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Cas clinique

Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique


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  • Une patiente de 72 ans est adressée pour des lésions vulvaires évoluant depuis 5 ans et résistant aux traitements locaux. Ces lésions sont douloureuses, prurigineuses et altèrent sévèrement sa qualité de vie. Elle a pour antécédent un carcinome du rectum traité en 2006 par radio-chimiothérapie. Son suivi gynécologique est à jour.

Examen clinique

Lésions érythroleucoplasiques en nappe, bien limitées, peu infiltrées, de la face interne des grandes lèvres, mesurant respectivement 4 × 5 cm et 3 × 5 cm (figure 1), sans portion indurée, ulcérée, bourgeonnante, ni adénopathie.

Examens complémentaires

Biopsie unique : prolifération intraépithéliale de cellules de Paget (grosses cellules au noyau volumineux et fortement nucléolé) (figure 2) p16 et CK7 positifs (figure 3), sans immunomarquage mélanocytaire, ni invasion dermique : en faveur d'une maladie de Paget valvulaire (MPV) primitive intraépithéliale.

Scanner thoracoabdominopelvien, mammographie, coloscopie et cystoscopie : pas de lésion tumorale associée ou synchrone.

Traitement

Imiquimod : 3 applications par semaine en alternance avec de la pâte dermique riche en zinc.

Évolution

Après 1 mois de traitement : nette amélioration de la MPV, mais brûlure intense sur vulvite inflammatoire iatrogène, saignant au contact, avec formation de fibrine au niveau de l'introïtus responsable de l'accolement total des petites lèvres (figure 4). Décision de suspendre l'imiquimod au profit de soins cicatrisants.

Une semaine plus tard : introïtus moins inflammatoire, mais MPV déjà plus active sans augmentation de taille (figure 5). Reprise de l‘imiquimod 2 fois par semaine.

Actuellement à 6 semaines de la réintroduction d'imiquimod : diminution des lésions mesurant respectivement 2 × 4 cm et 2 × 2 cm (figure 6) sous 3 applications d'imiquimod par semaine, bien toléré. La peau est souple, non infiltrée. Les aires ganglionnaires sont libres.

Discussion

La MPV est un adénocarcinome rare, touchant davantage les femmes caucasiennes ménopausées. Au diagnostic, 77 % des MPV sont non invasives, 20 % sont invasives ou associées à un carcinome sous-jacent et 3 % sont déjà métastatiques [1]. 8 % des MPV non invasives deviendront invasives au cours du suivi [1]. Les MPV non invasives ou micro-invasives (< 1 mm d'invasion dermique), offrent un excellent taux de survie spécifique à 5 ans, de 98 %, quel que soit le traitement réalisé [1].

La prise en charge de la MPV souffre d'une absence de recommandation. L'exérèse chirurgicale, souvent mutilante, reste le traitement de référence, bien que les taux de récidive postopératoire soient élevés (34 à 56 %), celle-ci pouvant survenir à plus de 10 ans [1]. Le suivi des études n'excède que rarement 5 ans, d'où la difficulté d'évaluer correctement le taux de récidive postopératoire mais également post-­topique (imiquimod, photothérapie dynamique, fluorouracile).

Devant ce fort taux de récidive associé à une survie inchangée, certaines équipes préfèrent considérer la MPV comme une maladie chronique, avec la nécessité d'une meilleure tolérance thérapeutique pour préserver la qualité de vie des patientes. Une revue de la littérature française de 2019 [2], promeut l'utilisation d'imiquimod en première intention pour toutes les MPV non invasives et ce, quelle que soit la surface à traiter.

Dans notre cas clinique, le caractère diffus de la lésion et sa localisation clitoridienne rendent la prise en charge chirurgicale inadaptée. L'imiquimod, en application locale, nous semble plus approprié. Via son action pro-inflammatoire et antitumorale d'agoniste TLR7, l'objectif final est la rémission complète ou, a minima, la diminution de la taille des lésions permettant l'indication d'un traitement complémentaire, dont la chirurgie.

L'équipe de Machida [3] recommande 3 à 4 applications par semaine pendant 6 mois (taux de réponse complète de 71,6 %). En cas d'intolérance, il convient de diminuer la fréquence des applications. Il ne semble pas intéressant de réaliser plus de 4 applications par semaine au risque d'effets indésirables plus importants pouvant aller jusqu'au syndrome pseudogrippal, avec la nécessité de diminuer la fréquence d'application dans 81,8 % des cas. L'âge (p = 0,58), le statut récidivant ou non (p = 0,44) et la taille de la lésion (p = 0,37) ne sont pas des critères influençant le taux de réponse complète.

La MPV est une pathologie chronique d'évolution lente et de diagnostic difficile, retardé en raison de sa rareté et de ses nombreux diagnostics différentiels bénins (eczéma, lichen scléreux, candidose, psoriasis vulvaire). Son diagnostic précoce permet de poser l'indication d'une chirurgie peu délabrante, la lésion étant encore de petite taille.

De manière plus générale, le diagnostic des cancers vulvaires est retardé d'en moyenne 2 ans [4]. Le prurit, signe non spécifique, est le point d'appel le plus fréquent [4]. Devant une lésion prurigineuse résistant plus de 3 mois aux thérapeutiques habituelles, il conviendrait de reconsidérer le diagnostic initial ; le recours à la biopsie vulvaire nous semble nécessaire afin de poser un diagnostic histologique et de confirmer ou d'infirmer la présence d'une lésion néoplasique.

Notre observation illustre la difficulté de prise en charge diagnostique et thérapeutique de la MPV. Les traitements conservateurs sont à envisager pour préserver l'intégrité anatomique, fonctionnelle et sexuelle de la vulve, sauf pour les lésions de petite taille, éligibles à une intervention chirurgicale. Dans tous les cas, il est capital de poser le diagnostic rapidement, d'informer sur le caractère chronique de la maladie (risque élevé de récidive) et d'instaurer une surveillance régulière avec une vigilance accrue aux signes d'invasion.II

FIGURES

Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique - Figure 1
Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique - Figure 2
Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique - Figure 3
Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique - Figure 4
Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique - Figure 5
Maladie de Paget vulvaire : difficulté diagnostique et thérapeutique - Figure 6

Références

1. Van der Linden M et al. Vulvar Paget disease: a national retrospective cohort study. J Am Acad Dermatol 2019;81(4):956-62.

2. Carton I et al. Paget’s disease of the vulva: a challenge for the gynaecologist. J Gynecol Obstet Hum Reprod 2021;50(1):101896.

3. Machida H et al. Effects of imiquimod on vulvar Paget’s disease: a systematic review of literature. Gynecol Oncol 2015;139(1):165-71.

4. Woelber L et al. Vulvar pruritus-causes, diagnosis and therapeutic approach. Dtsch Arztebl Int 2020;116(8):126-33.


Liens d'intérêt

P. Fattet, F. Pelletier, Y. Maisonnette et R. Ramanah déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.