Une avancée potentiellement majeure dans le traitement du CPRC par radiothérapie vectorisée a commencé grâce à ces innovations en TEP.■
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