Premières données des inhibiteurs de points de contrôle
La première étude a été présentée à l'ESMO 2021. Il s'agissait des premiers résultats du nivolumab administré dans le cadre du Programme national académique français ACSE. Cette étude de phase II monobras a enrôlé 43 patients [1], d'âge médian de 63 ans, 47 % présentaient des métastases ganglionnaires, 24 %, des métastases pulmonaires et 8 %, des métastases hépatiques. Ils étaient en majorité (44 %) en 3e ligne de traitement avec 35 % en 2e ligne. Le nivolumab a permis d'obtenir une médiane de survie sans progression (SSP) de 2,9 mois (IC95 : 2,3-5,3) avec 29,9 % de patients sans progression et non décédés à 6 mois. La médiane de survie globale (SG) était de 8,5 mois (IC95 : 4,5-18,4), avec 34,5 % de patients vivants à 12 mois. Sans surprise avec une mono-immunothérapie, 54,0 % des patients ont eu une progression de la maladie d'emblée avec quelques longs répondeurs.
Sur ce type de stratégie, des données complémentaires ont été présentées à l'ASCO® GU 2022 avec l'étude PERICLES [2]. L'originalité de cette étude était que les patients pouvaient dans certains cas recevoir concomitamment à l'administration de l'inhibiteur de point de contrôle (ICI) (atézolizumab) une radiothérapie, même si les critères de choix de la radiothérapie n'étaient pas clairs lors de la présentation des résultats. Un quart des patients n'avaient jamais reçu de traitement, 59 % avaient des métastases à distance et un âge médian de 67 ans. 32 patients ont été inclus : 20 dans le groupe atézolizumab + radiothérapie et 12 dans le groupe atézolizumab seul. La médiane de SSP était de 2,5 mois (IC95 : 2,6-5,3), et celle de SG de 11,5 mois (IC95 : 5,5-19,7). Comme avec les données d'AcSé, un profil de réponse similaire a été observé avec une majorité de patients dont la maladie a progressé d'emblée et quelques longs répondeurs (12,5 % de patients sans progression et non décédés à 12 mois). Il y avait peu de différences entre l'atézolizumab administré seul ou avec la radiothérapie. Pour mémoire, les statuts PD-L1 et HPV semblaient liés à de plus longues SSP et SG, mais cela doit être pondéré du fait de la très faible taille de l'échantillon.
Une étude chinoise qui s'est intéressée à une triple approche systémique néoadjuvante par 4 cycles comportant un anti-PD-1, le toripalimab, un anti-EGFR, le nimotuzumab, et une polychimiothérapie (paclitaxel lié à albumine + cisplatine + ifosfamide) dans une cohorte de 29 patients atteints d'un cancer localement avancé n'ayant jamais reçu de chimiothérapie a été présentée à l'ASCO® en juin [3]. Parmi les 21 patients ayant complété leurs 4 cycles néoadjuvants, 81 % ont eu une réponse objective, 2 une progression de la maladie d'emblée. Parmi les 18 patients qui ont pu avoir une chirurgie, 11 ont eu une réponse complète histologique, soit 61,1 %. Les données de SG n'ont pas été présentées. Du point de vue de la tolérance, aucun décès en lien avec le traitement n'a été enregistré, 24 % des patients ont présenté des effets indésirables liés au traitement de grade ≥ 3.
Autres approches et biomarqueurs
Dans les autres mécanismes d'action, il est à noter que les infections à HPV ont été reliées à une upregulation de la voie de signalisation du TGF-β. Une inhibition simultanée du TGF-β et de PD-L1 pourrait être une piste intéressante : le bintrafusp-alfa est une protéine de fusion bifonctionnelle bloquant TGF-β et PD-L1. Une étude de phase II explorant l'intérêt de cette molécule a enrôlé 75 patients porteurs de tumeurs associées à l'HPV [4]. Sur la population globale de l'étude, cette approche semble prometteuse lorsque l'on regarde les tumeurs liées à l'HPV avec un taux de réponse de 28 %, une médiane de SG de 21,3 mois ainsi qu'une médiane de durée de réponse de 17,3 mois. Toutefois, chez le seul patient atteint d'un cancer du pénis, la maladie a progressé d'emblée.
En septembre, à l'ESMO, ont été présentés les résultats d'une cohorte internationale de 167 patients porteurs d'une tumeur du pénis localement avancée non métastatique qui avaient reçu une chimiothérapie néoadjuvante [5]. L'histologie principale pour 85 % des patients était un carcinome épidermoïde pur ; 61 % avaient un ECOG PS 0 ; 56 % avaient une tumeur de stade clinique IIIa-IIIb et 44 % de stade IV. Le schéma de chimiothérapie néoadjuvante majoritairement choisi était le TIP (paclitaxel, ifosfamide, cisplatine) chez 82 % des patients. Les résultats ont retrouvé 22 % de patients réfractaires, 47 % en réponse partielle et 11 % en réponse complète. Les médianes de SG semblaient corrélées avec ces chiffres : 16 mois, 56 mois et 119 mois, respectivement. À l'ASCO® au mois de juin, un poster a présenté les résultats d'une étude qui a enrôlé 403 patients avec 728 cytologies négatives sur des ganglions inguinaux palpables, mais soulignait l'intérêt d'une échographie inguinale pendant la réalisation du ganglion sentinelle [6].
Du point de vue fondamental, une étude rétrospective de 108 patients atteints d'un carcinome épidermoïde du pénis a retrouvé 55,2 % de patients HPV– versus 44,8 % HPV+ [7]. Parmi tous ces patients, les mutations les plus fréquemment observées étaient : des altérations de la TP53 (45,5 %), de CDKN2A (25,6 %), de PIK3CA (24,8 %) et de TERT (22,2 %). Il faut noter que 4,3 % des patients avaient des altérations de FGFR3 ; 8,1 % des amplifications de FGF3 et 7,8 % de l'EGFR.
Parmi les autres biomarqueurs d'intérêt : 51 % des patients avaient un taux de PD-L1 ≥ 1 %, 10,7 % une charge mutationnelle élevée ≥ 10 mutations par mégabase et seulement 1,1 % des patients avaient un profil MSI-H. Seuls les patients HPV+ étaient porteurs de ces 2 dernières altérations. De même, les tumeurs HPV+ et HPV– sont clairement distinctes d'un point de vue moléculaire : avec pour le 1er cas moins d'altérations de TERT, TP53 et CDKN2A et a contrario plus d'altérations PIK3CA et FGF3.
Essais à suivre
Parmi les essais en cours, il faut retenir :
- une étude de phase II chinoise évaluant la combinaison d'une chimiothérapie par TIP + camrélizumab en néoadjuvant pour 4 cycles [8] ;
- l'essai de phase II EPIC qui étudie le cémiplimab seul ou en association avec une polychimiothérapie au choix de l'investigateur comportant sels de platine pour les patients atteints d'un cancer du pénis métastatique ou localement avancé inopérable [9] ;
- l'étude de phase II ORPHEUS qui analyse un anti-PD-1 (INCMGA00012) chez des patients atteints d'un cancer du pénis localement avancé ou non opérable naïf ou ayant reçu une 1re ligne de traitement [10] ;
- l'étude de phase III inPACT avec un schéma bayésien qui prévoit d'enrôler environ 200 patients pour déterminer les bénéfices des séquences chimiothérapie-chirurgie ainsi que chimioradiothérapie chez des patients ayant un cancer du pénis non métastatique avec atteinte ganglionnaire clinique ou radiologique [11]. Actuellement en France, la cohorte cancer du pénis a récemment terminé ses inclusions pour l'essai NCT04357873 qui étudie l'intérêt de combiner pembrolizumab et vorinostat, un inhibiteur des histones désacétylases (HDAC) (les histones sont des protéines basiques liées à l'ADN et régulant sa réplication et sa transcription). Les patients étaient censés avoir une maladie métastatique ou en rechute naïfs d'immunothérapie.
- Nous rappellerons l'intérêt d'inclure les patients dans l'étude PULSE qui est la seule à l'heure actuelle explorant l'intérêt d'une immunothérapie de maintenance par avélumab chez les patients atteints d'un cancer du pénis localement avancé non opérable ou métastatique dont la maladie est contrôlée après une polychimiothérapie comportant un sel de platine [12].■

